En août 2019, l’équipe de 16 Mesures était invitée par Saboteur Records pour participer au tournage du clip de « Tout dedans ». Lors de ce tournage, nous avons échangé avec Deen Burbigo autour de cette prise de temps pour sortir son nouvel album. L’artiste nous avait confié que sa sortie avait été repoussée par Népal avec le morceau Babylone où l’artiste rappe « Si t’es au stud’ comme à l’usine, Babylone a gagné ». Phrase marquante pour Deen qui décida de refaire entièrement ce deuxième album pour que ce dernier lui plaise à 100%. Un an après, 16 Mesures vous plonge dans les cercles vertueux de Deen Burbigo.
CONNAÎTRE DEEN BURBIGO
Deen Burbigo ou Mikael Castelle est un rappeur originaire du sud-est de la France. C’est en montant à Paris pour des études d’histoire à la Sorbonne, qu’il va rencontrer Alpha Wann et les autres membres de l’Entourage. Si Burbigo vient de « Beur-bigo » pour téléphone arabe, il n’a pas mâché ses mots lors des Rap Contenders pendant lesquels il s’est illustré brillement.
Le collectif l’Entourage s’est offert une vraie lumière sur le scène urbaine francophone et notamment à travers Nekfeu en tête de poupe. Deen Burbigo a profité de ce succès collectif et de cette exposition en dévoilant trois EP dont Inception en 2012 et Fin d’après minui en 2013 qui lui permirent de démontrer son talent artistique.
En 2017, Deen dévoile son premier album Grand Cru qui, au-delà de sa certification d’or, est un très bon album qui se bonifie avec le temps. Entre de très bons featurings que cela soit par Tu rêves avec Nekfeu, Ma Bande avec Jok’air mais surtout Faut pas t’en faire avec Gros Mo, l’album prouve la virtuosité de Deen. On vous laisse savourer cet album comme il se doit avant de vous lancer dans le Cercle Vertueux.
ANALYSE DE CERCLE VERTUEUX
Un cercle vertueux est en lien avec le cercle vicieux, il est important de comprendre que l’un joue sur l’autre, et faut les imaginer comme des rouages de libertés personnelles. Le cercle vicieux, c’est un cercle dans lequel on est enfermé soit par nous même dans un état psychologique soit par la société qui nous demande d’être dans des cases. Dans ce rouage existant en chacun de nous, il faut ajouter la roue du cercle vertueux qui se retrouve soit bridée à l’intérieur du cercle vicieux, donc il devient un rouage de libertés personnelles restreintes, soit c’est le cercle vertueux qui enferme le cercle vicieux, donc il devient un rouage de libertés infinies et plus importantes que les contraintes imposées par le quotidien.
Si la pochette de Raegular est très épurée, le contenu de l’album est quant à lui riche de sens et de musicalités entre des textes uniques rappés, des morceaux plus mélodieux et des bangers qui permettront des pogos non-covidiens en concert. Cet album qui a pris du temps, renferme toute une psychologie où Deen Burbigo se retrouve à la fois confronté aux vices du cercle vicieux et à la volonté de développer et de vivre à travers son cercle vertueux.
Dans l’ultime morceau de l’album Jeu d’échecs, Deen dit « J’ai mis ma vie en morceaux, mes albums forment un puzzle », dans cette analyse, 16 Mesures revient sur le fond et les mystères de l’album Cercle Vertueux.
LES COMBATS FACE AUX VICES DE BABYLONE
L’un des vices de Babylone qui touche particulièrement Deen Burbigo c’est les vices de l’industrie musicale. On sait que c’est un cercle vicieux où parfois les contrats contiennent des combines : « Signer en artiste : la pire bêtise à faire. On leur tend des contrats d’esclavages, ils sont tous signataires ». Si l’ensemble des artistes ont la tendance à quitter les maisons de disque pour des labels indépendants, les jeunes artistes eux signent au premier contrat tendu.
« Dans la ‘sique, pas d’serment d’Hippocrate, que des sermons d’hypocrites » – IMMUNITÉ DIPLOMATIQUE
Au-delà de l’industrie musicale, Deen dénonce le fait d’être un produit de la société et que beaucoup consomme ce qu’il y a de plus chers par manque de maturité alors qu’on peut se suffire autrement dans OG San, mais même lui subit parfois ses vices en faisant des références à des marques luxes dans l’album même s’il a la classe sans comme il le dit dans Tout dedans. Ce cercle vicieux s’accompagne de cette matrice sociétale d’aider les riches dans le morceau éponyme : « Quand t’es pauvre, t’attends les soldes, quand t’es riche, on t’fait des prix ».
