Il était une fois, une musique urbaine pleine de saveur et de passion pour ce qu’elle véhicule et représente. Il était une fois également, Disney, qui a bercé la tendre enfance de beaucoup d’enfants. Tout semble opposé ses deux univers mais pourtant, ils font souvent si bon mélange. Dans cette chronique, nous allons traverser le monde merveilleux de Disney sous l’œil du rap français.
LE CONTRASTE D’UN MONDE FÉÉRIQUE
Vous avez surement déjà esquissé des sourires en entendant des références à Disney dans les morceaux de vos artistes préférés. Forcément. Le monde de Disney a été de nombreuses fois cité dans divers textes ou diverses punchlines marquantes. Généralement ces punchlines viennent également reprendre le système d’image que Disney cherche à transmettre. Dans San, Orelsan en fait même une opposition avec l’idée d’évoluer artistiquement : « J’veux pas rester figé, piégé dans mon personnage comme une prise d’otages à Disney ».
On peut parler d’une « génération nippone » du rap français avec les références aux animés et en particulier à Dragon Ball, mais on ne peut parler de « génération Disney ». Tout d’abord car l’univers a traversé les générations mais également parce qu’il reste très enfantin comme le rappelle Lino dans Suicide Commercial : « Sur la prod y’aura pas d’fin à la Disney ».
Néanmoins l’aspect féérique de Disney disparaît assez vite. Justement le côté merveilleux est souvent mis en opposition avec la réalité des choses comme chez Davodka dans Mise à flow : « Très loin d’la magie de Disney, tous les flics te cuisinent parce que là t’es fait comme un rat » ou encore chez Kalash « Y’a qu’à Disney que les rats sont animés » dans le classique Rouge et Bleu avec Booba.
Enfin, le monde de Disney connaît son grand nombre de punchlines. L’icône de cet univers est Mickey mais ce dernier est très rarement cité. Booba lui fait référence pour les bénéfices qu’il rapporte dans Abracadabra : « Boss du rap game, je veux le cheese à Mickey Mouse ». On le retrouve aussi chez Gims dans Meurtre par strangulation, mais le personnage n’intéresse pas spécialement le rap comme le rappelle Rim’k dans Addict : « J’suis addict à Mickey, celui de Snatch pas celui de Disney ».
DE VULGAIRES PRINCESSES OU DES PRINCESSES VULGAIRES
L’un des thèmes principaux des rappeurs reste celui des femmes. En effet, entre des histoires sans lendemain, des longues relations ou encore des cœurs brisés, les femmes sont omniprésentes dans les textes. Quoi de plus facile que de comparer une femme à une princesse ? Seulement, elles perdent leurs côtés féériques.
La première qui perd véritablement toute crédibilité dans le milieu urbain c’est Blanche Neige. Tout d’abord, la « blanche neige » correspond à la cocaïne : « J’assure l’spectacle comme Walt Disney ou la Blanche Neige » chez Vald dans Résidus ou encore chez Ninho dans Mama No Cry : « Elle était pâle et un peu speed, elle voulait taper la blanche neige ». Des références dans ce style on en retrouve aussi chez 13 Block, Columbine ou encore Davodka. Par ailleurs, la princesse n’est jamais citée pour sa beauté mais uniquement pour les aspects suspects du dessin animé où sept nains la recueillent chez eux. Par exemple dans le classique Petit Frère d’IAM : « On se tapait des délires sur Blanche-Neige et les 7 nains, maintenant les nains ont giclé Blanche-Neige et tapent » ou encore dans Ce Genre de Lorenzo : « Au fond, j’crois qu’c’est ce genre mais peut-être une putain, Blanche Neige plan à 8, avec tous les lutins ».
Alors qu’on a des protagonistes de grands dessins animés qui ne sont citées qu’une fois comme Mulan par Vald ou encore la Petite Sirène par Alkpote, néanmoins on retrouve énormément de références pour les autres princesses. D’abord on a une volonté d’opposer la belle avec la bête. Cette métaphore, on la retrouve dans une punchline du fabuleux Au pied de ma tour de MMZ, mais également dans le storytelling La belle est la bête d’S.Pri Noir, où ce dernier décrit la vie d’une femme de cité qui tourne mal.
Une princesse fait néanmoins division, c’est Pocahontas. Il y a ceux comme Jul ou Moha la Squale dans Le p’tit avait un rêve, qui font d’elle une véritable divination. Et il y a ceux qui ne voit en elle qu’une femme d’un soir sans dignité comme dans D.U.C de Booba, dans 6.45i de SCH : « J’tartine des Pocahontas, j’les tire par les fesses et les tresses. » ou encore PLK dans Jack Fuego de SDM : « Une tchoin des îles comme Pocahontas, elle m’suce à l’arrière du Golf 7 R ».
