Depuis 2020, un écho musical résonne depuis les deux tours de Porte de la Chapelle, dans le 18^ème arrondissement parisien. Il se nomme Slkrack. Connu pour être un drilleur hors-pair, l’artiste parisien dévoile néanmoins une palette artiste de plus en plus large au fil des projets, et avec le projet Juan Coca, Slkrack nous fait entrer progressivement dans sa vie et nous fait ressentir ses émotions.

Depuis 2020 tu es sur le devant de la scène, à quel moment tu as commencé la musique ?

J’ai commencé à rapper juste avant d’aller au lycée avec des potes du quartier. Au début, j’avais un binôme  et c’est avec lui que j’ai découvert le studio et que j’ai commencé à poser professionnellement parlant. Mes premières rimes étaient un peu lourdes (il nous les rappe, ndlr), mais à l’époque on trouvait ça pas mal (rires).

C’était quoi la vie de Slkrack avant de rapper ?

Tu veux dire avant de mettre des baffes ? (rires) J’ai vécu à Londres pendant 4-5 ans, une petite vie de british, je buvais mon petit thé (rires). Je ne rappais pas du tout par contre même si là-bas y’avait déjà le mouvement drill qui était bien installé. Je regardais ce qu’il se faisait à Paris aussi, mais c’est la scène UK qui m’a le plus inspiré.

Nous sommes à Porte de La Chapelle, c’est là que tu as grandi et que tu vis aujourd’hui, parle nous de ce quartier ?

Comme je l’ai dit dans Opensea : «Nous ? C’est là où tu vois des migrants qui te font coucou à la fenêtre ». Ici, il y a beaucoup de mélanges, comme dans beaucoup de quartiers de Paname en vrai. Quand on pense à Porte de La Chapelle, les gens pensent : migrants, drogues, cracks, mais moi j’y vois un quartier de talents. Il y a  des mannequins, des rappeurs, des entrepreneurs, des créateurs de marques, des sportifs, c’est au-delà de l’image que les médias font passer. Cette image sale et bordélique, c’est plus que ça.

Dans tous mes sons, je suis obligé de placer un petit « 18 », car c’est là que j’ai commencé à rapper et que j’ai fait mes premières conneries. Je suis né ici, je suis allé à l’école ici, c’est tout pour moi.

Est-ce qu’il y a un endroit que tu préfères ici ?

Je pense à notre centre de quartier, l’Agora. Ils l’ont cassé, on en a plus. Quand je passe devant, je suis nostalgique. Sinon, il y a un endroit qui n’est pas encore là et je le kiffe déjà. Ils sont en train de faire des travaux, ils vont faire une énorme salle pour les Jeux Olympiques, ça va bien se passer là-bas (rires). J’aime beaucoup aussi les nouveaux aménagements et les nouveaux immeubles qui ont été fait, ça rend plus propre le quartier.

Avec des morceaux comme Flexin’ ou Tué par un flic, comment tu as vécu ton début d’exposition ?

En vrai ça me fait plaisir. C’est toujours agréable quand des gens reconnaissent ce que tu fais et te donnent énormément de force. Après je reste un mec dans mon coin, un peu discret, je me prends pas la tête. Je suis sale dans les sons mais je reste quelqu’un de simple.

Beaucoup t’ont découvert avec de la drill, qu’est-ce que tu penses de la drill en France maintenant qu’elle est omniprésente ?

En France, c’est lourd ce qu’il se fait ! Il y a beaucoup d’artistes qui en font. Après le fait qu’il y ait pleins d’artistes qui s’y essayent j’y vois pas de problèmes, c’est un courant, si tu kiffes c’est normal que tu t’y essayes. C’est comme si tout le monde achète la dernière paire, toi aussi tu veux cette paire et voir ce qu’elle donne sur toi. J’aime bien ce qu’il se passe, bien que ça soit moi le plus chaud (rires). J’arrive à me choquer moi-même.

Les gens peuvent te juger uniquement à la drill car c’est les morceaux qui ont le plus marché, mais qu’est ce tu écoutes réellement au quotidien ?

