Rappeur, pilote de formule 4, comédien, Théo Juice cumule les casquettes, mais toutes ont ce point commun d’être portées avec passion. Après plusieurs projets aux couleurs musicales variées, Théo Juice, qu’on peut aussi simplement nommé Juice, dévoile un projet à la croisée de la pop, du rap et de la funk pour prolonger notre été.

Revenons au début de l’histoire, comment était ton enfance et comment le lien avec la musique nait ?

J’ai vraiment eu une enfance très cool en périphérie de Grenoble, qui a nos grands âges et qui habitons à Paris, pouvons trouver ça nul, mais quand tu es petit, c’est parfait. Il y a des champs, des grandes maisons, des beaux jardins, tes potes qui ne sont jamais très loin, tu as un peu la sensation d’être sur une map GTA car tout te paraît grand et tu peux faire tellement de choses. La musique quant à elle, était très présente dans ma famille. Mon père était très friand de variété française comme Brassens ou Yann Tiersan. Ma mère écoutait un panel hyper large. Elle pouvait aussi bien écouter de la musique classique, que du Bob Marley ou du Tupac. D’ailleurs, c’est elle qui m’a fait découvrir le rap. De souvenir, mon premier lien avec le rap, c’était avec NTM. Et en plus d’en écouter, j’ai fait de la batterie pendant quatre ans jusqu’à mes 12 ans, et en parallèle je faisais du basket.

THÉO JUICE – DON’T SHOOT

La question vient naturellement car dans ton clip Don’t Shoot, tu fais référence à celui de Beat it de Michael Jackson, c’est un artiste qui a été important pour toi ?

C’est sûrement l’artiste qui m’a le plus marqué avec 50cent, qui lui m’a réorienté sur le rap, mais le premier artiste qui m’a marqué, comme beaucoup d’enfants en vrai, c’est Michael Jackson. Ses clips étaient déjà impressionnants pour son époque, il y avait une esthétique de fou. Tu mettais n’importe quel clip de Michael à un enfant ça le captivait. Je ne ferai pas de blagues sur Michael Jackson et les enfants (rires). C’est la première fois de ma vie que j’étais fan de quelqu’un. Il y a eu lui et LeBron James. Je devais avoir entre 6 et 10 ans quand j’étais fan de Michael. Quand je passais à la FNAC avec ma mère, mon truc c’était de lui demander si je pouvais avoir un CD de Michael Jackson que je n’avais pas. J’avais une pile de CDs de lui. À mon anniversaire ou à Noël on m’offrait des DVD, parfois en anglais, même si je ne comprenais rien. Puis quand il est décédé, ça a marqué encore plus l’histoire. 2009, j’avais 17 ans, j’ai pleuré. Pour l’anecdote, il s’est passé un truc que je regrette depuis, c’est que tous mes CDS je les ai donné à une amie de ma mère car je n’étais plus trop fan, j’écoutais beaucoup de rap à ce moment-là. Pire erreur de ma vie. Michael Jackson a été un artiste phare dans mon développement.

MICHAEL JACKSON – BEAT IT

Dans mon clip, je lui rends hommage mais ce n’est même pas un clin d’œil voulu au départ. De base, on voulait tourner le clip dans un disco roller. On en a trouvé un sur Paris, mais il ne m’a jamais répondu, peut-être qu’il a fermé. On cherchait un plan de repli. Mon réalisateur Johann Dorlipo, me dit qu’on pourrait faire ça dans un bowling ou une salle de billard. Parallèlement, je passe chez Scott, qui était un de nos partenaires du GP Explorer, et en me présentant des vestes que je voulais utiliser pour mon clip, je flash sur cette veste rouge. C’est seulement au moment de tourner que je me rends compte qu’on est dans une salle de billard et que j’ai un cuir rouge comme Michael dans Beat it. Ce n’était pas calculé mais j’étais ravi d’avoir fait un clin d’œil involontaire. 

La première fois qu’on te voit publiquement, c’est dans les vidéos de Mister V, comment vous vous rencontrez et comment vient ta présence dans ses vidéos ?

