Ces dernières années, les projets entre les rappeurs et les beatmakers se sont multipliés permettant à la fois de créer des projets homogènes musicalement et de mettre en avant les qualités des hommes qui sont restés longtemps dans l’ombre, mais également de permettre à l’artiste de s’affranchir des projets longs et de se laisser driver en fonction de leurs envies communes. Quelques mois après la sortie du projet Auto, nous nous sommes entretenus avec Hache-P et Kezo.
Comme beaucoup d’enfants de sa génération, Hache-P découvre le rap via ses grands frères mais aussi grâce aux clips qui passaient à la TV notamment sur MTV : « Je me rappelle de clips comme J’pète les plombs de Disiz La Peste, Dans ma benz de NTM ou ceux de MC Solaar. Ce n’est pas directement grâce à eux que j’ai eu envie d’en faire, je devais avoir 7/8 ans à ce moment-là, mais je kiffais la vibe. C’est quand j’ai vu mes frères rapper et écrire leurs premiers textes que j’ai eu envie d’en faire. ». De son côté, c’est à l’aube de ses treize bougies que Kezo va se découvrir un vrai amour pour la musique grâce à un CD acheté avec son frère : Thriller de Michael Jackson. Quelques années plus tard, c’est son envie de création qui va s’éveiller : « Le moment où je me suis mis à faire de la musique, je devais avoir 15/16 ans. Au début, je faisais des mix de DJ sur ordinateur, et petit à petit j’ai essayé de composer sur Fruity Loops (FL Studio, ndlr). Je n’avais que ce logiciel là, mais c’est comme ça que sont nés mes premières prods. »
Pour Hache-P, tout démarre avec un groupe, devenu légendaire dans l’histoire du rap français, la MZ. Si le rap démarre anodinement pour les membres originels, plus les années passaient, plus l’amusement devenait sérieux : « Au départ, on était 8, puis il y en a qui sont partis parce qu’ils ne voulaient plus trop rapper ou parce qu’ils sont allés dans d’autres voies comme le football (Karl Toko Ekambi, ndlr), sans pour autant se perdre de vue non plus. »
Que ça soit Hache-P ou Kezo, tous deux ont rencontré le succès autour de 2014-2015. « Mon premier succès, ça a été sur l’album Feu de Nekfeu. J’avais fait l’instru de Mon âme avec Sneazzy et l’album a fini par faire diamant (500 000 ventes, ndlr), c’était totalement une dinguerie ! », nous raconte Kezo. De son côté, le premier succès de Hache-P vient évidemment avec son groupe : « Je pense c’est Lune de Fiel. La sensation tu ne la vois pas sur le moment, tu vis le truc, pour toi ce n’est rien car tu as fait le son en 2/3 heures en studio. Le morceau pète, le public kiffe, et ça ne change pas grand chose. Aujourd’hui, ce morceau c’est devenu un classique. On avait 20 ans quand on a fait ce titre. »
On en discutait avec Dehmo, plus le temps passe et plus on se rend compte de l’impact de la MZ et que votre musique se bonifie…
Hache-P : Je pense que vraiment le succès de la MZ s’est développé avec le temps, c’est un truc de fou. Chaque année, on fait encore des certifications, on est toujours autant streamé qu’avant. On a 1 million d’auditeurs par mois alors que ça fait 8 ans qu’on a rien sorti. C’est lourd car ça montre qu’on a marqué notre époque et qu’on est dans l’histoire du rap français.
Quand tu vois certains artistes ou groupes se reformer, ça ne vous a jamais donné envie de le faire afin de célébrer la MZ le temps d’un concert par exemple ?
Hache-P : Pour être transparent, il y a eu question de reformer le groupe, seulement on ne s’est pas entendu sur certains points et donc ça ne s’est pas fait. Je ne peux pas dire quoi mais on devait faire un gros truc. On verra bien avec le temps mais sincèrement je ne pense pas que cela finira par arriver.