Bien que son château représente l’univers de Disney, la belle au bois dormant n’apparaît que très peu, par exemple chez IAM, Lacrim ou encore Passi. A l’inverse de Cendrillon qui laisse une énorme diversité dans la punchline. Certains utilisent sa beauté comme chez Dadju ou Mister You, d’autres s’en amusent comme Sinik ou Kalash Criminel dans Ahou :« Toute ta haine dans le cendrier, en levrette est Cendrillon ». Mais l’image de Cendrillon est majoritairement utilisée pour décrire les femmes qui se prennent pour des princesses chez Mister V, TSR Crew ou encore Lartiste avec la célèbre punchline : « Bienvenue en France, Paris, le luxe, chez nous Cendrillon fait des films de uc » dans A Bon Entendeur.
LA PARTICULARITÉ DE CERTAINS PERSONNAGES
Si l’on pense « particularité » des personnages, l’un des premiers noms qui vient c’est Pinocchio. Au-delà d’être le titre collaboratif de Booba qui a permis notamment à Damso de se propulser, Pinocchio connaît sa variété de punchlines pour son côté menteur. Sinik établit une liste de mensonge dans le titre éponyme du personnage, ou encore Booba et Damso utilisent le nez de Pinocchio dans un but sexuel : « J’mens dans ta chatte comme Pinocchio » (Pinocchio, Booba) ; « Ma bite a l’effet Pinocchio je bande quand je te dis je t’aime » (Bang Bang, Damso). D’un autre côté, la marionnette de bois est également utilisée par Orelsan dans Jimmy Punchline pour imager ses dires : « Ma gueule de bois ferait passer Pinocchio pour un vrai p’tit garçon ».
Par ailleurs, un autre personnage présente des caractéristiques particulières : Dumbo. Entre ses grandes oreilles qu’on retrouve chez Canardo dans Ça vient de Paris : « Parle pas trop, les murs ont les oreilles de Dumbo », une trompe d’éléphant chez Seth Gueko, on vous laisse imaginer la raison, mais on découvre également son côté victime chez Sexion d’Assaut dans Parigo.
Si l’on continue dans les animaux, l’histoire de Bambi est source d’inspiration. Dans son dernier album Split, Josman dédicace Bambi à travers son côté « survivant » face à la mort de sa mère. Un début d’histoire qui marque puisque la mort de la biche est également présente chez Kaaris dans Magnum : « Tu veux résister, tester, tant pis, je vais t’enterrer avec la mère à Bambi » ou encore dans C’est la base : « J’m’en bats les couilles de tes valeurs, dans Bambi j’étais du côté du chasseur ». On retrouve également une mention à Bambi dans Requiem de Lino : « Sur l’bon beat j’ai l’mort, et Bambi s’est pris un coup d’pare-choc ».
RICHE COMME PICSOU OU LIBRE COMME PETER PAN
Un univers qui est souvent cité dans les textes des rappeurs, c’est celui de Peter Pan. Avant de parler du héros principal, on retrouve deux personnages du dessin animé souvent cités : la Fée Clochette et le Capitaine Crochet. D’abord la petite fée qui interroge Disiz dans le morceau Dans le ventre du crocodile, est utilisée pour différentes raisons : son côté jalouse chez Columbine, sa beauté chez Jul, sa magie chez Seth Gueko : « Même la Fée Clochette changera ap’ ma gueule de Tchécoslovaque » dans Néo Comeback. Quant au Capitaine Crochet on peut le retrouver dans La Street a tout gaché de Gradur : « Street nous a accroché, le Diable a pêché, pas le même gauche que le Capitaine Crochet » ou dans HUH de Prime : « La patience à ses limites j’suis Capitaine Crochet ».
En plus d’être le titre d’un morceau de Diam’s, Peter Pan est surement un des personnages de Disney les plus cité dans le rap français. De Booba à Lino et Orelsan, en passant par Dinos et Bigflo & Oli ou encore Hugo TSR et La Fouine, Peter Pan a beaucoup d’auteurs. Il est parfois mentionné pour son syndrome, celui de ne pas vouloir devenir adulte comme chez Médine dans Enfants forts : « J’sais pas si j’ai l’syndrome de Peter Pan mais moi, j’veux pas qu’mes gosses connaissent ce monde » ou encore parce qu’il vole comme chez DTF : « J’tire une grosse latte, j’m’envole comme Peter Pan » (Chat Noir).
