Arrivé les mains dans les poches pour au final graver son nom dans la roche du rap français à tout jamais, Aketo, membre du groupe Sniper, continue le chemin après une carrière semée d’embûches. À l’occasion de la sortie de son projet Zone Bleue, 16 Mesures en a profité pour revenir avec l’artiste sur le périple de sa carrière aussi difficile qu’épanouissante.  

LA NAISSANCE D’UN SENS

Aussi loin qu’il s’en souvienne, le rap vient à Ryad Selmi, a.k.a Aketo, à la fin des années 80 dans sa transition entre la primaire et le collège. Grandi dans la banlieue nord de Paris, dans le Val d’Oise à Deuil-la-Barre, il voit le mouvement hip-hop arriver progressivement à lui : « C’est une époque où il y a beaucoup de mecs dans les quartiers qui dansent, où il y a des tagueurs, c’est les premiers freestyles tous les dimanches sur Radio Nova avec Dee Nasty. Il y avait aussi des cassettes qui tournaient où les grands s’enregistraient dessus, c’est arrivé progressivement à nous. ». Attiré par le mouvement, Ryad découvre qu’un de ses cousins est un membre de NTM qui étaient connus pour être un groupe de tag avant d’être un groupe de rap : « J’étais en CM2, et le premier maxi d’NTM sort, Le monde de demain, et je vois mon cousin dans le clip sur la TV. Il était backeur. NTM c’était déjà un petit phénomène. La période NTM / IAM / Assassin m’a percuté de plein fouet. C’est le mouvement entier que je me prends, pas seulement le rap, c’était un ensemble. ».

LE MONDE DE DEMAIN, NTM

LA GENÈSE DE SNIPER

Si la danse n’était pas son fort, Aketo commença dans un premier temps par réaliser des graffitis. C’est au collège qu’une rencontre va changer sa vie : « Quand j’arrive au collège, je tombe dans la même classe que Tunisiano. Aujourd’hui, le rap c’est la musique la plus écoutée, mais à cette époque-là, si tu écoutais du rap, tu avais la sensation de faire partie d’une secte, d’être quelqu’un à part. Et c’est comme ça qu’avec Tunisiano on est devenu potes car personne n’écoutait de rap ou était dans le tag à part nous. Tous les matins j’arrivais avec mon Walkman, je faisais des tags sur des feuilles, et lui faisait la même chose dans son coin. On a fini par taguer ensemble et c’est seulement en 5ème qu’on s’est mis à écrire des phrases ». Quelques années plus tard, Tunisiano fait la connaissance de Blacko qui venait alors de s’installer dans le même quartier que lui, et ayant également la même passion, les trois artistes finissent par tisser des liens et à former le groupe : Personnalité Suspecte. « L’histoire du nom c’est super con (rires). À la base c’était Personnalité Suspecte et nous, tout bêtement dans nos freestyles, on abrégeait en « Per-Sni ». C’est venu tout seul. À un moment, on trouvait le nom un peu rallonge alors on a gardé « Sniper ».

DU RIRE AUX LARMES – SNIPER

En 2001, votre premier album Du rire aux larmes sort, le rap connaît un certain succès à ce moment-là, dans quel état d’esprit vous étiez et quels étaient alors vos objectifs et vos perceptions ?

En fait, tout s’est bien goupillé avant que cet album ne sorte. Le premier élément décisif dans l’histoire de Sniper a lieu en 1997. DJ Desh qui est notre producteur de l’époque et DJ de Stomy Bugsy et du Minister A.M.E.R, nous emmène aux Francofolies de La Rochelle pour faire la première partie de Stomy. Pour l’histoire, la veille il y avait en tête d’affiche, IAM qui venait de sortir l’École du Micro d’Argent, et 2 Bal 2 Neg. Et le lendemain, c’était Time BOMB et Stomy. Lors de notre quart d’heure de première partie car l’autre quart d’heure était assuré par Les Rongeurs, on s’est fait remarquer.

