Il y a quelques jours, le 16 a passé un coup de fil à Shaz, artiste producteur de talent et doté d’une
éducation musicale poussée. Sa connaissance de la musique l’amène à travailler des productions très variées dans les sonorités et les genres, bien que le hip-hop reste l’essence de sa passion pour la production. Avec des productions pour Rilès, Kalash, Migos et Alonzo, entre autres, Shaz continue à progresser depuis 2017. Objectif en vue : mettre en avant davantage l’artiste Shaz, tout en continuant à produire pour les rappeurs. Le récent et pourtant florissant 808 Club, projet avec son compère Alex Grox, est une nouvelle étape sur ce chemin vers la liberté. Voici, pour vous, le meilleur de notre conversation. « Oulala, Shaz… »

16 : Pour commencer, j’aimerais que l’on retrace ton parcours, de producteur bien sûr, de musicien mais avant ça, de vie, est-ce que tu peux me parler de toi, d’où tu viens ?

SHAZ : Je suis d’origine tunisienne, ma mère est française. J’ai grandi en région parisienne dans le 91. Musicalement j’ai commencé petit avec l’école de musique, j’ai fait du violon très vite. Le violon et le piano ont été les premiers instruments de mon éducation musicale.

16 : Comment est arrivée la musique dans ta vie ?

SHAZ : Ma mère chante à la chorale depuis très longtemps déjà, donc il y avait ce côté chant. Ma
sœur faisait du piano aussi. C’était une première étape. Et aussi l’entourage, quand j’étais petit un pote faisait de la guitare, l’autre chantait, naturellement je me suis mis à en faire, et j’ai kiffé.

J’ai commencé mon premier instrument par le violon quand j’avais sept/huit ans, et j’ai vite switché sur le piano à onze ans. Tu sais, le violon tout seul, c’est dur. Le piano c’est un instrument qui se joue seul, et pour moi c’est plus beau quand c’est en orchestre. Donc ça m’a un peu lassé, même si c’est magnifique. Le piano, il y a avait ce côté deux mains, tu peux faire en même temps une basse, en même temps une mélodie, ça m’a plus attiré en fait. Même la sonorité qui est un peu plus apaisante, le violon peut être parfois un peu strident.

16 : À cette période, quels genres de musique arrivaient à tes oreilles ?

SHAZ : Un peu de tout. À la fois des trucs du bled, des Oum Kalsoum, de la grande musique arabe. En même temps de la musique populaire au maghreb. Et en même temps du rock, du Bob Marley aussi, mon père kiffait beaucoup Bob. Du coup c’est vraiment différentes influences… en plus de la musique classique que j’apprenais au conservatoire. Un peu de rap US aussi, quand j’étais petit j’étais plutôt 50 Cent, Eminem, des artistes comme ça qui étaient les plus écoutés du moment. Et j’ai vite switché du piano classique au piano jazz, et ça m’a ouvert sur la musique afro-américaine. J’avais peut-être quatorze ans, un truc comme ça.

16 : De musicien, comment t’es arrivé à la composition ?

SHAZ : La composition j’en faisais déjà puisque le jazz m’a appris à improviser et à composer, là où le classique apprend à reproduire. Le jazz tu as une liberté, et j’ai compris : « ah c’est comme ça les accords, en fait on joue comme ça… ». Donc petit à petit ça m’a amené à voir la musique différemment, et j’ai commencé à composer à quatorze ans. J’écrivais des partitions même. Et après la production, juste mettre ça sur un ordi, c’est arrivé vers mes dix-sept ans.

16 : Justement comment t’es arrivé à la production et découvert ce milieu ?

SHAZ : Je découvre ce milieu après être tombé amoureux du rap US à fond quand j’étais au lycée, il y avait des potes qui rappaient, ça écoutait beaucoup de son. Et naturellement, vu que je suis musicien, le rap pour moi c’est de la musique, j’écoute autant la voix que les guitares et les drums qu’il y a derrière. J’étais à la fois attiré par les paroles, et je kiffais la musique, donc j’ai fait un peu de tout. J’ai vu que ce que je kiffais faire c’était la musique, plus que rapper ou écrire des textes. Je me suis mis à la prod’ parce que j’étais très inspiré par Dr Dre, J Dilla, vraiment tous les gros producteurs américains, je voyais les vidéos sur Youtube, en studio… et je me disais « c’est incroyable ça ! ».