Alors que certains veulent voler comme Peter Pan ou encore Aladin comme Kaaris dans Pas de remède, d’autres préfèrent voler comme Robin des Bois. En effet, le grand cœur de Robin des bois à l’égard des pauvres est souligné dans de nombreux des textes, par exemple chez Mokless dans Débordé : « Du côté des opprimés comme Robin des bois ». Le renard de Disney est présent également chez SCH dans Every Day, Vald dans Pentacles et bougies ou encore chez Sofiane dans Rapass.
Pourtant, même s’il y a toujours eu cette volonté d’une partie des rappeurs de s’en sortir, ils finissent par vouloir la rançon comme Picsou. L’argent est omniprésent dans les textes, parfois en guise de but, parfois en guise de problème. Picsou peut être synonyme à la fois de réussite comme chez Freeze Corleone « J’suis comme Picsou, t’es comme Donald » (3 Planètes) ou synonyme de radin comme chez Jul avec l’expression « Tu me fais le Picsou » (Mélancolie du soir).
ACCOMPLIR SON DESTIN COMME SIMBA
Comment parler de Disney sans parler du Roi Lion ? Entre une histoire marquante et des personnages alléchants, le rap français n’a pu s’empêcher de citer à outrance ce dessin animé. D’abord à de multiples reprises chez Despo Rutti, chez Scylla ou encore chez Alkpote dans Sans Commentaire : « T’prends pas pour le Roi Lion ou j’rase ta crinière ».
Bien que le personnage principal, Simba, est présent dans le morceau Ken Kaneki de Nekfeu : « Plus j’grandis, plus j’ressemble à mon daron comme Simba », le lionceau puis roi, est omniprésent dans les textes de PNL. D’abord, un morceau s’appelle Simba, mais le félin est très présent dans l’album Dans la légende, avec l’idée d’être un lionceau qui doit croire en sa destiné malgré les obstacles.
Enfin, il n’y a pas que le personnage de Simba qui est cité. Son père, Mufasa, fait figure forte comme chez Kaaris dans Magnum : « Tu veux mon pardon ? T’auras mon crachat, Roi Lion, héritier de Mufasa » ou encore chez Josman dans Censé faire : « Quand Mufasa s’énerve, cessent de ricaner les hyènes ». Alors qu’on aurait pu imaginer énormément de références à Scar, c’est finalement Timon & Pumbaa qu’on retrouve chez Niro par exemple : « Moi et mon joint, inséparables comme Timon et Pumbaa » (Que du vécu) ou encore chez Rémy dans Notes de Piano ½ : « Depuis qu’Timon traîne avec Pumbaa, j’ai compris qu’l’habit n’fait pas l’moine ».
AU CŒUR DE LA JUNGLE URBAINE
Très souvent métaphorée en tant que « jungle urbaine », le monde du rap est un monde rude et bestial où chacun essayer de marquer son territoire et de le représenter. Le Livre de la Jungle semble être le dessin animé qui puisse au mieux représenté le côté débrouillard des rappeurs face aux épreuves de la vie et du monde la musique. Moha la Squale ira même jusqu’à représenter le dessin animé sur la pochette de son album Bendero.
Le protagoniste Moogli ou Mowgli est souvent utilisé pour son côté sauvage et sa facilité à s’adapter dans la jungle. Comme Simba, Mowgli a fait l’objet de deux morceaux par l’un des deux frères PNL : Ademo, mais a également été de multiples fois cité dans leurs textes et même donné son nom au fameux singe qui est venu chercher le disque de diamant dans la jungle. Mowgli a connu son nombre de punchline, comme chez Lino dans Requiem : « En live de la jungle, j’écris un autre chapitre du livre à Moogli ».
Seulement Moogli n’est pas le seul être de la jungle. D’abord on retrouve aussi ses deux acolytes : Baloo et Bagheera. L’ours est cité chez Damso dans BruxellesVie « J’suis un grizzli, tu n’es que Baloo » ou chez Georgio dans Epices loufoques avec Vald : « Il en faut peu pour être heureux mais bon j’suis pas Baloo même si Paris c’est la jungle et que je m’y bats par amour ». Tandis que la panthère noire est présente chez Booba dans la Madrina en featuring avec Maes : « J’ai le cœur à Bagherra ». Seulement, un autre humain de la jungle au caractère sauvage est cité : Tarzan, comme dans Pablito de Kaaris : « Tarzan va vendre la CC à Cheetah » ou chez Disiz dans Toussa Toussa : « Que des fucking monkeys qui prennent leur biz pour un arbre signent avec des tarzans qui les attachent avec des lianes ».