Sniper (Tunisiano, Aketo & Blacko)

Puis en 1999, on a eu de la chance et les étoiles sont restées alignées car on se retrouve sur deux compilations majeures : BOSS (Boss Of Scandalz Strategyz) volume 1 de Joeystarr et sur Première classe vol.1, qui sont deux projets énormes. Nous on se retrouve dessus, mais on est des juniors. On travaillait sur notre album en parallèle et le fait qu’on soit présent sur ces compilations, cela nous a mis dans des bonnes dispositions car même si nos producteurs croyaient en nous, nous on ne savait pas ce que cela allait donner. Enregistrer un album était déjà une victoire pour nous (rires). Même si depuis La Rochelle, on sentait qu’il y avait quelque chose autour de nous, une petite effervescence. À aucun moment, on a imaginé les propositions que ça allait prendre, on était juste heureux d’enregistrer un album et on avait envie de réussir.

LA CRÉATION D’UN CLASSIQUE

Quand Aketo parle des proportions que cela allait prendre, il parle bien entendu du second album sorti deux plus tard : Gravé dans la roche. Aujourd’hui considéré comme un classique voir même un monument du rap français, l’album marque un véritable tournant dans la vie du groupe tout en se gravant véritablement dans l’Histoire du rap français et inspirant les générations qui ont suivi. Sortir un premier album, c’est une étape, mais le second album est souvent encore plus compliqué : « Cette étape on l’a prise énormément au sérieux car il s’agit de l’album qu’on a le plus travaillé. Cet album est sorti en 2003, soit deux ans après le premier, et pendant ces deux ans, on avait la pression mais on l’a travaillé durement. C’est à dire qu’on l’a travaillé en amont, on a été plus dur dans le choix des prods, on a fait un pré-travail énorme avant d’aller en studio. On s’est pris la tête, on a certes perdu en spontanéité, mais comme quoi c’est la preuve que le travail paye et on était vraiment fiers de nous. ».

SNIPER, Gravé dans la roche (live)

L’album est notamment marqué par son morceau éponyme, est-ce que tu te souviens de sa conception ?

Justement c’était un élément déclencheur dans la création de l’album. Déjà, on savait que le titre de l’album serait « Gravé dans la roche » mais le morceau n’existait pas. Quand on a reçu la prod de ce morceau, il a sonné comme une évidence. On l’a fait en une après-midi, et on était tellement contents du morceau que ça nous a donné une énergie de fou pour la fin de l’album. Dans la conception de nos morceaux, on a toujours été dans l’échange pour donner le meilleur de nous.

Pour être honnête aujourd’hui, je suis tiraillé sur le morceau. À la fois c’est tellement stylé et je le souhaite à tous les artistes d’avoir un morceau comme celui-là qui te suite et qui reste dans le temps, c’est vraiment un Graal. On est hyper chanceux. Mais d’un autre côté, le temps passe et du coup bah je suis limite blasé de le faire. C’est seulement au moment où on le fait, et où je vois les gens nous donner autant de force et d’amour que je me dis qu’on a une chance énorme d’avoir un morceau comme celui-là. Un sentiment mitigé, quand on m’appelle pour le faire j’y vais en trainant la patte et puis après je suis trop content (rires). En plus de ça je suis hyper chagriné car il y a une super faute de français à l’intérieur ! («  Ce serait mentir si j’dirais que c’est pareil », ndlr) Je me dis que le morceau qui va nous suivre toute la vie, il y a une énorme faute de français dedans et j’en suis le coupable (rires). On a écouté le morceau mille fois en studio et personne ne s’en est rendu compte, c’est trop grave. Dis-toi que maintenant à chaque fois que je le fais en live, je dis toujours la phrase corrigée et je regarde bien les gens pour voir s’ils font la faute (rires).

Aujourd’hui, c’est l’album du groupe préféré du public, du moins qui a reçu toutes les louanges au point d’être devenu un classique, est-ce que c’est aussi ton projet préféré de Sniper ?