Dans cette même dynamique de critique de la société, on retrouve quelques piques à l’état français d’abord à travers les impôts et la liberté dans Plaque diplomatique : « J’aime pas quand c’est imposé, encore moins d’puis qu’j’suis imposable » ou encore le fait que la France ne sait pas évoluer et accepter l’évolution sociale qu’elle connaît notamment à travers les médias des valeurs qui sont vieilles et dépassées.
LES COMBATS FACE À SES PROPRES VICES
Face aux vices de cette société, le membre de l’Entourage se retrouve comme un loup avec sa meute avec peu d’envie de faire entrer de nouvelles personnes dans son cercle, on retrouve dans cet album énormément de référence aux personnes proches de lui et au fait d’être entre eux. Parmi les références, on retrouve la subtile punchline dans Savoir-faire qui clin d’œil Barcelone d’Alpha Wann.
« S’empêcher de vivre c’est pas la vie, kiffer un peu c’est pas la mort » – IMMUNITÉ DIPLOMATIQUE
Framal disait que le vrai combat contre la vie c’est contre soi-même dans Un homme change le monde, Deen le rappelle dans P2 : « Mes seuls combats sérieux : celui contre moi-même et contre le chrono ». Il subit ses propres vices et en parle au long de cet album afin de passer d’un cercle vicieux à un cercle vertueux. Il sait qu’il est divisé en deux, entre son côté « bon » et son côté « mauvais » : « J’suis le pire et le meilleur, j’alterne » (Prado), « personne n’envisageait qu’on puisse être aussi sages et aussi sales » ou encore « Pacifiste et violent, religieux et drogué, j’suis l’pire et son contraire » (OG San).
On peut décliner ses plus gros vices en trois catégories : les vices d’addiction avec les drogues qui sont de multiples fois évoquées, les vices de l’argent avec une volonté de faire de la maille et les vices sexuelles avec ses relations complexes avec le sexe opposé. Tous ses vices il ne peut rien faire y faire car ils font partie de sa nature dans Colle à la peau.
« Aucun homme n’est sans vice, aucune vie n’est sans risque » – GRAND-PÈRE
Si être sous médical, c’est glissé subtilement dans les lignes, les phases sur l’argent sont bien plus mises en valeur. Deen n’échappe pas à cette envie d’argent à hauteur de la SACEM de Julio Iglesisas (Tout dedans) ou encore dans OG San : « Il m’faut beaucoup de liquide (beaucoup de beaucoup), de quoi acheter des piscines et remplir des piscines ». Le dernier vice est évoqué tout au long de l’album et plus particulièrement dans le morceau BNB avec Nemir. Si le morceau était prévisible et qu’on soit déçu de ne pas avoir été pris à contre-pied, le morceau avec Nemir démontre toute la cruauté d’aimer pour Deen Burbigo et sa relation complexe avec les femmes : « Au fond d’moi, je sais qu’j’suis pas mauvais, au fond d’elle, j’crois qu’je le suis encore moins » (OG San)
Enfin, ce comportement double et de loup entre être un homme bon et mauvais se bouscule tout au long de cet album : « on répond au mal par le mal, au bien par le mieux » dans Cercle Vertueux ou encore dans Piège à Loup : « Faut qu’je résiste aux tentations, j’deviens loup-garou sous demi-lune ».Malgré tout son principal objectif c’est de ne pas changer et de vivre sa vie comme il le souhaite en essayant de soigner sa personne même si son côté animal peut prendre le dessus comme il conclut dans Piège à Loup : « Tant qu’j’ai la santé, la foi, il ne suffira que d’un toit ».
Pour conclure, on se retrouve avec un très bon album de rap avec aucune volonté de faire des hits mais plutôt de faire du rap à l’inverse de certains morceaux dans Grand Cru. Le choix également de ne pas faire un album à rallonge malgré la longue absence qu’il a eue est hyper agréable car on profite mieux de chaque morceau et on ne se retrouve avec aucuns doublons. Si le Grand Cru se bonifie avec le temps, Cercle vertueux risque d’en faire tout autant.