Quotidiennement j’écoute beaucoup de sons afros. J’écoute du rap aussi mais c’est vrai que j’en écoute pas énormément, j’écoute surtout des morceaux afro et aussi des morceaux camerounais.

Doums a été très important pour toi, comment naît la connexion entre vous ?

La connexion s’est faite naturellement, je suis du 18^e arrondissement et lui il est du 9e. On est juste à côté, donc on avait beaucoup de gens en commun. On se connaissait sans se connaître, moi j’écoutais un peu ce qu’il faisait avec ses différents groupes. Mais c’est par l’intermédiaire d’Hache-P qu’on s’est connecté. Depuis il me donne énormément de force, surtout sur les réseaux. Mes premiers clips étaient sur sa chaîne, il me met vraiment en avant. Je faisais de la musique et je lui demandais son avis, et maintenant je suis signé chez lui, c’est mon producteur (rires). Zehma Doums t’es un producteur (rires).

En dehors de la musique c’est un vrai frère pour moi. Il me donne un tas de conseils, le meilleur qu’il m’ait donné c’est de rapper. En 2020, je rappais plus, et reprendre le rap c’est le meilleur conseil qu’il m’ait donné. Si je devais le décrire en un mot, je te dirai « amour ». Il est gentil de fou, il veut que donner, c’est mon frère.

Quel est ton Pilote préféré de Doums ?

Pour moi c’est le troisième, y’a pas photos ! Après j’étais là quand il a enregistré, peut-être que ça y joue aussi, mais le 3 il est vraiment très fort. Il rappe bien ce petit con (rires). C’est moi qui ait créé la connexion avec Nekfeu dessus, dites-moi merci (rires). Ce projet, c’est celui que j’ai le plus écouté de Doums. En plus, il l’a envoyé en surprise !

Raconte-moi une anecdote particulière avec lui ?

Il y a tellement d’anecdotes (rires). L’année dernière quand j’ai sorti SL500, au départ il ne devait pas être sur mon projet. On était tous au studio et on a fait un son comme ça, qui a fini par se retrouver sur le projet. Mais à la fin du morceau, il fait une commande au téléphone et c’était une vraie commande (rires). Tellement il est fou, il commandait pour de vrai pendant qu’il était en train d’enregistrer, et comme ça passait bien, on l’a gardé dans le morceau.

Tous les morceaux que tu fais sont différents, est-ce c’est pour voir si le public est réceptif à certains plus qu’à d’autres ou c’est un plaisir purement personnel ? 

Je ne suis pas dans le calcul. Quand j’ai fait SL500, j’étais vraiment dans un délire de drill car il y en avait beaucoup à ce moment et que j’avais envie de faire de l’égotrip et de mettre des tartes (rires). Pour Merci, c’était vraiment pour remercier de l’amour et du soutien qu’on me donne, avec un côté plus estival, en voulant lever le pied sur la drill. Je voulais proposer quelque chose de différent avec un petit cadeau. Et sur Juan Coca, on les emmène encore autre part.

Raconte nous l’histoire de la cover, qui fait un clin d’œil à celles de Kanye West avec le nounours ?

Pour l’histoire de la cover, au départ je voulais une photo de moi. Mais la Big D.A (son manager, ndlr) voit loin et m’a fait comprendre que ce n’était pas ce qu’il fallait faire. Au final, le nounours c’est moi, c’est Slkrack, dit Juan Coca, avec les deux tours de Porte de La Chapelle. L’idée était de montrer que Porte de La Chapelle a aussi ce côté plus tendre. En écoutant le projet, le public va vraiment comprendre la pochette.

Dans le projet, on a un fil rouge qui tourne autour de la trahison, du doute et de la déception, c’est des thèmes qui t’ont inspiré ?   

Franchement c’est un mélange du passé, du moment où il y’a eu la sortie de SL500 jusqu’à 2021, et du présent. C’est plus que de l’inspiration, c’est ma vie. J’ai été déçu, j’ai été trahi, c’est ce qui se passe et ce qui s’est passé. J’aurai pu en parler avant, mais j’étais pas dans ce délire. Avec Juan Coca, c’était le moment de parler aux gens. