Entre une musique surprenante, un personnage aliéné et des thèmes décalés, au premier regard tout semble s’accorder pour dire que Vald est un rappeur absurde et sans fond. Pourtant, à l’instar d’Eugène Ionesco dans la littérature, l’absurdité est utilisée en guise de déguisement pour énoncer des vérités et divulguer des messages. En quelques années, Vald s’est construit un véritable univers avec un style qui le rend unique. Catégorisé comme un génie, lui-même se considère comme le fruit d’une blague qui a mal tournée, pourtant tout semble se passer comme prévu.
TOUT FAIRE POUR CHOQUER
Tout le monde n’adhère pas spécialement aux folies du rappeur d’Aulnay sous Bois notamment par le plaisir qu’il a de casser les codes du rap français. Vald pour Valentin le Du est un rappeur sans filtres. Là où c’est contradictoire, c’est que son univers n’est pas apprécié par tous mais pourtant l’ensemble du public urbain affirme le talent incontestable du rappeur.
Le début de carrière de Vald a été rythmé par une volonté de choquer et de briser les codes du rap, notamment à travers les NQNT pour Ni Queue Ni Tête. En effet, l’artiste a proposé déjà des morceaux totalement décalés voir absurdes (sans pour autant être sans fond, ndlr) comme Bonjour, sur des prods décalées qui font qu’aujourd’hui il peut poser sur n’importe quel type de prod. Parfois, il ira même jusqu’à faire polémique avec des clips comme Par Toutis, Autisteou Shoote un ministre.
« C’est pour mes nouvelles copines qui m’trouvent incroyable
Car j’suis pas la copie d’une copie d’un rappeur moyen »
C’EST POUR
Cette volonté de ne pas vouloir être pris complétement au sérieux était alimentée par ses mémorables sorties médiatiques. Entre des interviews où il y répond des absurdités, un déguisement en Donald Trump sur Canal +, un clip sur PornHub, ou encore des fausses interviews avec lui même et des fausses premières écoutes, Vald s’est défini comme un rappeur unique. Mais Valentin s’est longtemps caché derrière un personnage.
Ce personnage c’est Sullyvan. Il est comme le Docteur Jekyll et Mister Hyde de Stevenson, Gainsbourg et Gainsbarre, c’est le double maléfique, monstrueux et déjanté. Jusqu’à son premier album Agartha, il utilisait son double comme un déguisement de ses pensées et de ses propos, ce qui faisait de Vald au premier abord, un rappeur décalé et loin de la réalité.
« Arrête, j’ai pas l’temps pour faire un personnage
J’préfère fantasmer sur mes politiciens cleptomanes »
LUNE
QUAND RIMENT : COMPLOTISME ET CAPITALISME
Bien que cela soit très flagrant avec le titre de son dernier album : Ce monde est cruel, Vald a toujours été très investit dans ses textes face à la société. Il a, depuis ses premiers projets, cherché absolument à dépeindre le système capitaliste en place dans le monde : un système où le pouvoir et l’argent n’appartiennent qu’à une poignée de personne où tous les profits leurs reviennent.
Il dépeint également l’idée que toute la population est en réalité un produit de cette société. L’idée que tout autour de nous pousse à la consommation comme dans Megadose, ou encore que le jeu reste inégal parce que certains réussissent grâce à des magouilles ou en mettant de côté leurs loyautés au profit du pouvoir.
Sa dénonciation du capitalisme est appuyée par les complots. L’aspect absurde de certains complots comme les reptiliens a toujours été une fascination pour l’artiste aulnaysien. Il ira même jusqu’à créer un super héros : Lézarman. Tout au long de sa carrière, Vald aura joué sur l’idée de complot et de légende mythique comme l’indique le titre de son premier album : Agartha, qui fait référence à un royaume sous terrain. Un album et une cover qui l’avait déjà pensé dans Journal Perso : « Un jour dans une église y’aura ma gueule en aquarelle ».
« C’est quoi l’pouvoir quand l’Président, c’est la plus grande salope du pays ? »
RESIDUS
Entre capitalisme et complotisme, on peut y rajouter une volonté de sa part de dénoncer aussi politiquement et médiatiquement. D’abord politiquement, Vald a toujours été très dénonciateur dans ses paroles que cela soit des faits nationaux : « Et bats les couilles de m’faire enculer par la droite ou par la gauche, J’préfère simuler » (Journal Perso, ndlr) ; ou internationaux : « C’est bon pour l’bénéf’ de ruiner l’Afrique, c’est bon pour l’bénéf’ d’asservir l’Asie. » (Journal Perso 2, ndlr). Tout au long de ses textes, on retrouve cette volonté de montrer la noirceur du monde déguisé par ceux qui détiennent le pouvoir. Une noirceur qui est travaillée, diffusée et renforcée par les médias qui cherchent à faire peur : « « Et devine quoi ? À peine je rentre, j’les vois baver devant l’plasma. Gober la merde proposée par ces grands tards-bâ » (Journal Perso, ndlr) ; « À l’antenne que des têtes de uc à mettre en quarantaine » (Evoluchienne, ndlr) ; « La télé t’représente pas, eux non plus t’sentent pas » (Shoote un ministre, ndlr).
