La musique vient rythmer nos quotidiens, et peu importe ce que l’on écoute, elle vient surtout stimuler nos émotions afin de nourrir ces derniers. Parmi les incalculables instruments existants, le piano a une sonorité pure et apaisante qui peut procurer une sensation de bien-être lorsque l’on se concentre sur les sons qu’il émet. Lorsqu’on associe ce dernier au rap français, le morceau qui est généralement aussi délicat que bien écrit, devient tout de suite une confidence d’un artiste à son public.

L’HISTOIRE DE SOFIANE PAMART

Né en 1990 dans le Nord la France, plus précisément à Hellemmes, Sofiane Pamart grandit au sein d’une famille littéraire avec une mère professeur de français et un père directeur d’un centre de langue française pour les étrangers. Descendant d’une famille proche de la tradition minière dont un grand-père originaire de Taroudant au Maroc qui est venu pour être mineur de fond, Sofiane se destine lui aussi, sans le savoir, à un travail manuel mais artistique : pianiste.  

Comme pour son frère et sa sœur, sa mère souhaite qu’il s’initie à un instrument de musique, à ses 4 ans, elle lui offre un jouet et il s’amuse à reproduire les musiques qu’il entend, ce qui l’amène à l’inscrire à sept ans au conservatoire de Lille afin d’étudier le piano et la musique classique, ce qu’il fera pendant seize années. À 23 ans, il obtient la médaille d’or (nom qu’on donne à l’examen sanctionnant la fin des études musicales du 3^e cycle, ndlr) en interprétant l’Alborada del gracioso de Maurice Ravel et la 4^e ballade de Chopin.

Sofiane décèle en l’instrument un moyen de voyager avant même de pouvoir le faire économiquement, et une façon pour lui de toucher le public en dépassant le pouvoir des mots, une musique qui se comprend par le cœur avant même de l’intellectualiser. Seulement il ne se voyait pas suivre le chemin classique en prenant la voie académique classée, car c’est une voie où peu d’élus arrivent à en vivre et surtout qui manquent d’épanouissement artistique. Sofiane fait alors le choix de la liberté en préférant être moins fort techniquement mais plus puissant émotionnellement.

Si tout a fini par s’accélérer dans les années 2020, Sofiane Pamart a pendant de longues années manger son pain noir et a travaillé extrêmement dur son art pour essayer d’en vivre, au point de sacrifier énormément de temps et d’argent pour sa passion. Il finira même par être, un temps, professeur au conservatoire pour faire plaisir à sa mère, mais ce n’est pas ce à quoi il se destinait.

Avant d’être dans les dix artistes classiques les plus écoutés au monde et de remplir Bercy seulement un an après son premier concert, Sofiane a tout fait pour rendre sa musique la plus émotionnelle et universelle : « Je ne vais jamais au piano si je n’ai rien à lui raconter », à l’inverse des pianistes qui s’entrainent tous les jours pour être plus techniques. Son oreille absolue lui permet de faire du piano un prolongement de lui-même, et un moyen pour lui de toucher le peuple. Bien que le milieu du classique le reproche d’être trop populaire pour un art qui se voulait élitiste, il y voit lui un moteur pour rendre son art sincère.

Alors après un travail de longue haleine sur son art, l’univers qu’il voulait représenter et son personnage, le public a fini par adhérer à la lecture de la vie selon son prisme. « Être un grand artiste, c’est aussi être grand dans tout ce qui entoure son art ». Le 17 novembre 2022, il réalise un de ses objectif : remplir l’Accor Arena. Bien que l’artiste ait pour parti pris de ne pas parler pendant ses représentations et de laisser une voix impersonnelle d’intelligence artificielle guider son public lors du voyage artistique qu’il propose, il finit par prendre le micro pour dire « Merci » car il fut conscient d’avoir réalisé quelque chose de grand, le tout en mettant le feu à son piano à la fin de la représentation.

LE MARIAGE ENTRE SOFIANE PAMART ET LE RAP FRANÇAIS

En plus de trois albums solos que sont Planet en 2019 accompagné par sa réédition Planet Gold en 2021, Letter en 2022 et Noche en 2023, et quelques projets collaboratifs en autre avec Dabeull et le pilote Charles Leclerc, Sofiane Pamart a exporté son piano au sein du rap français. Si l’association peut surprendre sur le papier, aujourd’hui, il est le pianiste que les rappeurs et rappeuses s’arrachent pour un moment d’émotion et d’intimité dans leurs projets.

