Originaire du Congo, Bakari a grandi dès ses 7 ans dans le plat pays que décrivait Jacques Brel, plus précisément à Liège. A l’occasion de la sortie de son premier album Supernova, 16 Mesures a échangé avec l’une des étoiles montantes de la scène belge. 

On te découvre assez tardivement avec le morceau Panamera en compagnie de Sofiane Pamart, raconte-nous la genèse de ce morceau ?

L’existence de ce morceau vient d’un concours de circonstances. Il n’était pas prévu. Sofiane était sur Paris pour faire une session avec un artiste, sauf que cet artiste a annulé. Via un contact commun qui m’a fait découvrir à Sofiane, la session s’est organisée car Sofiane a apprécié ce que je faisais. J’habitais encore Liège, j’ai pris directement la voiture et je suis venu sur Paris.

PANAMERA – Bakari x Sofiane Pamart

Quand on prend le morceau avec Sofiane, on aurait pu s’attendre à un piano voix triste qu’on peut souvent retrouver entre un rappeur et Sofiane Pamart, pourtant il en est tout autre et démontre ta volonté de te diversifier musicalement, dans quel univers musical tu as grandi

Avec le temps, j’ai fini par ajouter mes nuances et d’autres influences dans mon rap pour trouver mon style. Même si ma base reste celle du hip-hop en général. J’ai beaucoup écouté de rap, parfois il était nuancé par d’autres styles musicaux, mais c’était le rap qui prédominait mes écoutes. Je viens d’une famille qui avait des goûts musicaux très variés. Mon père m’a fait découvrir Bob Marley et des musiques du bled, ma mère était beaucoup plus variété française. Je m’inspire de ce que j’écoute. Avant de trouver mon style, j’imitais ceux que j’écoutais : Booba, Rohff, Salif.. Je reproduisais leurs flows. Après, il y a eu un artiste qui m’a marqué, c’est Lil Durk. A l’époque de ses premiers projets, j’étais très friand de ce qu’il faisait. J’aimais beaucoup la scène drill de Chicago, mais lui, il me plaisait plus que les autres car il apportait beaucoup variations mélodiques dans sa musique.

Bakari ©Romain Garcin

On a la sensation d’une certaine facilitée a varier ta musicalité, est-ce que parfois c’est compliqué justement de savoir opter pour le bon choix artistique ou au contraire c’est plus récréatif qu’autre chose ?

Je ne ferai jamais quelque chose qui va me gêner. Je ne vais jamais me mettre de barrières, je vais me laisser guider. Pour Supernova, j’ai fait beaucoup de studio pendant un an, mais je n’avais aucune idée précise de la forme finale de l’album. C’est plus au fur et à mesure du temps qu’on a commencé à s’apercevoir qu’il y avait une énergie qui se dessinait, des ambiances que je préférais, un fil rouge qui se dégageait et qui correspondait à mon mood du moment. A la fin de tout ça, on a fait une sélection des morceaux pour avoir la meilleure qualité possible dans la liste finale. Je ne vais pas sortir un morceau mauvais même s’il rentre dans la DA finale.

MAINTENANT – Bakari

Il y a quelques semaines, tu t’es exprimé dans un tweet autour de la désillusion artistique dans l’industrie, autour de la liberté artistique qui s’effaçait pour la quête monétaire..

C’était une humeur générale, pas un point d’honneur à des échecs de début de carrière. J’ai toujours été très libre musicalement, on ne m’a jamais rien imposé ni mis de contraintes dans mon processus créatif. Souvent quand tu viens de certains endroits ou que tu as vécu dans certaines conditions, tu comptes sur le rap pour t’en sortir, c’est de ça dont je parlais quand j’évoquais ma désillusion. Le rap c’est une passion et pour certains, c’est devenu un business.

Quel bilan tu fais de tes cinq projets avant l’album ?

