Si la reconnaissance des artistes peut, dans certains cas, prendre beaucoup de temps, Heuss L’Enfoiré, quant à lui, connait une ascension fulgurante depuis l’année dernière. Etoile montante du rap, tous les projecteurs médiatiques se sont braqués sur lui en ce début d’année 2019 avec la sortie de son premier album : En Esprit.

Connaître Heuss L’Enfoiré

                   Né en 1992, Heuss L’Enfoiré est un rappeur français qui grandit dans les quartiers de la Sablière à Villeneuve-la-Garenne dans les Hauts-de-Seine (92). Deux ans après sa majorité, il part s’installer près de Bruxelles, ce qui lui inspira le nom de sa saga de freestyles de quatre volets : BX LAND. D’abord sous le pseudo Heustleur chez Esprit Music, c’est sous le nom d’Heuss L’Enfoiré qu’il va connaître le succès. 

                  Cette ascension explosera véritablement lors de sa rencontre avec Fianso et son entrée dans Le Cercle au 5ème épisode. Il signera chez Midi Midi Production tout en restant proche du label de Fianso : Affranchis Music. Au-delà d’avoir un lien très personnel avec Fianso, d’un point de vue musical ce dernier ainsi que son ami d’enfance Soolking, lui permettent plus d’impacts médiatiques et plus de poids sur la scène francophone. Cette dernière s’ouvrit complétement à lui en 2018, avec des rencontres qui ont débouchées sur des featurings comme IDF avec Sofiane, Stahraf avec Sadek et YL, Même Secteur avec Hornet la Frappe, ou encore dans le bouillant Woah du 93 Empire. A ces featurings viennent s’ajouter des morceaux solos comme Midi Midi ou encore Gambino.

Analyse de En Esprit

                  Pour comprendre le personnage d’Heuss, il faut savoir s’adapter à son jargon qui lui est propre, et ce dès le titre du projet : En Esprit. Il n’y a pas de définition précise même si dans le morceau éponyme au projet il dit « En Esprit ça veut dire sur la Lune », c’est avant tout un mode de penser qui s’approcherait de celui de l’hédonisme, qui est une doctrine philosophique qui selon laquelle la recherche du plaisir et l’évitement de la souffrance constituent le but de l’existence humaine. Par ailleurs, on a aussi l’expression « C’est Léger » pour « C’est doux », qui est l’ultime morceau du projet et qui représente notre coup de cœur de l’album.

                  Dans les textes d’Heuss L’Enfoiré on ressent une influence très latine, multipliant des référence à Pablo Escobar notamment en ouvrant son album avec la devise de ce dernier « Plata o Plomo » (l’argent ou le plomb, ndlr) en l’inversant en « Plomo o Plata » dans le très bon SKCH. Mais aussi des références au film de Scarface de 1983 avec Al Pacino, le fait que son cousin surnommé « Many » a.k.a N.Y.M.A fait directement clin d’œil à l’ami de Tony Montana. Un Tony qu’Heuss n’incarne en aucun cas mise à part la volonté de faire de l’argent et celle de s’en sortir, Tony Montana n’est pas en Esprit, mais Heuss L’Enfoiré serait plus un « Manny » pour son culot. 

                  Dans cet album qui a fait sensation chez 16 Mesures, on peut décerner le triangle social qui constitue la recette pour être En Esprit. Le premier point est la « Moula » une autre expression souvent utilisé par le rappeur. La Moula c’est la richesse, c’est le fait de faire de l’argent ou bien même d’être une personne au cœur riche pour qui tu as du respect et qui est bonne dans ce qu’elle fait. 

                  Cet aspect de conquête de l’argent est très exprimé dans l’incroyable morceau avec Vald : L’addition notamment dans le refrain « J’connais ma mission plus jamais de frisson d’vant l’addition ». Par ailleurs, ce sujet est aussi exprimé dans le banger qui risque de beaucoup tourner en boite : Aristocrate. Cette quête de l’argent présente aussi dans le célèbre film de 1983 évoqué plus haut se retrouve dans la majeur parti des textes des rappeurs issus des quartiers comme chez PLK dans Le Sel : « Le quartier c’est fade, l’argent rajoutera le sel ». Cette quête d’argent est aussi voulue pour s’évader du quotidien comme dans le très bon morceau avec Soolking : Benda

                  Par ailleurs, dans George Moula, en compagnie de Koba laD, ils racontent qu’ils connaissent la vraie valeur de l’argent notamment en ayant fait de l’argent sale par le passé. Cette moula qu’on retrouve aussi dans G.M.T.B, est aussi qualifiée pour parler des bons sandwichs, ces derniers suscitent l’intérêt de tous Les méchants dans des costumes bleus ou en civil. Manger des bons sandwichs c’est aussi savoir profiter de la vie et cette volonté de profiter de la vie est présente aussi dans Khapta avec Sofiane (khapta c’est une très grosse soirée où on est bien bourré, ndlr). Ce morceau est celui qui s’est détaché des autres de l’album, un style simple, une prod entrainante, de quoi lâcher sa meilleure gestuelle sur la piste de danse.   

                  Enfin, le troisième point, qui est le plus évoqué dans ce premier album, c’est la vie quotidienne au quartier. Entre l’histoire d’Anita, une femme qui ne se respecte pas vraiment et le story-telling L’Enfoiré qui retrace de manière romancée la propre vie du rappeur, tout en faisant en sorte qu’on puisse s’identifier, comme il a pu le dire lors d’interviews : « l’enfoiré c’est un peu tout le monde ». En passant par ses histoires tumultueuses dans Hakan Sukur ou encore dans le quatrième volet de BX Land #4 qui démontre une nouvelle fois sa facilité à kicker.            

                  Pour conclure, le premier album d’Heuss l’Enfoiré vient être la consécration de cette ascension fulgurante du rappeur de Villeneuve. Il a vendu beaucoup d’albums pour une première semaine et pour un premier projet qui risquerait d’atteindre le disque d’or. Après on attend que 2019 le propulse encore plus, d’autant plus qu’il a annoncé un nouveau feat avec Fianso… Bref, pour tous les amateurs de rap, Heuss L’Enfoiré c’est léger.