Oui, c’est clairement mon préféré pour plein de raisons notamment pour le travail qu’on a fourni, et même à cette époque on était soudés, concentrés, on était au maximum de notre alchimie. Et puis dans cet album, il y a certes Gravé dans la roche mais aussi Panam Hall Starz dont on nous parle encore.

PANAM HALL STARZ

D’ailleurs en parlant de Panam Hall Starz, raconte nous l’histoire de ce morceau et pourquoi décider de le structurer ainsi ? Comment vous avez choisi le casting ?

Quand on fait Panam Hall Starz, on se fait un kiff, on réalise un rêve. On était un groupe qui ne faisait quasiment pas de featurings. Dans notre premier album, il n’y avait pas d’invités et là on s’était dit qu’on se ferait un kiff. Chez Blacko on regardait souvent des clips de rap américain sur MTV ou sur des cassettes vidéos enregistrées. Et il y avait Ruff Ryders qui avait sorti WWIII et sur le morceau il y avait : un représentant de New York, un de la West Coast, un du Sud… Et à chaque fois qu’un mec allait rentrer, son beatmaker Swizz Beatz lançait le rappeur en mode « Tu t’appelles comment ? Tu viens d’où ? Tu représentes quoi ? » et nous on était choqué, alors on a voulu en faire un en Ile de France. La sélection a été très dure car on avait fait chacun notre liste (rires). Ça avait donné lieu à des débats interminables, du coup on a dû trancher et puis on a du faire aussi avec la disponibilité des gars. Tout le monde était partant, ça s’est fait sur deux jours, tout le monde est venu au studio et s’est croisé. C’était incroyable.

LA FIN D’UNE HISTOIRE

Par la suite, le groupe Sniper a évolué en dévoilant deux autres albums. Le premier en 2006 avec Trait pour trait et le second À toute épreuve en 2011. Pour l’histoire, après le succès de Gravé dans la roche, le groupe entame une phase compliquée. D’abord pour la tournée de l’album, qui devait être la tournée de leurs vies selon Aketo. Ils font les premières dates, notamment des Zéniths et se retrouvent pris pour cible par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, qui dépose plainte contre le morceau La France dans lequel ils poussent un coup de gueule contre le système, et Jeteur de pierres où le groupe prenait position dans le conflit israélo-palestinien. Suite à cette histoire, il y a pleins de villes en France qui ne veulent pas que Sniper viennent performer chez elles. Du coup au lieu d’aller de salles en salles, le groupe se retrouve à aller de tribunal en tribunal, et les tensions commencent à apparaître également au sein de Sniper : « À ce moment-là, on n’est plus aussi proches qu’avant, on est passé d’une adolescence soudée à devenir des adultes avec des fréquentations différentes et des goûts différents. Comme dans tout bon groupe d’amis, à des moments, il y a des besoins de mettre des distances et ça s’est fait naturellement ».

BRÛLE – Sniper

Seulement ces différences qui émergent font mal au groupe et l’album Trait pour trait en 2006 se fait dans la douleur comme nous le confie l’artiste : « On avait signé pour trois albums avec notre producteur donc c’est limite une obligation. Même si dans le fond on a envie de le faire, ça reste un album que l’on doit faire contractuellement. Néanmoins, je me rappelle qu’on avait loué une baraque à 2h de Paris pour se retrouver qu’entre nous pour réfléchir à l’album et écrire. Ça nous a ressoudé pour la création de l’album, mais le mal était fait. Même s’il y a pleins de morceaux que j’adore et qui ont été des réussites, ce n’est plus la même ambiance, c’est pour ça qu’il a été fait dans la douleur. D’un côté, il y a Blacko qui s’affirme sur les deux premiers albums, il est partagé entre le rap et le chant, et dans celui-là il rappe quasiment plus et prend son chemin reggae. De mon côté, j’ai mes goûts qui s’affirment et qui sont très différents des leurs. Autant ça enrichit le groupe musicalement, autant ça nous sépare. Surtout qu’on est chacun de nos côtés en train de travailler sur des solos. Avec du recul si on avait eu le choix pour cet album, soit on l’aurait fait beaucoup plus tard, soit on ne l’aurait pas fait, malgré le fait que sur le moment on était quand même contents de le faire et que ça soit un succès. ».

