Longuement critiqué pour sa métamorphose artistique à chaque nouveau projet, Django a dévoilé en cette fin d’année 2024, un projet intitulé paris, 31 août, où la sincérité a fini par nous conquérir au défaut de sa constante recherche de renouveau. Replongeons au coeur d’un des artistes les plus caméléons de l’histoire du rap français. 

Revenons quelques années en arrière, plus précisément en 2016, où le public rap découvre un nouvel artiste : Django. Lazar Vachter qui a connu pour autre nom de scène Apoklips, a choisi son nom, non pas pour le film de Tarantino, mais pour la signification romani (langue originaire du nord de l’Inde, ndlr) : « je m’éveille ». Étroitement lié à l’explosion de la chaîne du Règlement, Django est vite comparé à des membres d’1995 comme Nekfeu et Sneazzy dû à des morceaux comme Oiseaux, Fichu ou Jason Bourne, qui sont très tournés vers un style multisyllabique, du fast-flow et des compilations de références. Pourtant, cette première comparaison cache déjà une ouverture différente, Nuages, où il y avait un début d’exorcisation des douleurs. 

Si avec le premier EP, Anthracite, la noirceur commence à faire comprendre au public que Django est finalement un personnage complexe, ce dernier ouvre un peu son monde noir et triste avec cet EP. Pourtant, le public n’était pas encore prêt pour sa première transformation. Avec tue-moi mon amour, s’il te plaît, Django va souffrir une nouvelle fois des comparaisons, évidentes, avec Lil Peep. Ce changement de peau surprise avec une ambiance d’homme écorché-vif et hyper fragile, va contraster avec le personnage tranchant qu’il proposait deux ans auparavant, ce qui va dérouter son public. 

Cette obscurité, il va l’entretenir. Après quelques singles dont le morceau Cyanure avec Freeze Corleone, ce besoin d’exorciser ses douleurs psychologiques va parfaitement s’accorder avec un genre qui va déferler sur le rap français : la drill. Django va réussir à s’inscrire dans cette vague grâce à un projet commun avec le beatmaker Flem, dans un projet sobrement intitulé S/o le Flem, dans lequel on retrouve Freezer Corleone, Roi Heenok, Osirus Jack ou encore Gazo. Encore une nouvelle forme, mais qui fini par créer une certaine cohérence à l’artiste en 2020.

Le caméléon du rap français va ajouter quelques nuances de noir à son arc drill avec les projets suivants ATHANOR, Logos, Eros et Troisième Terme pendant les trois années suivantes. Ce dernier projet marque aussi une nouvelle transition avec un début drill puis une ouverture plus légère afin de laisser plus de place à l’émotion et aux textes de Django. 

T’APPELLES ÇA VIVRE – Django

Majoritairement produit par Empty7, paris, 31 août, met en lumière les abysses psychologiques de Django qu’il évoque dans son documentaire. Si la forme a fini par laisser parler en priorité le fond, bien qu’il ait toujours été très présent « L’impression d’en avoir trop dit quand j’entends mes sons » (un monde), elle a aussi permis d’offrir ce qui semble être le projet le plus sincère de l’artiste et le plus touchant. 

« T’appelles ça vivre ? J’ai juste fait semblant pour les autres » – t’appelles ça vivre ?

Pour ceux qui ont l’habitude d’écouter Django ou qui ont déjà eu la curiosité de se pencher sur son art, il s’exprime dans des sujets souvent très sombres comme le suicide, la dépression, la solitude ou la haine. Ce qui nous conscientise à vous rappeler qu’il est hyper important de prendre soin de sa santé mentale. Nous vous remettons le numéro de la Croix Rouge : 0800 858 858, numéro qui est gratuit, si jamais vous vous sentez seuls et que vous avez besoin de parler à quelqu’un anonymement pour extérioriser un mal plus ou moins profond que vous ne pouvez partager à des proches. 

« J’fais des tours dans ma tête, pas dans l’monde » – la vague

Dans ce projet, Django nous plonge dans son rapport à la solitude à l’instar de la fameuse phrase chantée par Orelsan « Seul avec du monde autour ». Cette solitude qu’il a appris a côtoyer comme un amour toxique vient aussi d’une réflexion d’Orson Welles qui appuie cette notion de vie solitaire : « On naît seul, on vit seul ».  Pourtant, cette toxicité solitaire se nourrit de sa nostalgie du passé que ça soit à travers des objets qui ont immortalisé un instant de vie ou des souvenirs qui refont surface. Il a une façon très simple mais aussi très poétique d’évoquer la nostalgie : « j’regarde les photos pour toucher l’temps » (un monde), « J’oublie l’avenir, j’attends l’passé » (latvia) ou encore « Bonheur sous argentique » (la haine prend deux chaises).

PARADIS – Django

Paris, 31 août, représente aussi les combats, plus matures, de Lazare face à sa survie. Cette bataille psychologique de ne pas vouloir éteindre la lumière en se rattachant à la beauté de cette dernière, vient offrir un contraste entre une danse avec la mort et une envie d’évasion vers la lumière. Les textes de Django représente d’une certaine façon la conscientisation d’être un ange déchu : « J’ai peur de moi, peur qu’mes frères s’habillent tout en noir » (j’rêve c’est mieux), et la beauté de sa rage de vivre et de s’améliorer : « M’en sortir, igo, ce s’ra ça, ma plus belle vengeance » (un monde).

« J’donnerais dix ans d’cette vie pour revoir Helsinki » – paradis

L’un des sujets central de ce projet est la perte d’un amour, et on entend les différentes étapes d’une fin après un amour fort. D’abord, Django confie les derniers moments qui amorçaient cette rupture, entre des « je t’aime » qui ne semblaient plus si sincères dans un monde ainsi que les moments à deux sans complicités : « Le cœur s’est refroidi, dans la chambre, on s’tourne le dos » (la haine prend deux chaises) ou encore « Dans la chambre, on est deux, mais j’suis sеul » (la nuit). Puis vient le moment où les deux êtres aimés ne sont plus avec les différentes étapes d’une rupture : la solitude, le manque comme dans la vague : « Dans ma poche, ça vibre tout l’temps, j’espère que c’est toi », ou même le besoin de retrouver un équilibre comme par exemple « Paraît qu’t’as refait ta vie, j’aimerais dire qu’moi aussi » (un monde) ou « J’te cherche dans une autre, ça m’tue à chaque fois. » (la vague).

Pour ce nouveau projet, cette noirceur évoquée a été sublimée par une musicalité plus éclairée que sur les projets précédents, avec un aspect digital à certains moments qu’on a pu retrouver dans Trinity de Laylow, qui se serait parfaitement fondu dans le projet. Néanmoins, trêve de comparaisons dont Django a souvent souffert, mais saluons la nouvelle peau d’un des reptiles qui a su s’adapter au mieux à son environnement et à ses désirs artistiques au dépit de critiques souvent faciles.