16 : Donc tu avais un œil sur la production et pas seulement la musique finie ?

SHAZ : Exactement, j’aimais bien voir en studio comment ça se passait. Quand j’écoutais les sons, je me disais « comment les mecs ont fait, c’est tellement gros, tellement lourd ». Donc j’ai commencé à chercher sur internet ‘qui a fait ce son ?’ et voilà, tu vois à quoi il ressemble, tu vois comment il bosse etc. Ça m’a donné des clés pour comprendre, et j’ai vraiment appris en autodidacte pour le coup. Avec des bases de musicien. Je connaissais la musique, et le côté production ensuite je l’ai appris avec internet !

16 : Comment tu finis par entrer dans ce milieu-là ?

SHAZ : 17 ans, fin de lycée, j’entame mes études supérieures, la musique pour moi n’avait jamais été quelque chose dont je voulais vivre. J’ai toujours entendu : « c’est très difficile quand t’as pas de réseau, de famille, de pistons ». Mais c’était dans un petit coin de ma tête, genre un rêve, mais je me disais qu’il fallait être safe. J’ai suivi le parcours classique, lycée, après je suis allé en école de commerce, en alternance donc je travaillais. Mais je faisais toujours des instrus le soir, le dimanche, et je tentais des trucs. J’ai envoyé à un moment donné un mail à Siboy, 92i, que j’avais récupéré sur Twitter. C’était en 2016, donc le pic de sa carrière. Et il me répond, il me dit « ça tue, je suis en train d’écrire sur cette instru, vas-y envoie moi d’autres trucs », et là il se passe un truc. J’envoie à Niska, il me demande mon numéro, il m’appelle, il a kiffé et veut qu’on se capte. C’était des petits signes comme ça qui me disaient qu’il y avait peut-être un truc à faire. Donc après les études, je me suis laissé un an. Et en un an j’ai charbonné et essayé dans la musique, et c’est comme ça que ça c’est fait. En 2018, j’ai signé avec Warner Chapelle en édition, et après c’était parti, je n’ai plus fait que ça.

16 : Comment est venue la signature, on est venu te chercher ?

SHAZ : Il y avait un battle de producteurs en 2017, juste après la fin de mon diplôme. En septembre, il y avait un évent à Paris, Music Producer Convention. Et moi j’ai participé au battle pour tester. Le battle, tu mets trois instrus, un mec en face en mets trois aussi, et le jury décide qui gagne. J’arrive en quart de finale de ce truc-là, j’avais rien préparé. Et j’ai rencontré pas mal de gens là-bas, c’était la première fois que je voyais des professionnels. Petit à petit, j’ai commencé à bosser avec ces personnes, des éditeurs aussi, je ne savais pas ce que c’était un éditeur à l’époque. Et un éditeur avec qui je bossais était déjà « en place » entre guillemets. Ils ont intégré Warner, donc ils ont proposé des compositeurs, dont moi, et la Directrice Artistique Oriana, qui a écouté mes trucs et voulu me signer. 2017 je ne fais que ça, et 2018 je peux en vivre, avec les avances etc…

16 : Est-ce que le terme « producteur » qualifie correctement ce que tu fais, ou est-il trop réducteur
pour englober l’ensemble de ton œuvre ?

SHAZ : Peu importe en vrai. C’est effectivement producteur de musique, music producer en anglais, c’est-à-dire celui qui fait, qui crée la musique. En France, il y a aussi le côté producteur au sens financier, celui qui investit, il y a un double sens. Donc producteur de musique, beatmaker soit compositeur hip hop, et musicien, artiste, voilà : on fait de la musique ! Et après le terme précis si tu veux savoir, juridiquement, ça s’appelle « réalisateur artiste », bon après ça veut un peu rien dire mais c’est le terme juridique (rires).