Suite à tout cela, la période compliquée ne s’achève pas pour autant pour le groupe. La tournée de l’album Trait pour trait se termine avec un Olympia et Blacko quitte Sniper. Pendant ce temps chacun bosse sur son projet. Néanmoins, Aketo et Tunisiano restent proches et continuent de faire de la musique. Un projet se forme entre les deux amis et la question de le sortir sous le nom de Sniper se pose : « On se pose la question car il en manque un, et du coup ce n’est plus vraiment Sniper. Réflexions sur réflexions, on s’est dit que Sniper c’était comme notre nom de famille, on ne pouvait pas le retirer ». À toute épreuve est donc devenu un album de Sniper malgré l’absence de Blacko : « C’était une décision super dure à prendre et même encore aujourd’hui, je ne sais pas quoi en penser de cette décision. Même pour le public, je comprends totalement que les gens aient eu du mal à comprendre car il manquait Blacko. On bottait souvent en touche d’ailleurs à cette époque de son absence dans le groupe, beaucoup nous posait la question. C’était dur et on ne voulait pas laver notre linge sale publiquement. On s’est protégé, on a assumé sa décision bien qu’en vérité, c’est lui qui nous a laissé. ».

UN ESPOIR DE RENAISSANCE

Après un accueil mitigé du public de cet album notamment par le manque d’un membre, le groupe fit silence pendant quelques années. L’eau coula sous les ponts mais Tunisiano et Aketo n’avait plus de nouvelles de Blacko, chacun avait pris sa route. Mais un jour, le rappeur revient. Lorsqu’Aketo est devenu papa d’un petit garçon, et reçoit un appel de Blacko pour le féliciter. Touché, les contacts reprennent. Tunisiano et Blacko se voient pour briser la glace et se tombent dans les bras comme nous le raconte Aketo. Et en 2016, pour les dix ans de Trait pour trait, les trois membres veulent célébrer leurs retrouvailles avec une date à Paris : « C’était une Cigale. On avait juste mis un statut Facebook et ça s’est sold-out en quelques heures. On se voyait comme un groupe fini et là on était choqué. ».

SNIPER sur OKLM

La Cigale chanta et Sniper interpréta ses meilleurs morceaux pour une soirée mythique jusqu’à ce qu’à la fin du concert Blacko annonce un nouvel album de Sniper : « On était tellement dans la joie et le plaisir de se retrouver qu’il annonce un nouvel album. À aucun moment on en avait parlé avant, il s’est chauffé tout seul pendant l’ovation (rires). Mais c’était pas du tout prévu au programme. ». Suite à cette date, le groupe reçoit énormément de messages des provinces alors ils ont décidé de partir en tournée. Cette dernière se termina alors par un Zénith de Paris. Le groupe revivait ce qui était disparu après l’album Gravé dans la roche. Alors l’envie collective de refaire un album revient naturellement et c’est comme ça que Personnalité suspecte vol.1 vit le jour.

« Si je pouvais refaire l’Histoire, cette tournée était très bien mais on aurait dû s’arrêter à ça. C’était mortel de faire cet album-là ensemble, j’en suis fier mais je pense qu’on avait besoin de vraiment passer à autre chose. C’est un peu égoïste dit comme ça, mais au final même si on fait une super tournée et que les retrouvailles étaient belles, l’album est incompris par le public car il ressemble pas au Sniper des années 2000, en même temps c’est normal, on est en 2018, on a évolué et il y a des nouvelles sonorités. Et puis, ça s’est de nouveau cassé entre nous et Blacko s’en est allé encore. C’était dur, toute cette fête-là, pour en arriver au même point ».