Pendant ce temps, Kezo continue les compos notamment auprès des membres de L’Entourage faisant ainsi de lui, l’un des producteurs du collectif parisien. De Jazzy Bazz avec Éternité au S-Crew avec Démarre en passant par Immunité diplomatique de Deen Burbigo ou plus récemment Ingé son de Kekra et Shaggy de Zed, le producteur multiplie ses apparitions : « Le morceau dont je suis le plus fier ? C’est compliqué (rires). Je pense que c’est Les étoiles vagabondes, qui est l’intro sur le dernier album de Nekfeu. Sinon il y a également le morceau Stars de Doums et Laylow. Je crois que se sont les deux titres dont je suis le plus fier. »
Quand la MZ se split et que chacun des membres se consacre à sa carrière, Hache-P se retrouve face à lui-même. Si faire de la musique en solo n’est pas un frein, l’artiste parisien se complexifie la tâche par son manque de régularité en terme de sortie : « Je n’ai été assez constant en solo, je vais changer ça, je vais être plus productif. » Il s’ajoute plusieurs casquettes dont celle de producteur, où on a pu le retrouver derrière le rappeur Chily. Par ailleurs, on a pu l’entendre sur le morceau CACHE-COU avec Gazo sur le projet Drill FR : « Gazo on se connait en dehors de la musique. La première fois que je l’entends rapper, je me le prends direct. J’ai directement cerné qu’il avait un vrai potentiel et qu’il était capable de faire quelque chose de fou. Je lui disais d’ailleurs : « Frérot quand ça va péter, ça va péter à fond » (rires). Il a un vrai délire qui lui ait propre par le fond, la forme, l’image. Aujourd’hui, il est là où il mérite d’être. »
Les deux protagonistes de l’EP Auto se connaissent depuis plusieurs années : « Si je ne dis pas de bêtises, la première fois qu’on se rencontre, c’est au Grandeville Studio, il y a 7 ans. » nous confie Kezo. À force de faire des sessions ou de se croiser, ils ont finis par se lier d’amitié continue le producteur : « On s’entend grave bien, on se voit même en dehors du son. Parfois on va manger ensemble, parfois on fait des foot. Ce n’est pas juste de la musique, c’est vraiment devenu mon poto. »
À quel moment, vous avez eu envie de faire un projet ensemble ?
Kezo : Avec Hache-P on avait quelques morceaux, sans même avoir l’idée de faire un projet, et quand on a eu deux ou trois titres, il m’a proposé de faire un EP. Tout s’est fait naturellement.
Hache-P : Exactement. J’avais envie de remettre de l’autotune et j’avais envie qu’on aille plus loin ensemble, donc je lui ai proposé de faire un petit EP dans un esprit de kiff. Dans le sens, on invite des têtes qu’on aime bien et on fait de la bonne musique.
Est-ce que c’est plus facile de travailler sur un projet avec un seul beatmaker ?
Hache-P : Personnellement, travailler avec pleins de beatmakers ou un seul, ce n’est pas important à mes yeux. Le plus important pour moi c’est de kiffer et d’accrocher la proposition du beatmaker avec qui tu es à ce moment-là. Kezo m’a proposé beaucoup de prods, les choix étaient vraiment qu’une question de feeling. Sur ce projet, on a travaillé ensemble l’ADN et la DA, ce n’est pas mon projet et Kezo qui en fait les prods, c’est Hache-P et Kezo.
Kezo : Travailler avec lui, c’est super simple, super fluide. En vrai on n’avait pas énormément d’attente commercialement parlant, c’était histoire de faire un projet tous les deux vu qu’on avait des morceaux. Moi je voulais que les sons soient cool, bien réalisés, qui sonnent bien vu que j’ai enregistré et mixé le projet.
Sur cet EP composé de six titres, on retrouve deux morceaux solos d’Hache-P, mais également quatre invités que sont Lujipeka, EDGE, Doums et Dehmo. Si certains semblent évidents, Hache-P est revenu sur sa collaboration avec le membre de Columbine : « Je voulais collaborer avec Lujipeka car j’aime beaucoup son côté mélodique et sa mélancolie. Son univers me parle bien. On a fait le morceau à distance, j’ai enregistré de mon côté et il a complété de son côté. »
En plus de celles faites sous MZ, c’est une énième collaboration avec Dehmo, vous avez jamais pensé à faire un projet en commun ?
Hache-P : Qui te dit que l’album n’est pas déjà bouclé avec d’excellents featurings et nos meilleurs morceaux dessus ? (rires)
Quelles sont vos ambitions par la suite ?
Kezo : À l’avenir, j’aimerais bien travailler avec des artistes de la nouvelle génération par exemple Rounhaa, Gapman ou TH, que je trouve grave forts. Après j’aimerais beaucoup sortir un projet en mon nom dans lequel je fais toutes les prods et je convie des artistes.
Hache-P : J’ai envie de sortir mon premier véritable album car jusqu’à présent je n’ai sorti que des mixtapes. Je tiens une vraie importance au terme d’album car j’ai vraiment envie de sortir un projet hyper travaillé et aller dans des ambiances que j’aime et que je n’ai pas encore développé, sans partir en c*uilles (rires).