16 : Quand j’écoute tes productions, les musiques sur lesquelles t’as travaillé, sur chacune il y a une énergie folle qui se dégage, et qui pilote tout le titre. Il y a vraiment ce côté comme tu disais d’un côté musique, d’un côté rappeur. Est-ce que c’est un point clé que t’as dans ta direction artistique et ta création de donner ce côté organique là à la prod ?

SHAZ : Grave ! J’ai toujours envie d’amener ce truc organique donc souvent je rajoute des guitares, des basses, des trucs que je joue moi-même, et que j’ajoute à une production hip hop « numérique ». C’est important pour moi de mettre de l’organique. Dans Migos, Key Glock, Kalash, je mets toujours des touches organiques pour amener ma patte, je kiffe trop ça. Je viens de là, et la musique ça reste de l’instrument à la base, donc je mélange un peu tout ça. J’essaye vraiment d’amener quelque chose, en France, même aux States, avec tous les artistes avec qui j’ai pu bosser, j’essaie d’amener cette énergie organique. Comme sur Tombolo par exemple, ce n’est quasiment que des instruments, tout ça peut se jouer avec un groupe.

16 : On va revenir sur tombolo, mais avant ça j’aimerais revenir sur ton processus créatif, comment tu crées la musique ? J’imagine que ça dépend des artistes.

SHAZ : Tout dépend de la relation avec l’artiste comme t’as dit. Avec quelqu’un dont je suis proche, je vais pouvoir beaucoup plus aller dans le détail ou proposer, tenter des choses. Après des rappeurs que je connais pas, tu fais tes sons et t’envoies des mails, ou t’as un manager et tu sais pas ce qui se passe. Mais le plus intéressant c’est quand la relation est au studio. J’amène des idées dans les sessions, soit j’ai déjà une prod finie, soit on fait même sur place, ou des fois le rappeur il me dit « tiens, j’ai envie d’un délire comme ça », et après moi je tente de mon côté, et on échange comme ça. C’est vraiment un processus créatif de musiciens, qui font de la musique ensemble. Par exemple avec Rilès, avec qui j’ai beaucoup bossé, il me dit « tiens j’ai envie de faire ça, dans un délire par exemple uptempo, énergique », je lui fais écouter des trucs : « ah tiens, on ajoute ça » ! Et petit à petit, ensemble on amène une production que moi seul je n’aurai pas amené, et lui seul non plus.

16 : J’imagine que la connexion avec Rilès est d’autant plus forte puisque lui aussi est beatmaker, compositeur, comment ça a fusionné vous deux ?

SHAZ : Ben écoute je commence à bosser avec Rilès en 2019, sur son album : « Welcome to the jungle », qui est maintenant disque d’or. Ça a très bien marché, humainement très très bon gars de fou. Et après j’ai bossé avec tous les artistes de son label, j’ai commencé à être vraiment proche de l’équipe. Puis on a fait une compilation de label, « Family Business », sortie en 2020 je crois. Leone, Younès, Rilès, toute la team, et d’autres compositeurs. C’est toujours la mif de fou.

16 : Comment tu perçois l’évolution de ton travail ?

SHAZ : Moi je suis un artiste, je me considère vraiment comme un artiste. Je sais ce que je veux, je sais ce que je veux faire écouter aux gens. Travailler pour les autres je kiffe, et je le ferai toujours parce que c’est un plaisir. Mais travailler sur mes sons à moi… Tu vois comme un Dj Khaled, un Dj Snake, comme ZegP en France récemment, inviter des rappeurs dans mon univers, ça c’est un truc sur lequel je suis en train de travailler. Je te le dis en exclusivité, je ne l’ai pas encore annoncé, ça va arriver bientôt je vais sortir des singles, en mon nom.

16 : En un nom différent encore du 808 Club ?

SHAZ : 808 Club c’est mon projet, il est toujours là. C’est un peu une première ébauche pour montrer la direction. On sort des sons en artistes, et derrière il y aura Shaz aussi en artiste. 808 c’est une émission qu’on continue à développer avec Alex [Alex Grox, ndlr], et ça continuera toujours.