On se connait depuis qu’on a 10 ans, on s’est rencontré en sélection départementale de basket de l’Isère. On était dans la même équipe et on a tout de suite accrochés parce qu’on était les deux seuls métisses avec des tresses avec un délire rap américain (rires). À un moment j’ai dû quitté la sélection départementale pour des raisons personnelles, donc pendant une période, on se côtoyait plus beaucoup. Il a commencé les vidéos de son côté, dans sa chambre, et avant même qu’il les sorte publiquement sur Dailymotion, il faisait déjà du montage de lui en train de jouer au basket dès ses 12 ans. Je ne sais plus ce que je faisais à cet âge mais je n’étais surement pas en train de me dire : « tiens, je vais apprendre un logiciel de montage » (rires). C’est vers 16 ans qu’il commence à les mettre en ligne et à ce moment-là, on recommence à se recroiser. Au moment où il démarre, il est l’un des premiers à le faire, beaucoup de gens disaient qu’il était le mec bizarre qui faisait des vidéos, moi je trouvais ça vraiment stylé. Il essayait de faire rire les gens et faisait son kiff dans son coin, en écrivant ses sketchs et les montaient. J’étais trop content pour lui quand ça a commencé à fonctionner. Quand il m’a proposé de venir dans ses vidéos, automatiquement je me suis dit oui car je kiffais trop l’expérience sans y voir un intérêt pour moi. J’aime faire rire les gens, mais ça n’avait jamais été au-delà des blagues en classe ou en soirée, avec lui, je me suis laissé prendre au jeu de la comédie.

Théo Juice par Gabriel Hardy pour 16 Mesures©

Et tu ne t’es jamais dit que tu allais en faire de ton côté ?

À cette époque-là, les vidéos et la musique n’étaient dans mes projets, j’étais vraiment concentré sur mes études et sur le basket. Et puis, tout le côté écriture, faire ses vidéos, être débrouillard, organiser des tournages, ce n’était pas trop mon délire. Je n’aurais jamais eu la même détermination que lui à créer des vidéos. En revanche jouer dedans, je serai toujours partant, j’adore jouer la comédie. À terme même, pourquoi pas jouer dans des films. Je suis très attiré par la comédie, mais j’aimerais beaucoup m’essayer à d’autres registres pour voir ce que ça donne.

Concernant la musique, comment tu expliques que tu aies mis autant de temps avant de te lancer publiquement ?

La première raison, c’est que je me l’interdisais. Pendant très longtemps, j’ai été victime de ce truc du « le rap c’est pour autres » étant donné que je viens de Grenoble. C’est en grandissant que j’ai vu qu’il y’avait pleins de rappeurs à Grenoble dont des potes à moi qui me ressemblaient. Et la deuxième raison, c’est que j’étais concentré dans mes études, je voulais les finir. J’attendais d’avoir mon diplôme pour me lancer. Seulement le milieu dans lequel j’évoluais, ne me plaisait pas du tout. Après un voyage au Mexique et trois mois sabbatiques, je ne me voyais pas retourner dans un bureau. Alors les trois mois se sont transformés en une année sabbatique, pendant laquelle j’ai fait de la musique pour rentabiliser mon temps et voir ce que ça pouvait donner. Le premier projet a eu un bel accueil par rapport à ce dont je m’attendais, et depuis, je n’ai pas arrêté. 

THÉO JUICE – GOOD LIFE feat. MISTER V

Belle transition, parce qu’ensuite, tu as sorti plusieurs projets, quel bilan tu fais de ce que tu as déjà sorti et de cette double teinte musicale entre le côté très ensoleillé et le côté plus sombre, et pourquoi avoir eu ces changements de mood ?