Aketo, par Gabriel Hardy

DANS L’OMBRE DU SUCCÈS DE SNIPER

Après l’album Trait pour trait, chacun des membres part en solo en quête de nouveaux objectifs. Aketo qui commençait à bosser sur son projet Cracheur 2 venin se retrouve alors dans un moment de vie compliqué et vit mal la première séparation du groupe : « J’étais K.O. Je n’avais jamais envisagé de faire de la musique tout seul. Pour moi, la musique n’avait de sens que si c’était avec des potes. Je me suis beaucoup remis en question. Puis j’ai trouvé la pirouette (rires), je voulais faire un projet où j’y invitais tous les rappeurs que j’aimais bien même ceux que je ne connaissais pas. Je me rappelle le premier que j’ai contacté, c’était Alkpote. C’était à l’époque de My Space, de Neochrome, d’Unité de feu. Je l’ai félicité car j’aimais beaucoup ce qui faisait et je l’ai invité au studio, et tout s’est enchainé : Seth Gueko, Sefyu… Toutes ces collaborations, c’était une façon pour moi d’éviter d’être seul, et c’était une méga récréation de rap. Mais quand ça sort, le public Sniper ne le comprend pas car c’est moins politisé que sur les projets Sniper. À l’époque on m’est tombé dessus, maintenant certaines personnes me parlent de cet album comme un super classique (rires). Comme quoi c’est marrant la vie. Mais j’ai bien fait de le faire car ça a brisé un truc, quand je suis en solo ça ne sera pas du Sniper. ». 

Qu’est-ce qui a été le plus dur pour toi lors de cette période où tu t’es retrouvé tout seul ?

Ce n’était pas forcément écrire tout seul, mais c’était simplement de vivre tout seul. Ce n’est plus Sniper, c’est ton nom en premier. Tu as tout sur tes épaules. Franchement j’avais la trouille, mais Cracheur 2 venin m’a donné de la confiance pour enchainer sur un album solo. Je commence à enregistrer, et je me souviens c’était une période où je trainais beaucoup avec les gars de la Sexion d’Assaut. Ils étaient souvent là pendant l’enregistrement de l’album donc il y avait des morceaux avec eux. C’est une période où je traine beaucoup aussi avec Haroun de la Scred. Sauf que derrière, une nouvelle déception. Le label avec lequel j’aillais sortir mon album doit mettre la clef sous la porte, et donc ça annule sa sortie alors qu’il était quasiment fini. La raison pour laquelle le label met la clef sous la porte, c’est qu’à la fin du troisième album, notre producteur négocie un quatrième avec la maison de disque. Seulement Blacko de son côté, annonce à la maison de disque qu’il n’y aura pas de quatrième album, alors ils ont tout annulé et le label a mis la clef sous la porte. Et là je me demandais vraiment ce que j’allais faire de ma vie après cette nouvelle désillusion.

CRACHEUR 2 VENIN – Aketo & Alkpote

Les premiers temps ont été compliqué pour le rappeur, au moment de l’annulation de la sortie de son album, sa vie change complètement et il se retrouve dans l’ombre alors que cet album aurait pu lui permettre une exposition solo importante étant donné que c’était au moment du phénomène de la Sexion d’Assaut : « Je savais qu’ils allaient tout casser, ils étaient tellement talentueux. Sauf que là, je me retrouve seul à me dire que c’est sûrement un signe du destin. ».

Aketo par Gabriel Hardy

Face au mur et dans l’ombre de son propre succès, Aketo a pensé à arrêter. Seulement, il a été épaulé par Haroun, rappeur de la Scred connexion : « J’ai été recueilli à ce moment-là. Haroun ne m’a pas lâché. Il m’a accompagné pendant longtemps, on a fait des morceaux, on a travaillé. Pendant presque dix ans je n’ai rien sorti, j’étais dans la salle du temps. Ce que ma musique est devenue aujourd’hui, c’est en partie grâce à Haroun. ».

