L’horreur a toujours su fasciner l’humain, soit par crainte, soit par croyance, soit par volonté de se prouver qu’il peut surmonter chaque obstacle. Ce genre artistique s’est développé grâce à la littérature et au cinéma. Vald fait partie de ses rappeurs qui s’amuse à caler quelques références au cinéma d’horreur et à l’utiliser pour extérioriser sa rage. Dans cette nouvelle chronique, nous allons nous plonger dans l’univers de l’horreur sous le prisme de Vald.
On ne va pas refaire toute la carrière de Vald, beaucoup d’articles en parlent dont les nôtres. En bref, il est originaire d’Aulnay sous bois et il est notamment connu pour son style unique et décalé, parfois absurde, ce qui a fini par plaire aux journalistes donnant lieu à des interviews lunaires et drôles. Si Bonjour, Desaccordé ou encore Journal Perso II sont surement arrivés jusqu’à vos écouteurs, ils sont issus de projets parfois hétérogènes mais qui méritent le coup d’être écouté si ce n’est pas déjà fait. Dans une de ses interviews avec Alban Ivanov, Vald faisait comprendre qu’il était un « mec de la chambre », c’est à dire un casanier. Comme beaucoup de casaniers, Vald a fini par aller digger un peu partout pour s’occuper, et parmi ses fouilles, on retrouve des documentaires complotistes, des jeux vidéos, des films notamment ceux du genre de l’horreur.
« Des forces de l’ordre possédées par les forces du mal » – AUCUN RETOUR
L’horreur s’est construit et forgé avec le temps, donc c’est en toute logique qu’on retrouve ses premières traces durant l’Antiquité. Cette notion de l’horreur est née en lien avec la mort et les religions avec des représentations du diable et des démons. L’équivalent des vampires remonte à l’ancienne civilisation de Sumer. Cependant cela serait long de retracer l’entièreté de l’histoire de l’horreur donc, faisons un bon dans le temps.
L’horreur telle qu’on la connait et on l’imagine, s’enracine dans les contes qui dans un premier temps étaient des récits oraux dont la plupart démarraient par « Il était une fois ». Il y avait une vraie part d’horreur avant d’être atténuée par des auteurs comme Perrault au XVIIe siècle ou les frères Grimm au début du XIXe siècle, bien qu’on reste assez loin des Disney.
« J’suis au labo quand ils prennent la foudre, comme le joujou d’Frankenstein » – La Machine
L’horreur se développe ensuite véritablement dans le prolongement du roman gothique avec la mise en place de décors obscurs comme des châteaux abandonnés, des souterrains et des personnages dans des situations de détresse. Il y a deux romans qui vont être majeur dans le développement de l’horreur littéraire. Le premier c’est celui de Mary Sheller : Frankenstein en 1818. C’est un roman épistolaire dans lequel, un savant, Victor Frankenstein, va créer un être vivant sur le base de différentes parties de chairs mortes. Il réussit mais à ses yeux, c’est un échec, car il voit en sa création un monstre et décide de l’abandonner. Seulement ce dernier va se venger envers son créateur et la société qui l’a rejeté. Même si dans l’imagerie à cause des films on voit la foudre donner la vie, dans les bouquins, c’est grâce à la pierre philosophale, une pierre qui a le pouvoir de changer les métaux sans valeurs en métaux précieux, de guérir les maladies et de prolonger la vie humaine au-delà du naturel.
« J’suis trop pour de vrai, de vrai, les vampires autour attendent mon sang comme si j’étais l’blanc de blanc » – Keskivonfer
Le second, c’est celui de Bram Stoker : Dracula en 1897. Comme Frankenstein, c’est un roman épistolaire. Il conte l’histoire d’un notaire Jonathan Harker qui est envoyé pour une affaire immobilière avec le compte Dracula en Transylvanie. Il se retrouve piégé dans un château vide et il est témoin de phénomènes étranges, notamment trois vampires qui tentent de le séduire et boire son sang. Johnathan s’échappe et Dracula lui se rend sur un navire appelé Demeter et les destins vont s’entremêler avec la fiancée de Jonathan, Mina, et Dracula.
Si les deux personnages vont devenir iconiques, ces deux romans sont des points centraux dans le développement du genre. L’univers des vampires à souvenir inspiré le rappeur d’Aulnay dans son écriture avec cette image de vampirisation : « Ces enculés d’Dracula attendent juste une accolade. C’est pour ça qu’j’reste dans mon coin, prêt à ‘ver-squi’ l’estocade » (SATAN 3), « J’suis content, j’ai la semance sucé par un vampire, enfin, une vampiresse » (Symphonie) ou encore dans Royal Cheese : « Trop d’vampires, j’dors sur un tas d’ail, aucune story dans laquelle Vlad die ».