Je suis très content et fier de mon évolution entre mon premier projet et le dernier, même s’il y a quelques trucs quand je les entends, ça me gratte l’oreille (rires). Je ne les supprimerais pas, je pense, parce qu’ils font partie de mon parcours. Concernant ma diversité musicale, je n’ai pas envie de me cantonner à un style. Il y a eu aussi de la recherche artistique, par exemple Guayaba et Shadow sont très contrastés et ces projets me ressemblent. Comme tout être humain, parfois, j’ai envie de parler de choses qui me touchent et me rendent triste, et qui ne sont pas forcément jolies à entendre. Parler de mes problèmes en musique ça m’aide à les exorciser. Je suis content quand les titres plus sombres plaisent aux gens et qu’ils arrivent à en aider d’autres, mais quand je les fais, je les fais pour moi. Une démarche comme Passionnément, c’est pour me faire plaisir mais aussi pour soulager les gens. J’ai la sensation qu’on a besoin de ça. Ces dernières années avec la pandémie, les manifestations, l’inflation, les guerres, le climat de vie est vraiment compliqué. De mon côté, j’écoutais que de la musique des années 70/80, et je me suis dit, que ma musique ne devait pas enfoncer encore les gens dans un mood triste. Quand je sors un projet solaire comme ça, c’est pour donner de la bonne humeur, même s’il y a quelques passages sombres. Je ne sais pas si ça marche pour le public, mais en tout cas pour moi, ça m’aide à être positif.

Un projet estival qui sort en septembre, est-ce que c’est pour réchauffer les cœurs d’hiver ?

Ça peut en effet (rires). En vrai, pourquoi je ne l’ai pas sorti pour l’été ? C’est une question de timing et puis je me suis décomplexé du schéma qu’un projet ensoleillé devait sortir pour l’été et un projet triste pour l’hiver. Si le projet est bon, les gens l’écouteront jusqu’à l’été. Tayc, il fait de la musique chaude, mais il a sorti des albums en hiver, et ça marche très bien. Et puis là, si je peux prolonger l’été des gens, c’est bien aussi.

Théo Juice par Gabriel Hardy pour 16 Mesures©

Pourquoi revenir avec une telle esthétique ?

J’appréciais beaucoup cette musicalité sans forcément en faire une obsession non plus. Entre la pop américaine avec Michael, ma mère qui écoutait Steve Wonder, et mes découvertes tardives de Billy Paul, Bill Withers… En septembre dernier, je me mets à poncer ça au point de ne même plus écouter de rap. L’idée germe avec le fait que je me dise que je ne sois pas né à la bonne époque (rires). J’aurais tellement aimé être un américain à cette époque-là et faire des morceaux comme ça en portant des grands pantalons patte d’eph (rires). Le projet nait de cette réflexion qui évolue vers un : ça serait cool de faire ça en gardant des sonorités actuelles sans m’éloigner du rap.

BILLY PAUL – ME AND MRS. JONES (LIVE)

Puis même musicalement, The Weeknd a réouvert des portes aussi à cette sonorité et cette esthétique ?

Un artiste comme The Weeknd, je l’ai beaucoup écouté à une période où il n’était pas trop connu. Je suis victime du truc où il devient trop populaire, je l’entends tout le temps à la radio avec des titres qui me parlaient moins, donc je l’ai un peu laissé tomber. Je suis un horrible auditeur (rires). C’est une erreur que je fais fréquemment et que je reproche aux gens qui le font. En bossant sur ce projet avec Tigri, un beatmaker de génie, après quelques morceaux, lui et quelques personnes m’ont fait cette remarque que ça faisait très « The Weeknd ». En laissant les morceaux commerciaux de côté, j’ai découvert des titres exceptionnels dans ses albums qui mériteraient d’être au top. Au final, il y a un peu de The Weeknd et du Silk Sonic (duo composé de Bruno Mars et Anderson .Paak, ndlr) dans mon projet, car c’est ce que j’écoute. Même dans le rap américain, j’aime beaucoup en ce moment ceux qui ont une esthétique qui pourrait les amener dans cet univers, comme Aminé par exemple.

Est-ce que c’est compliqué de rester fidèle à une telle D.A dans la création ? Car on pourrait s’imaginer qu’à des moments tu puisses avoir envie de faire d’autres choses…