16 : Justement est-ce que tu peux nous expliquer la démarche du 808 Club ?

SHAZ : La démarche c’est de se dire : on va inviter un artiste dans notre club, et on va lui faire un son de ouf. Sortir le meilleur son possible, tenter des trucs, essayer des choses qui n’ont pas été faites, créer de la vibe. Notre objectif c’est vraiment faire kiffer le public, donc c’est généralement des sons dansants, énergiques, comme le Kerchak qui est à deux millions de streams en deux mois sur toutes les plateformes, en premier single ! Donc les gens sont hyper réactifs, on est content. Format vidéo, inspiration Colors, Fumez the Engineer aussi, le but est de filmer une performance de l’artiste en studio et des producteurs présents. Derrière on sort le son sur les plateformes. On filme la performance et on revient à l’essentiel !

16 : Et encore une fois de signer tes titres à ton nom.

SHAZ : et de signer des titres en mon nom Shaz en artiste, sur les plateformes, au lieu de Shaz à la prod. Il y a eu une direction artistique, je sais ce que je veux et je sais ce que je vaux. Donc vraiment c’est ce côté producteur artiste que je suis en train de développer de plus en plus. Musicalement quand tu places des prods, tu es souvent obligé de t’adapter à ce que l’artiste veut. Donc c’est de la commande, bon, j’aime pas forcément ce que je fais mais je le fais parce que ça me fait vivre. Et je veux faire ce que j’ai envie. A la manière d’un Dj, proposer quelque chose, une image, un son… pour vraiment montrer ce que j’ai envie à 100%, sans compromis.

16 : J’imagine que la frustration doit être forte parfois quand l’artiste part sur des directions qui ne sont pas les tiennes sans que tu puisses intervenir ?

SHAZ : Tu la gères parce que tu sais que ça fait partie du métier, c’est comme ça. Quand tu fais de la musique dans le hip hop, en France surtout, tu n’es pas décisionnaire. Aux Etats-Unis, c’est différent, les producteurs sont quand même plus impliqués dans le process, on les écoute beaucoup plus, ils sont plus importants là-bas : Kanye, Pharell, Dr. Dre et j’en passe tu vois. En France, ça dépend de qui, mais c’est encore un peu l’image du rappeur qui va décider, ce que je comprends parce que c’est son titre au final, c’est lui qui le défend, c’est lui qui va sur scène avec, c’est lui qui doit le vendre, donc c’est normal d’un côté je comprends. Mais de mon côté artiste – avant de faire des prods j’étais musicien, j’avais un groupe, on tournait, j’étais compositeur aussi, on allait sur scène, et de A à Z j’étais décisionnaire de ce qu’on faisait – Aujourd’hui j’ai envie de revenir à ce truc d’aller au public directement et faire des concerts. C’est pour ça que le projet 808 Club, le projet Shaz aussi en artiste, c’est vraiment d’aller voir le public et de leur montrer : “voilà ce que j’ai fait, voilà le message que je veux vous faire passer, je vous le montre à 100% authentique”. Sans quelqu’un à qui je vais placer, et derrière changer le mix. C’est aléatoire. Quand tu places, parfois il y a des très belles surprises, le gars tue ça c’est trop lourd. Et des fois, c’est pas fou.

16 : Tu disais ne pas être décisionnaire parfois. Sans aller trop loin et m’évader, je me pose la question de l’influence de l’ère et du format TikTok sur la création artistique. Comment la ressens-tu en tant que producteur et auprès des rappeurs ?