Historiquement le premier vrai film d’horreur arrive au même moment, en 1896. Il s’agit d’un court métrage français qui s’intitule Le Manoir du diable et fut réalisé par Georges Méliès. Pour éviter une nouvelle fois d’étirer le sujet, le cinéma d’horreur va évoluer et va progressivement prendre de plus en plus de place jusqu’à dans les années 70, qui vont être le coeur avec la décennie suivante, du cinéma d’horreur. Au même moment, il y a une renaissance littéraire de l’horreur avec l’un des révolutionnaire du genre : Stephen King, auteur de Shining, Ça, Salem ou même La ligne verte.
« J’vous baise contre le plafond avec la libido d’un exorciste » – NQNT
Si certains films sont devenus cultes, malheureusement le temps a pu avoir raison d’eux. Si beaucoup estiment que Psychose d’Hitchcock de 1960 est un film d’horreur, en réalité il est plus proche du thriller avec une musique horrifique. En 1963, on peut noter la sortie de La maison du diable, mais il faut attendre les années 70 pour que les succès s’enchainent. On retrouve différents styles d’horreur : les slashers qui mettent en scène des meurtres de masse réalisés par des psychopathes souvent anonymes et masqués comme Massacre à la tronçonneuse (1974), Halloween : La Nuit des masques (1978), Vendredi 13 (1980) ou même Scream qui sort pour le coup à la fin des années 90. On retrouve également des films qui sont étroitement liés à la science fiction comme Alien : Le 8e passager (1979) ou The thing en (1982) ; des films avec des entités ou des possessions comme L’Exorciste (1973), Evil Dead (1981) et Jeu d’enfant (1988) ; ou des films cultissimes dans leur genre comme Les dents de la mer (1975), Shining (1980), Les griffes de la nuit (1984), Hellraiser : Le Pacte (1987), Ça (1990) ou encore Le silence des agneaux (1991).
Certains personnages de ces films sont devenus horriblement cultes, au point qu’ils se soient inscrits dans la Pop culture, et dans les textes de Vald. Parmi eux on retrouve Freddy Krueger des Griffes de la Nuit : « Devant la saga d’Freddy, l’cerveau en pagaille, j’écris » (Encore), ou encore dans le featuring avec Koba LaD : « Traces de griffures sur les avant-bras, j’dors avec Freddy Krueger ou Pocahontas » (Pas de reine) ; Jason Vorhees de Vendredi 13 : « Tous les jours c’est Halloween. J’suis un joueur de hockey dans ta cuisine » (Freestyle Planète Rap) ; Jigsaw de Saw qui sort en 2004, Grippe-sou de Ça, Les Aliens : « Ça sent l’enfer après la mort (Ay), j’suis en guerre contre moi-même : je suis l’Alien et l’Predator » (Voraces) ; Hannibal Lecteur du Silence des agneaux, Ghostface de Scream : « J’arrive blanc et tordu comme mon costume de Scream » (Jetez pas l’oeil) et Michael Myers d’Halloween. Obligé que vous en connaissez deux ou trois même si vous n’avez jamais regardé un de ces films.
« Monstre dans ton cavu, non, c’est pas Halloween » – Résidus
Intéressons-nous au dernier cité : Michael Myers. Vald a réalisé énormément de références à cette saga (Halloween, ndlr) : « Tous les jours, c’est Halloween, j’suis Myers et j’suis franc-jeu » (Retour), « Bien que t’aies l’immense rêve de l’esquiver en scred. Il a une armée d’apprenties charmantes, c’est pire qu’Halloween. » (Sullyvan) ou encore « Michael Myers sur mes posters » (CQFD). L’histoire d’Halloween est assez simple dans le fond, Michael Myers alors âgé de 6 ans, poignarde sa soeur avec un couteau de cuisine, il est interné en asile psychiatrique. 15 ans plus tard, il réussit à s’évader lors d’un transfert et va semer la terreur le soir d’Halloween en poignardant des adolescents. Il s’agit du synopsis du film de 1978, et la dizaine de films qui ont été fait ensuite, ont plus ou moins le même scénario. Ils n’arrivent jamais à vraiment le tuer, ce qui en est presque absurde. D’ailleurs attention à ne pas confondre le Michael Myers, le personnage et l’acteur Michael Myers, dit Mike Myers qui a joué dans Austin Powers : « J’suis mignon masqué comme Michael Myers, le tueur en série et l’acteur » (Plus haut).
Si nous reprenons notre histoire, les années 90 et 2000 sont moins riches en horreur, malgré quelques films cultes comme Le projet Blair Witch, Ring ou Saw et la montée du cinéma asiatique. Cependant une nouvelle forme d’horreur apparait, un horreur familial : les films de Tim Burton. Vald fait énormément de références à cet univers, notamment L’Etrange Noël de Mr Jack. Les films de Burton s’inscrivent dans la continuité des films d’horreur avec une touche fantastique et une pointe d’humour familial. À l’instar de Twilight avec une romantisation des vampires, les films de Burton rendent les monstres amicaux.