LE RETOUR D’AKETO

Depuis maintenant quelques temps, tu sors des EP, quels sont tes nouveaux objectifs surtout auprès d’un public qui est prêt à recevoir ta musique en tant que Aketo et non en tant qu’Aketo de Sniper ?

Le vrai déclenchement, qui a été salvateur pour plein de gens, c’est le confinement. Ça faisait trop longtemps que j’enregistrais des morceaux et je ne savais pas trop quoi en faire, même parfois je me projetais sur des sorties vu que j’étais en indépendant mais je ne le faisais pas notamment car je devais les mix, faire les pochettes, les clips… Mais ça coûtait trop cher et je ne voulais pas me mettre dans la merde financièrement aussi. C’est devenu un sport de riche (rires). Je fais de la musique, je ne vais pas me mettre à découvert pour sortir des projets, il n’y aucun intérêts (rires). Sauf que ça me rendait malheureux, je faisais des morceaux que je ne sortais pas, c’était comme un poids dans le ventre. Et le confinement m’a réveillé.

AKETO, KARTIER

Pendant le confinement, Aketo enregistre énormément de morceaux. Et pour tuer le temps, il faisait des lives sur Instagram le soir où il s’improvisait DJ. Il repense à Panam Hall Starz et se dit qu’il ferait bien une nouvelle version, avec un couplet inédit et Tunisiano fait de même. Ils le postent et laissent l’instrumentale en téléchargement pour que les gens qui voulaient le faire. « Quand je fais cette idée-là, je me dis que c’est pour les rappeurs amateurs qui voulaient se faire plaisir, et moi après je regarderais les publications avec le hashtag. Le lendemain je me réveille et limite toute la terre l’a fait même des rappeurs connus genre Gims, Sadek etc… Ça a donné une sorte de passe-temps et d’aventure aux gens pendant cette période ».

Ce regain d’énergie t’a fait donc concrétiser ta volonté de sortir des nouveaux projets ?

Totalement. Je m’étais dit qu’une fois le confinement terminé je sortirai un EP. J’ai fait ça comme un artisan, j’ai appelé un poto à gauche pour m’aider à sortir sur les plateformes, un poto à droite pour faire une pochette. J’étais devenu un petit bricoleur face aux obstacles que je me mettais avant. Enfin une sortie après tout ce temps, j’étais fier même si ça fait des scores faibles au final, moi j’étais content et libéré, et surtout c’est que j’ai que des bons retours et certains en parlent. Maintenant je ne lâche plus, je ne veux plus garder ça pour moi.

AKETO, TÉLÉTRAVAIL

Là on se voit pour ton nouveau projet, Zone bleue, même si la couleur définit bien l’ambiance du projet, pourquoi choisir le titre de Zone bleue ?

À la base j’avais pensé à différents titres, mais rien de concret. Et un jour je discutais de voyage avec un pote et il me dit « Dans le monde y’a des endroits qu’on appelle les zones bleues, ce sont des zones où les gens vieillissent mieux ». Ça me percute et ça me reste dans ma tête. Je rentre chez moi, je tape « Zone bleue » sur Google, et le premier truc que je vois c’est le terme de « Longévité », et là j’étais persuadé que ça allait devenir le titre du projet.

Quand on écoute ton projet, on se rend compte qu’il est plus mélancolique, pourquoi avoir choisi seulement maintenant de mettre plus en avant tes émotions ?

Des morceaux dans cet ADN-là, cela faisait super longtemps que j’en faisais, mais j’avais pas envie de les mettre par exemple dans Confiserie ou Mr. Bourbier, ça n’entrait pas dans l’esprit de ces projets, donc j’ai préféré les garder pour un projet plus ambitieux. Là, c’était le bon moment pour se livrer un peu plus. Tout le mal qu’il y a eu avant, c’était un mal pour un bien car c’est maintenant que j’ai assez de recul et que je suis assez mature pour me livrer. Si pendant cette période, j’avais sorti des morceaux aussi personnels, je les aurai regretté car j’aurai été maladroit. J’ai fait des morceaux, heureusement qu’ils ne sont jamais sortis car c’était à chaud et ce n’était pas bon musicalement.