SHAZ : C’est simple aujourd’hui, c’est TikTok qui fait les ventes de musique. C’est réel. Aujourd’hui, 80% des morceaux du top 50 sont dans le top 50 parce qu’il y a eu une trend TikTok avant. Donc c’est sûr que TikTok influence la musique et les ventes. Par contre, moi ce que j’aime bien, c’est que tu vois des titres qui ne sont pas du tout formatés, un gros Tiktokeur a kiffé le morceau et il te le fait péter. Il suffit d’une trend, et ça, ça fait plaisir ! Et en même temps, il y a ce côté que tu évoques, un son uptempo énergique, très court, des gimmicks, des paroles qui peuvent être reprises sur TikTok, et là je trouve ça nul. Quand c’est formaté pour Tiktok c’est nul. Par contre, quand Tiktok s’empare d’un morceau qui est lourd et qui le fait péter, là je dis bravo ! Quelque part il y a du bon et du mauvais. Moi dans ma production ça n’influe absolument pas, je ne pense pas à ça quand je produis. Les artistes non plus je pense, mais peut être qu’ils le pensent après. C’est-à-dire une fois qu’on a fait le morceau : telle partie, telle instru un peu enjaillante, on va faire une gimmick, un truc qui puisse être repris par des gens. Mais j’essaie d’éviter un maximum d’être influencé par ça au moment de la création, pour moi ce n’est pas la bonne chose à faire.

16 : J’aimerais que l’on parle de ton implication sur l’album Tombolo de Kalash, album qui m’a
particulièrement touché. Une connexion s’est créée entre vous j’ai l’impression. Comment s’est passée votre rencontre ?

SHAZ : Kalash, on s’est rencontré il y a presque deux ans, avec mon ancien manageur/éditeur qui avait un contact dans le label de Kalash. Le contact est passé au studio et Kalash cherchait justement un nouveau studio. Donc il est venu juste pour enregistrer un son. A ce moment-là j’étais aussi ingénieur du son pour enregistrer. On a fait « Oula » le premier jour où il est venu, single zouk. Et en fait, déjà humainement, premier jour première connexion, il me dit : “Mais Shaz, t’as déjà travaillé avec des artistes reggae dancehall ?”. Je lui dis : “ah non jamais”. – “Beh tu connais !” Il y a eu tout de suite cette connexion parce que j’écoutais beaucoup de reggae aussi, Bob Marley, Buju Banton, et pour moi, c’est de la vraie bonne musique ! C’est très riche musicalement, et pour Kalash qui vient de cet héritage-là, on se comprend ! Donc on s’est très bien entendu tout de suite, là où d’autres « rappeurs », peuvent avoir moins de background musical. Ils écoutent du rap français, ok c’est le texte, mais derrière la musique c’est un peu flou. Kalash connaît très bien la musique, et c’est pour moi un très très très bon chanteur qu’on a en France, voir le meilleur. En termes d’interprétation, de tous les artistes avec qui j’ai pu travailler en studio, c’est le meilleur ! Il va te faire des voix d’opéra aigu, après il te fait un toast comme Buju Banton, après il rappe, puis en créole, puis en anglais… Enfin la palette est incroyable ! C’est le
meilleur vocaliste qu’on ait ! J’ai l’honneur et la chance qu’il me fasse confiance, ça se passe très très bien.

C’est comme ça donc qu’on a commencé à bosser ensemble. Premier titre, « Oula », juste à l’enregistrement. Ensuite on a fait « Gwo Model », premier son qu’on a fait ensemble, un son drill. Et depuis on a continué à bosser. Tombolo, j’ai fait six ou sept prods je sais plus. Aujourd’hui c’est le frérot, c’est vraiment quelqu’un de bien, c’est humainement et artistiquement une très belle entente et une très belle rencontre.

16 : Artistiquement du coup sur les prods que t’as placé pour Tombolo, il y a comme à l’image de l’album diverses sonorités, beaucoup des Caraïbes, des genres très variés. Tu avais déjà ces sonorités comme tu m’as dit dans ton répertoire d’auditeur, mais est-ce que tu les travaillais déjà dans tes productions ?