« J’parle qu’à des morts sans faire d’nécromancie » – Pas comme eux
Les années 2000, bien que plus pauvres que les décennies évoquées, marquent l’internationalisation d’un genre nouveau : le found foutage. Ce genre consiste à visionner un enregistrement trouvé avec un scénario un peu connu à l’avance. En 1999, il y avait eu Le projet Blair Witch, mais c’est surtout avec le film espagnol REC en 2007 et Paranormal Activity la même année, qui vont mettre en avant ce style d’horreur.
À partir des années 2010, il va y avoir un renouveau dans l’horreur porté par des films comme Insidious en 2010, Conjuring et American Nightmare en 2013, Annabelle en 2014 ou encore Ça en 2017 : « En bas, tout l’monde flotte » (Voraces). Ce film a inspiré le clip de Vald avec Souffrance, Voraces, mais indirectement la cover de Ce monde est cruel, bien que ça soit à la base une référence à Apocalypse Now. Ce film est aussi marqueur d’un gros point négatif, c’est l’abus de remake de films qui avaient fonctionné dans les années 80 ou de créations de suites tirées par les cheveux comme Halloween ou Les griffes de la nuit, ce qui va créer de l’intérêt et de la déception du public derrière. Un autre point négatif qui tue le genre, c’est l’abus de suite comme la saga Saw qui en vingt ans, a vu plus de 10 films sortir au cinéma. Une autre saga qui a eu plusieurs films, Hellraiser, que Vald n’a pas manqué de citer en interview et d’interpréter dans le clip de Royal Cheese. Dans le cinéma d’horreur, majoritairement, dès qu’il y a succès, il y a trilogie au minima. Tout n’est pas mauvais, mais tout n’est pas bon, beaucoup sont des remplissages avec des scènes vues et revues. Ça n’a pas empêché d’avoir d’excellent films comme Get out.
Mais pourquoi l’horreur nous stimule autant ? Ce plaisir qu’on a à se faire peur vient de notre personnalité selon les scientifiques. Les parties du cerveau réagissant à la peur et au plaisir sont étroitement liés, c’est pour ça que la plupart des gens aiment ça ou détestent. L’être humain a un plaisir malsain à se faire peur mais en toute sécurité. Par exemple, les personnages sont mis dans des situations dans lesquelles on se projette et que l’on s’oblige à vivre alors qu’on ferait l’inverse : « J’entends des voix venir du grenier (Grenier) Mais, nique sa mère, je vais pas voir » (Cafards). En regardant un film d’horreur, notre anxiété augmente progressivement et va stimuler notre perception visuelle et auditive, augmentant la détection de menaces dans l’environnement. Au-delà du cerveau, notre corps réagit, on peut avoir la chair de poule qui est un instinct primitif et une augmentation du rythme cardiaque. Ce style de film peuvent nous permettent à mieux gérer notre stress car ce dernier intervient dans des situations inconfortables.
« Quand j’parle des Enfers, c’est une image, une image » – C’est pas nous les méchants
On vous disait que l’horreur était arrivé par la présence du Diable et des démons via les religions, et même si Vald parle beaucoup de cinéma, ses notions d’horreurs sont souvent employés pour exprimer sa rage intérieure qui pendant un temps, a été caractérisée et caricaturée par un personnage : Sullyvan, « Depuis ma rocking chair, Sullyvan croque-mitaine » (Rocking Chair). Cette rage, qui sort de lui comme un Alien, utilise même l’image de la possession pour décrire ce qu’il peut ressentir : « Sur la table de Ouija, ça fait « V.A.L.D. », mes démons m’aident à chanter » (Gris), « J’insulte tout l’monde de fils de pute, j’suis possédé par Belzébuth » (Possédé) ou encore « Possédé par des entités qui vibrent très bas ; mes anges, mes démons qui s’embrouillent : j’peux pas suivre le débat » (Réflexions basses). Il ressent une vraie dualité entre celle de vouloir exploser par la haine qu’il peut ressentir envers son prochain ou la société capitaliste qu’il subit : « J’le vois déguisé partout, en vampire, en sorcière, en fantôme, en nazi, en proxo infantile en Thaïlande, en poison vendu en pharmacie » (C’est pas nous les méchants) ou encore « Ils ont discrédité la religion pour qu’on oublie le Diable dans le ché-mar » (Diviser pour mieux régner) et cette obligation de rester calme par l’image qu’il doit tenir dû au cercle vicieux d’être indirectement un monstre dans cette machine qu’il déteste.