Aketo par Gabriel Hardy

À un moment tu dis « J’ai pas envie d’être triste, même pas envie d’être riche » (Besoin), de quoi Aketo a envie ?

J’ai envie d’heureux, je veux être un homme heureux comme William Sheller (rires). Je ne veux pas jouer le poète de bas étages, mais je le dis dans le sens qu’être riche ne fait pas le bonheur. C’est une chanson de rupture. « J’ai pas envie d’être triste » dans le sens que je n’ai pas envie qu’on soit séparé, et même être riche ne me rendra pas heureux car tu n’es plus là, c’est dans ce sens-là. Je veux juste être heureux (rires).

RÉGAL feat. Limsa d’Aulnay

Dans ce nouveau projet, tu as invité Infinit’, Limsa et So La Lune, pourquoi les avoir convié eux plutôt que d’autres ?

La première raison c’est qu’ils sont super forts (rires). Je suis fan de leurs musiques. Infinit’ c’est celui que je connais le mieux des trois. Je le connais depuis le début des années 2010, il m’avait invité à l’époque sur son projet Ma vie est un film et par la suite on a refait de la musique ensemble. On est des camarades de micro. Pour So La Lune, je suis très pote avec son manager Alexis et moi, j’ai vu ses premières maquettes et c’était déjà trop chaud. Il a un timbre de voix unique, ce qu’il raconte et l’émotion que sa musique dégage, ça m’a sincèrement touché. Il m’a fait le même effet que PNL en terme d’impact. Et Limsa (rires). Limsa va devenir le rappeur préféré du peuple, tout est drôle avec lui. Notre rencontre est drôle. On a plein de potes en commun, Georgio, la 75e session et tout, et Limsa fait partie de cette équipe-là. Je voyais son nom passé mais je n’ai jamais calculé ce qu’il faisait. En fait (rires) je lui ai raconté, mais je ne le calculais pas car je voyais le combo : un nom de rebeu + une ville du 93, dans ma tête ça me donnait pas du tout envie de cliquer. Sauf qu’un jour, Georgio il a insisté pour que j’écoute et je me suis retrouvé dans le train à lancé Logique part.2, et là j’ai pris une claque. J’ai regretté d’être passé à côté de ça ! Tellement je me suis senti con, j’ai fini d’écouter ses projets et je lui ai envoyé un message direct sur insta pour le féliciter et je l’ai invité en studio. Pas longtemps après, il est passé, on a bavardé et on s’est fait écouter des morceaux. On s’est revu par la suite plusieurs fois dans la joie et la bonne humeur. J’ai commencé ce morceau tout seul, et en le réécoutant je me dis que Limsa serait parfait dessus, et je lui ai proposé et il a posé sur le morceau.

À la fin du morceau avec So La Lune, il y a un extrait de Babi de 13 Block, quelles sont tes dernière claques musicales ?

Je suis un fanatique de 13 Block mais attend je vais regarder les derniers titres likés sur Spotify, je triche. Alors j’ai bien aimé certains titres de Jul du dernier album. J’aime beaucoup Baby Gang, c’est un rappeur italien (…) Robdbloc aussi (…) H Jeune Crack, Bekar (…) Kekra, j’adore Kekra. Et franchement mon dernier coup de cœur, celui que j’ai poncé au point qu’il soit dans mon récap’ Spotify c’est Gambino. Ça peut paraître surprenant, Jul et Gambino certes on peut dire que lyricalement il y a des maladresses, mais la sincérité qui se dégage, ça me touche. Il suffit pas d’être un super écrivain, il suffit de faire de la musique qui touche.