En fait comme le questionnement a eu lieu avant que je définisse ma D.A, je n’ai pas été tenté de faire d’autres choses au final dans le processus. Quand on s’est dit qu’on allait s’y tenir, on était vraiment bloqué là-dedans. Et puis, à côté, je n’écoutais que des morceaux comme ça. Mise à part une prod que j’ai reçu qui entrait parfaitement, on faisait les morceaux ensemble avec Tigri. Je lui donnais mes références, on partait dans nos créativités et dès que ça bifurquait de notre D.A, on s’arrêtait pour éviter de s’égarer, quitte à garder ce qu’on faisait sur le côté pour un futur projet. C’était facile à construire comme projet. Le plus dur pour moi, c’était de m’adapter musicalement car c’était un nouveau format artistique avec ce côté très pop. Un Moonlight par exemple, c’était très compliqué à faire, tu ne découpes pas un 16 mesures, il faut qu’il y ait un thème qui corresponde bien à la prod et il faut bien respecter les codes de la pop. C’était passionnant à faire. D’ailleurs, le projet s’appelle comme ça car on était vraiment à fond, avec Tigri, dans le processus de création. Lors d’un séminaire on était vraiment enfermé dans un appart à faire ça toute la journée. On était tellement en folie de faire ce qu’on faisait, que ça coulait de source.

Théo Juice par Gabriel Hardy pour 16 Mesures©

Malgré le fait que ça soit ensoleillé, on a dedans des thèmes très personnels et tristes, c’était important pour toi aussi d’y mettre ce contraste-là ? 

Je ne voulais pas changer mon écriture et mes messages parce que la forme changeait. Puis globalement, j’essaye toujours dans mes projets de faire passer des messages et de l’espoir. Par exemple dans le morceau Noir merveilleux, je parle d’un chagrin d’amour dans le premier couplet et dans le deuxième une acceptation avec le fait que je sois passé à autre chose. J’essaye de transmettre de l’espoir, si dans la vie tu as des galères, des chagrins, des disparitions de proches, tu peux arriver à accepter et/ou relativiser pour construire un meilleur futur. Même si y’a de la pluie, il y aura du beau temps, écoutez Pas de fleurs sans pluie (rires).

À noter aussi que c’est un projet 100% personnel puisqu’il n’y a pas d’invités…

On a eu les réflexions des featurings mais je n’ai pas enclenché de démarches. Je n’étais pas sûr de vouloir inviter des gens pour ce premier projet. J’avais envie de mettre un pied dedans, solo, avant de le partager avec quelqu’un. Je voulais que le projet me ressemble à 100%. Il y a des noms qui colleraient bien pour un éventuel prochain projet.

Tu aimerais continuer dans ce mood pour la suite de ta carrière ?

Je ne partirai pas dans un truc différent pour l’instant, j’ai envie de creuser dans cette énergie-là. Après tout est possible, il existe un monde où je sors un EP boom-bap bien sombre en plein hiver (rires). Mais cette énergie-là me plait et les retours sont hyper positifs. Il y a encore des trucs à faire dedans mais je ne m’interdis rien, il y aura forcément des morceaux qui ne seront pas dans cet esthétique à l’avenir.

Qu’est-ce que tu envisages comme futur mise à part une piscine olympique et une volonté de poursuivre l’aventure dans la formule 4 ?

Je veux surtout une piscine olympique (rires). Je veux continuer à faire des choses qui plaisent musicalement en restant libre dans mes choix artistiques. Après comme je le disais, j’aimerais faire du cinéma, ou du moins, approcher d’un peu plus près ce monde qui me parle beaucoup. Puis, pour l’aventure du GP Explorer, c’était vraiment exceptionnel, ça me manque tellement. Au départ, je n’étais pas le coéquipier prévu d’Yvick, ça s’est fait au dernier moment, ce qui explique que j’ai eu moins de temps de préparation (rires). Mais s’il y a une troisième édition, je serai prêt à enfiler de nouveau la combinaison.

THÉO JUICE – LE PLAN

Tu as annoncé également une tournée quelques jours après la sortie du projet, comment tu te sens à quelques semaines de son début ?

J’ai hyper hâte. J’étais sur ma faim après le Badaboum, j’avais envie d’en refaire un le lendemain. Hâte de rencontrer à nouveau mon public, de leur donner ma musique frontalement, de découvrir de nouvelles villes, j’espère qu’il y aura beaucoup plus de live à l’avenir c’est aussi un terrain dans lequel j’ai envie de me développer. Je me sens vraiment à l’aise sur scène donc toujours un plaisir de devoir y retourner. J’ai hâte de jouer Passionnément, j’espère arriver à mettre en place tout ce que j’ai en tête à temps, mais même si ce n’est pas le cas ça va être fort, on va écouter du bon son, on va danser, on va se marrer. J’AI HÂTE !

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