SHAZ : Ah oui clairement, c’est lui qui m’a amené à faire ça. Je connaissais, j’écoutais, mais j’ai fait
quelques trucs un peu reggae mais je peux pas me prétendre être un spécialiste, loin de là. Il m’a envoyé des références, il m’a dit ‘tiens, écoute Bounty Killer, écoute des artistes jamaicains, Skilibeng’. Donc je connaissais mais je suis vraiment allé plus loin dans cette culture-là. Et quand il venait dans mon studio à Paris, là où on a fait une grosse partie de l’album, il a aussi fait une partie à Miami et une à Dubai. Justement on écoutait beaucoup de titres, des fois on faisait juste des sons comme ça, on testait des trucs, j’étais au piano, il chante, on boit un verre, ses potes sont là, on kiffe vraiment ! Donc à la fois je connaissais, et à la fois je me suis imprégné de cette culture. Et aussi en même temps, « Van noir », le son avec Hamza, c’est un son trap. Là pour le coup c’est moi qui l’amène un peu sur mon univers, même si Kalash a déjà fait de la Trap bien sûr, mais moi c’est plus mon domaine. « Tombolo » c’est de l’Afro, donc là on écoutait beaucoup de Rema, de Crayon, même de Burna Boy etc.. Donc on est parti sur une vibe très « niga » (pour nigériane, ndlr.).

16 : « Bumpy » qui est très dancehall

SHAZ : « Bumpy » clairement c’est un son que je n’aurais pas fait sans Kalash. En me faisant écouter tous ses trucs, j’ai tellement aimé… Des fois t’es avec un artiste, il te fait écouter des références, et t’aimes pas. C’est difficile de lui dire (rires) ! Et quand Kalash me fait écouter des trucs, il s’avère que je kiffe ! Donc j’ajoute ces sons à ma playlist, et j’ai envie d’en faire, c’est naturel !

« Je suis tombé récemment sur un son de Barington Levy & Bounty Killer, Living Dangerously, sur un album à l’époque ça date de fou mais je me suis pris ça ! »

Shaz, artiste producteur

16 : Revenons à « Tombolo », le single, vous avez un fait un énorme hit transgénérationnel, comme l’a pu être « Free Me » ou « Bando » de Kalash par exemple. Aux Antilles, c’est comme ça que ça se ressent. Comment toi tu le vis et tu le ressens ?

SHAZ : Écoute moi déjà je vais en soirée à Paris je l’entends, donc à partir du moment où j’entends un son créole parmi des gens qui ne le parlent pas et qu’ils le chantent, on a gagné ! C’est un son de fou, Kalash a vraiment mis une émotion, et une performance vocale incroyable. Voir des gens dans les mariages qui jouent un son qu’on a fait en vingt minutes, au studio en attendant Wejdene, c’est fou. Pour l’histoire, Wejdene arrivait un peu plus tard, et j’ai fait écouter à Kalash un truc un peu afro que j’avais fait, ça lui a parlé, il m’a dit “attends je teste un truc en cabine”, et on fait Tombolo en quinze minutes. On était avec Clara (manageuse de Kalash, ndlr.), qui dit que c’est un truc de ouf aussi. Un accident comme ça qui n’était pas prévu, et qui devient le single qui lance l’album. Aujourd’hui des enfants le chantent dans des karaokés. On m’envoie des vidéos, des potes à moi qui sont aux Antilles, le son passe partout, ils me disent “on en a marre, il est partout” (rires). C’est magnifique, ça rend heureux les gens et c’est le but de la musique, c’est le partage, le titre nous appartient plus.

16 : Au moment où on fait cette interview, Malpolis va sortir à minuit, un nouveau featuring entre
Kalash et Damso dont tu es à la co-production, on espère un nouveau hit, aller toucher le Mwaka Moon ?

SHAZ : Mwaka Moon non il ne faut pas comparer. C’est un son que j’ai saigné, que tout le monde, toute la France a saigné. Gros respect à Pyroman, je ne l’ai pas cité mais c’est aussi un des mecs qui m’a mis le pied à l’étrier en 2017, quand je l’ai rencontré par hasard. C’est marrant pour l’histoire que cinq ans après je bosse avec Kalash aussi ! J’espère que le son va tout péter, j’espère que les gens vont kiffer. En tout cas, moi je pense que c’est mon son le plus abouti de ma carrière pour le moment. Damso et Kalash ont plié ça, ils ont vraiment donné tout ce qu’ils avaient, on espère que les gens vont se prendre le morceau.