Je pense dans un premier temps que j’y entends mon évolution, je vois que ma technique se précise. Il y a toujours moyen de faire mieux, mais plus les projets passent plus je trouve qu’on arrive à identifier ma patte artistique, notamment sur Arcadia. Après avec le temps, quand tu réécoutes, tu vois les défauts et ce que tu corrigerais, mais je n’ai jamais eu de regrets car je n’ai jamais sorti un morceau qui ne me plaisait pas.

SUPERNOVA – Bakari

Parlons de l’album Supernova, pourquoi avoir choisi un tel titre ?

Il y a deux façons de lire le titre. Le premier c’est la définition même de « supernova », donc qui correspond à la mort d’une étoile. On appelle « supernova », le moment où l’étoile implose, et le temps que la lumière soit visible depuis la Terre, l’étoile est déjà morte. J’ai trouvé ce titre car avec le temps et les discussions, les gens qui venaient me voir me disaient souvent que « je n’avais pas ce que je méritais » ou que « les gens comprendront après ». Je trouvais ça cool comme titre. Et puis, l’autre raison, c’est mon côté geek, fan de One Piece (rires). Dans le manga, les supernovas c’est la nouvelle génération de pirates qui sont destinés à bouleverser le court du monde.

Du coup avec une telle signification, quels objectifs tu t’es fixé avec ton art ?

En vrai, mon objectif, c’est de faire la meilleure musique possible. Je n’ai jamais voulu briller, j’ai fait de la musique car j’aimais en faire sans me poser de questions. Les questions stratégiques sont venues après. Pour cet album, j’ai voulu me remettre dans le mood du départ, celui de faire ça pour le plaisir en proposant la meilleure musique possible.

Est-ce que la notion de premier album est toujours importante pour toi ou c’était simplement le bon moment pour sortir un projet plus long ?

Il me fallait du temps pour travailler ma musique, que ça soit dans l’esthétique ou dans l’écriture. Pour moi c’était le bon moment en terme de maturité artistique. Je ne sais pas combien de morceaux j’ai pu faire en un an mais je pense une bonne cinquantaine. A côté j’ai une autre vie donc je ne vais pas te dire que j’en ai fait 400 car je mentirai (rires). Je ne suis pas tous les jours en studio (rires). Ma sélection finale des morceaux vient raconter une histoire. Je ne voulais pas me brider. L’album aurait pu avoir un nombre de morceaux tout à fait différent. Les 15 qui restent méritaient pour moi d’être dans un projet.

Bakari ©Romain Garcin

Parmi les morceaux, on retrouve quelques invités, d’abord BEN plg avec qui tu as déjà collaboré, mais également EDGE, JeanJass et Beeby, comment on choisit les artistes qu’on veut voir dans son univers ?

C’est le naturel qui choisit. Il n’y a aucune stratégie de featurings. Tous les invités de l’album, les morceaux se sont fait d’humain à humain. Je n’ai pas joué le jeu du « je vais prendre tel artiste pour me ramener tel public », j’ai vraiment misé sur l’humain et l’artistique avant tout. J’aime ce qu’ils proposent et j’avais envie de collaborer avec eux. Il n’y a jamais eu de calculs. Après avec BEN plg, c’est différent. Je peux dire sans être timide que c’est mon ami. Notre relation dépasse la musique.

En menant une double vie, est-ce que c’est plus facile d’être détaché de l’industrie et du besoin de produire ?

Moi j’ai juste besoin de faire de la musique, mais pour en faire j’ai besoin de vivre la vraie vie car c’est de là que je puise mon inspiration. Je suis obligé de continuer à vivre. Si je reste h24 en studio, qu’est-ce que je peux raconter à part le fait que je sois en studio ? J’ai besoin de vivre la vraie vie. J’ai besoin d’expérimenter des trucs, rencontrer des humains, d’être heureux, d’être triste, pour pouvoir créer. Dans la vraie vie, je ne communique pas tellement ce que je ressens, ce n’est pas naturel d’exprimer certaines émotions. La musique c’est une forme pour moi d’exutoire.