Bien que le rap français n’arrivera jamais à la hauteur des grands auteurs qui ont fait nos classes et nos cultures, un lien entre l’écriture de ces derniers et certains rappeurs peut se faire. Par ailleurs, ces derniers s’amusent à s’en inspirer ou à en faire des références. Dans ce troisième épisode, nous allons nous attarder sur le cas d’Émile Zola.

Écrivain et journaliste français, Émile Zola a vécu du 2 avril 1840 au 29 septembre 1902. Loin d’être l’écrivain sage retranché dans une campagne profonde à y inventer des histoires féériques, Émile Zola était la proue du mouvement appelé « naturalisme » qui consistait à développer la réalité dans son détail le plus minutieux grâce à une importante documentation, et dans le cas de Zola, une immersion dans la vie décrite. 

AUTOPORTRAIT d’Émile Zola

« Naturaliste comme Zola, rattrapé par le fantastique » – Nekfeu, Point d’interrogation

Cette vie décrite, c’est celle d’une époque, d’une société, celle sous le Second Empire. À travers l’histoire d’une famille, celle des Rougon-Macquart, Émile Zola traverse la société de ses côtés les plus sombres et compliqués avec le peuple d’en bas, jusqu’aux vitrines luxueuses de ce nouveau Paris qui se dresse. À chaque volume, on retrouve un nouveau membre de cette famille dans son quotidien bien détaillé par l’auteur grâce à ses nombreuses documentations et cette volonté de d’offrir aux lecteurs, une immersion intense et réelle.

J’ACCUSE…!

Si « le Jacques c’est pas Zola » bien que des similitudes dans le style d’écriture entre B.B Jacques et l’auteur français se font ressentir, le « J’accuse » c’est Zola ou Kery James dans Gang et dans ses textes engagés et dénonciateurs. L’histoire de ce célèbre « J’accuse » débute en 1894. Alfred Dreyfus, officier d’état-major alsacien de confession juive est accusé à tort d’avoir livré des documents à l’Allemagne et est condamné à perpétuité. Un soutien envers Dreyfus se fait entendre et beaucoup d’intervenants vont empêcher la reprise judiciaire de l’affaire. Face au flou et au verdict final de l’affaire, le 13 janvier 1898, Émile Zola va publier en Une de l’Aurore, un quotidien populaire de l’époque, son fameux « J’accuse… ! ». Dans cette lettre ouverte au président de la République, Émile Zola dénonce, dans un style et un français lumineux, cette affaire antisémite. Il prend alors position de façon forte et provoque ainsi une succession de crises sociales et politiques. Après moult procès et une division de la France entre les dreyfusards et les antidreyfusards, la cour de cassation (juridiction la plus élevée en France, ndlr) innocente et réhabilite Dreyfus en 1906. Depuis cette affaire, le terme « J’accuse » est devenu un terme très fort dans la langue française et est souvent employé en guise d’opposition à une idée ou un fait dans le rap français.

« La vie m’a fait défaut, innocent comme l’Affaire Dreyfus » – Barack Adama (Sexion d’Assaut), 100 Mesures à la rache

L’HÉRITAGE

Plus d’un siècle après sa mort, l’auteur reste une référence prédominante surtout dans une société où l’on accorde le détail et où chaque échelle on trouve un moyen de s’exprimer notamment par le biais des réseaux sociaux ou à travers l’art. Si le nom de l’écrivain a donné le nom de nombreuses écoles en France ou encore de quartiers comme à Aulnay-sous-Bois comme le rappelle Vald dans Lalala, il a également donné le nom à un rappeur : Zola. Avec un style très américanisé, le rappeur n’adopte aucune caractéristiques littéraires de l’auteur, comme ça aucun doute sur qui a pu écrire quoi.

« J’ai des instrus à la Zola, l’écriture d’Émile Zola » – Youssoupha, Solaar Pleure

Quand nous pensons à Émile Zola, chacun peut penser à différentes choses : que cela soit ses œuvres ou des déclarations qu’il a pu inscrire dans l’Histoire, ou encore à sa particularité d’écriture : descriptive, « J’te raconte tout dans mes textes comme Émile Zola » (Rémy, Un peu ivre) ; obscure « J’écris comme Zola, ride la night comme zonard » (Limsa d’Aulany, Grünt 42) ou encore sa capacité à écrire des textes conséquents comme chez YL dans Plata o Plomo : « Comme Nabil j’aime trop l’art, j’écris plus que Zola » ou chez Ateyaba dans Negresco : « Liasse plus épaisse qu’un livre d’Émile Zola ».