UNE QUÊTE DE RÉUSSITE ET MONÉTAIRE
Seulement malgré cette volonté de dénoncer ce système, Vald a aussi une vraie volonté de faire de l’argent à la fois pour pouvoir le dépenser car il est lui aussi un produit de cette société, mais également pour pouvoir vivre bien. La quête de l’argent est une vraie quête égoïste et personnelle comme il le rappelle dans C’est pour : « On parle plus d’eau plate et d’amour. Quand il est question d’argent ».
Là, où est le cercle vicieux de la société, c’est qu’on peut la dénoncer sous ses mauvais visages, mais au final on se plie à ce qu’elle attend. Vald souhaite depuis le début faire comprendre ce mauvais visage mais sait, de façon très égoiste, qu’il souhaite faire partie de la classe qui vit bien : « J’suis pas sûr d’être fait pour vivre dans la moyenne » disait-il dans Journal Perso ou encore dans Ogre : « Ce soir, l’or nous hypnotise, il s’peut qu’la mort en profite ».
« Terre à terre, on ne s’intéresse jamais sans intérêt »
HORRIBLE
Après avoir été perçu comme un OVNI du rap français, Vald a connu le succès à travers le morceau Bonjour mais avec son premier album Agartha certifié platine. Puis le succès grandissant, il a connu le double platine avec XEU porté par le single de diamant : Désaccordé. L’argent de l’industrie est donc venu à Vald. Ce dernier qui voulait « faire de l’euro tout en restant fier de lui » dans Promesse, garde cette impression de braquage de l’industrie musicale. Ce thème est récurrent dans le dernier album jusqu’à y consacré un featuring avec SCH sur Dernier retrait.
Ce cercle vicieux avait été imagé par un triangle d’or par le Règlement. Un cercle vicieux créé par la société capitaliste qui nous oblige à rêver d’avoir plus d’argent afin de consommer plus et donc nous faire travailler plus. Une société où « s’auto-suffire » vient rimer avec « sagesse ». C’est ce que Vald cherche à dénoncer, mais c’est aussi dans ce cercle qu’il se situe malgré lui.
UNE SOLITUDE DÉTESTABLE
Maintenant qu’il a les Poches pleines, Vald est devenu enfin michtonnable comme il le rappelle dans le morceau avec Lefa : Bitch. La volonté de vivre bien a été réalisé, seulement l’argent ne fait pas spécialement le bonheur, et l’apport d’argent amène généralement la solitude, soit par méfiance, soit parce que l’entourage se réduit par jalousie : « on s’arrête pas, on continue avec moins d’amis. » (Résidus, ndlr).
En effet, l’un des thèmes les plus abordés de Vald dans sa carrière, c’est la solitude. Il a toujours été un solitaire dans son comportement. Au début, c’était un enfermement sur lui-même qu’il rappelle dans le très misanthropique Journal Perso : « J’m’ouvre à personne, j’ai mal, ouais. En fait, y’a qu’ce cahier qui peut avoir un vague idée de c’que j’peux être ». Tout au long du projet NQNTMQMQMB, il dépeint sa solitude et le fait qu’il fasse rien comme dans Branleur. Une solitude qu’on retrouve dans les fabuleux morceaux Rechute et Kid Cudi.
Cette solitude le hante tout au long de ses textes, et cette dernière vient refléter son mal-être ainsi que les peines de cœur qu’il rencontre. Cette solitude vient l’amener à fumer au point que la drogue devienne sa Meilleure amie. Et sa solitude lui a fait perdre espoir dans l’amour jusqu’à qu’il en éprouve un dégout parce que cela accentue sa tristesse comme dans Je t’aime ou Pourquoi. Tout cette solitude et ce mal-être vient l’angoisser et l’oppresser avec le temps qui passe, qui pourrait être un des thèmes principaux de son futur projet…
Pour conclure, malgré sa réussite sociale et monétaire, Vald semble avoir échoué dans sa quête du bonheur. Pourtant il offre à son public un bonheur musical à chaque nouveau projet. En attendant un futur album, un nouveau volet NQNT ou une réédition possible de Ce Monde est Cruel, on vous laisse re/découvrir les projets d’un des meilleurs lyricistes français actuel selon Booba.