LES INSÉPARABLES
Dans les dessins animés Disney, la très grande majorité des personnages fonctionnent en duo jusqu’à se partager l’affiche. Dans leurs textes, les rappeurs se sentent alors obligés de citer les deux. Nekfeu parle d’amour avec la Belle et le Clochard dans Energie Sombre, Veerus du côté mignon de certains rappeurs avec Bernard et Bianca dans Jacques Chirac 2.0, enfin Orelsan parle de l’amitié avec Rox et Rouky dans Mon Pote de Flynt : « Où j’suis, beaucoup d’gens mélangent potes et groupies mais j’ai compris la trahison depuis Rox et Rouky ». On notera aussi l’unique clin d’œil à Lilo & Stich par SCH dans Gédéon pour parler du lien fort de l’amitié.
Un autre duo est souvent cité. Ce duo ne partage pas le titre du dessin animé mais sont fortement liés. Il s’agit d’Alice et du lapin. Généralement, Alice est citée avec le côté « merveilles » qui peut renvoyer à diverses choses que cela soit chez Key Largo, Naps ou encore Alpha Wann dans Flingue & Feu. Alors que le lapin est toujours cité par rapport au retard ou au temps comme chez 2 Fingz dans McCain No Jutsu : « Toujours en retard comme le lapin d’Alice ».
LES MENTIONS HONORABLES
Parmi les références de l’univers de Disney qu’on retrouve dans le rap français, il y en a certaines qui sont plus rares que d’autres : soit parce que les histoires s’y prêtent moins, soit parce que les artistes n’y ont pas forcément pensé. Par exemple les 101 dalmatiens on les retrouve chez D-Track ou Lacrim, le côté mégalo de Kuzco chez Lorenzo ou l’Or du Commun, et Quasimodo chez Dinos : « Tellement d’pêchés sur le dos que j’ressemble à Quasimodo » dans Sagittaire.
Orelsan a beaucoup contribué à l’existence de punchlines sur des personnages très peu utilisés par les rappeurs. D’abord dans l’univers de Winnie l’Ourson, que cela soit l’ours en peluche : « Etouffer sous la chaleur d’un vieux costume de Winnie » (Prends des pièces, Casseurs Flowters) ou son homologue rayé dans le morceau Des trous dans la tête ou encore l’âne Bourriquet qui fait certaines folies à Winnie dans Les Petites Notes.
Enfin parmi les dernières mentions rares, on retrouve Shay qui s’identifie à Cruella dans de nombreux morceaux dont un avec Booba, Alkpote en Merlin l’enchanteur dans Revolver, et Médine qui veut manger des Haribos devant les Aristochats dans Sister Act. A noter qu’Orelsan y fait une vulgaire référence dans l’incontournable Saint Valentin : « J’aimes les chattes de gouttières, et les Aristochattes ».
L’ABSCENCE DE PIXAR ET DES DERNIERS DISNEY
Lors de nos recherches, ce qui nous a surpris c’est l’absence de références aux Disney Pixar et aux derniers Disney sortis. Bien que la Reine des neiges récolte quelques références chez Hayce Lemsi ou Mac Tyer, dans des références encore une fois à la cocaïne, les autres dessins animés récents se font rares dans le rap français. Tout d’abord, la majorité des Disney cités ont bercé l’enfance des plus grands rappeurs, donc la nouvelle génération qui arrive aura surement d’autres références de l’univers : exemple avec Luv Resval qui cite Flash McQueen dans 10K.
Néanmoins on retrouve quelques références à Toy Story. D’abord Mister V dans Space Jam mais également dans La maladie mangeuse de chair d’Isha : « J’suis jnouné par le cow-boy et l’astronaute dans Toy Story ». Par ailleurs, l’astronaute est une exception de nos propos car il connaît un très grand nombres punchlines comme chez Ateyaba : « Si tu veux parler buzz, j’suis rapide comme l’éclair » (Jumpin’ Out The Window, ndlr) ou encore dans Ils sont cools d’Orelsan et Gringe : « J’ai créé un buzz éclair, Pixar, J’fais des punchlines, ils font des phrases de beaufs, Bigard ».
Enfin, les dernières références notables sont d’abord celles de Némo chez Sultan dans Par où commencer : « Ouai j’ai la tête sous l’eau, je sui perdu à la Némo », et Hornet la frappe dans Tête à tête : « J’arrive en paire de requins dans ce monde de Némo ». Mais également celle du chef d’œuvre Ratatouille. Au-delà d’être une recette appréciée chez Alkpote, on retrouve le dessin animé dans les textes d’Oxmo Puccino ou le TSR Crew : « Ratatouille s’est fait bouffer par les rats du 18 » dans Le Silence Se Tait.
Pour terminer, Disney, comme d’autres références artistiques, servent souvent de propos ou parfois simplement pour apporter une touche de fantaisie aux textes des artistes. Dans cet article, nous n’avons pas tout citer, nous avons fait des choix. Néanmoins, on espère qu’il vous aura plu. Prenez soin de vous. Le 16.