AU CŒUR DES OUVRAGES

« L’air est macabre et encore plus taré que tes Rougon » – Littérature, Lucio Bukowski

20. C’est le nombre de romans et de personnages développés au sein de cette fameuse famille des Rougon-Macquart par l’écrivain français. Ces vingt ouvrages sortis entre 1870 et 1893 retracent différentes histoires au sein de cette même famille presque maudite par la vie comme le rappelle Hayce Lemsi dans Écorché Vif : « Persuadé qu’tout ira mal comme Rougon-Macquart ». De Nana à la Bête humaine en passant par l’Oeuvre, nombreux sont les romans de cette famille qualifiables de classiques de la littérature française. Parmi eux, certains ont marqué nos rappeurs.

L’ASSOMMOIR (1877), 7e volume

« Porte d’la chapelle l’Assommoir devient Coline » – B.B Jacques, Déchirée

7e volume de la série des Rougon-Macquart, L’Assommoir plonge le lecteur dans le monde ouvrier. Le monde dépeint par l’écrivain est celui d’une société au sein d’une société, où la langue ouvrière, les mœurs et les ravages de l’alcool sont présents. Jugé trop cru à sa sortie, le livre mettant en scène les malheurs de Gervaise Macquart, a été décrit par l’auteur comme étant « le premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l’odeur du peuple ».

AU BONHEUR DES DAMES (1883), 11e volume

« Question fille j’suis indécis j’ferais le bonheur des dames de façon triste tel Émile Zola » – Georgio, Rope a dope

Si l’Assomoir emmenait les lecteurs dans le monde ouvrier, Au Bonheur des Dames les plonge dans le monde des grands magasins, un élément marquant du Second Empire qui offrait les premiers traits du luxe de la capitale et l’image chic de ses habitants par les ruraux. Ce 11e volume de la série a pour personnage principal Denise Baudu qui, après avoir quitté la campagne pour la vie parisienne, va être embauché dans le magasin dont l’enseigne porte le nom : « Au Bonheur des dames ».

GERMINAL (1885), 13e volume

« Les mineurs vont au charbon, mode “Germinal » » – Akhenaton, Dezolation

L’un des romans les plus cités par les rappeurs chez Zola, c’est Germinal. Au-delà d’être un des premiers romans auxquels un lecteur peut penser quand on lui parle d’Émile Zola, il est aussi le 13e roman de la série des Rougon-Macquart. Cette fois-ci, on retrouve le fils de Gervaise Macquart de l’Assomoir, Étienne Lantier. Ce dernier part dans le Nord de la France après un licenciement pour trouver un nouvel emploi, ce dernier va l’emmener travailler dans les mines dans des conditions catastrophiques. Pour cette histoire, Émile Zola s’est rendu sur place pour y puiser et y décrire la vérité sur ces hommes des sous-sols.   

Il est compliqué de résumer en quelques lignes et quelques minutes de lectures, la vie et l’importance d’Émile Zola dans notre Histoire. Nous vous invitons à découvrir l’un des écrivains les plus célèbres et à plonger dans certaines de ses œuvres, pour la culture. Étant donné que nous sommes dans une démarche de culture, voici une nouvelle fois dix morceaux de rap français aux textes puissants et importants, qui viennent s’ajouter à notre playlist : Les Mesures du 16.

10 TEXTES DE RAP

  • LA LETTRE, Lunatic
  • DJAMEL, Dosseh
  • DESTINÉE, Booba & Kayna Samet
  • HIER C’EST PROCHE, Médine
  • NÉS SOUS LA MÊME ÉTOILE, IAM
  • J’AI MAL AU MIC, Oxmo Puccino
  • GRAVÉ DANS LA ROCHE, Sniper
  • TESTAMENT, Rohff
  • ODYSSÉE, B.B Jacques
  • FUSIL, SCH