Sofiane Pamart découvre le rap français à travers un album devenu classique porté son single éponyme : Les princes de la ville du 113, des années plus tard, il dévoile un morceau en compagnie de Rim’K et de Tif, Tant pis, une boucle qui se boucle mais quelle boucle ! Si ses premiers pas dans le rap sont en compagnie de son groupe Rapsodie et le projet Fugue en 2015, il continue en compagnie de Scylla avec qui il réalisera entre autres deux albums en commun en 2018 et 2019 : Pleine Lune, Vol.I et II. Si les projets rencontrent leur public, c’est notamment avec le morceau Bataclan de Médine que la lumière du rap va éclairer le pianiste de l’émotion. Dans ce morceau exceptionnel de par le texte du rappeur havrais et la puissance du piano de Sofiane Pamart, Médine raconte son rapport à la scène et à ce besoin de faire le Bataclan quand on est un artiste rap. Le morceau est même précédé d’une interlude de piano de Sofiane Pamart dans l’album Storyteller. Seulement, même si le morceau est sûrement l’un des meilleurs de Médine, une ombre anxiogène plane au-dessus de ce dernier. La lumière d’espoir s’est transformée en lumière de ténèbres, car l’extrême droite a créé un climat de tensions basé, encore une fois, sur des amalgames entre les musulmans et les terroristes. Cette tension finit par contraindre le rappeur Médine à annuler sa venue pour éviter d’envenimer un climat anxiogène. Une cicatrice profonde pour l’artiste qui voulait simplement faire une salle mythique du rap français en déclarant son amour dans un morceau intense, sur un piano de Sofiane Pamart.

Après ses morceaux avec Médine, Sofiane Pamart enchaine les collaborations dans le rap français : Rei d’Hugo TSR, Chanson pour ton fils de Flynt, Matin de Koba LaD et Maes, puis un autre morceau qui lui vaudra une nouvelle exposition : Journal Perso II de Vald. Ce dernier arrive en tant que premier single d’un album extrêmement attendu en fin d’année 2019, Ce monde est cruel. Si le single engagé est accompagné d’un clip très esthétique, l’emballement du piano au fur et à mesure du texte le rend encore plus lourd de sens.

Depuis 2019, les collaborations avec le rap français s’enchainent : Isha, Sneazzy, Dinos, Chilla, Bakari, SCH, B.B Jacques, BEN plg, Lacrim, Zamdane, pour ne citer qu’eux, mais deux d’entre eux reviennent plus régulièrement : Josman et Laylow. Présent sur certains de leurs morceaux respectifs et sur leur collaboration Brûle, l’alchimie avec les deux artistes ne fait plus aucun doutes et nous offre des rêves de projet commun comme il avait pu le faire avec YG Pablo en 2023. Tout comme on aimerait entendre certains artistes sur le piano de Sofiane Pamart pour des morceaux forts en interprétation, mais laissons place aux surprises de l’avenir.

Lorsque l’on fait appel à Sofiane Pamart, quel sentiment les artistes recherchent-ils vraiment ? Évidemment sur quelques notes de piano, Booba regrettait l’époque du Rat Luciano dans le morceau Comme une étoile et Nekfeu oubliait tout sur sa douce mélodie dans Martin Eden. Majoritairement, le piano a pour force principal d’être un instrument intime, alors quand un rappeur pose dessus, il décide de se livrer, de faire passer le maximum d’émotion à son auditeur afin qu’il soit touché par ce qu’il raconte ou pour qu’il s’identifie. En plus de donner un moment touchant en concert, le piano apporte aussi un moment de calme dans un album de rap français, même si dans les collaborations de Sofiane Pamart, nous avons quelques exceptions à la règle comme Panamera de Bakari.

Pour conclure, si globalement les collaborations avec Sofiane Pamart sont des réussites, leurs multiplications pourraient finir par lasser le public, conscient d’avance du morceau qu’ils vont écouter, bien qu’ils seront exécutés de la meilleure des manières. Néanmoins, cette collaboration qui s’enrichit entre le rap français et le pianiste, permet aux auditeurs de voyager dans les émotions, parfois les plus sombres, de leurs artistes et de découvrir toute la beauté qu’un piano peut offrir.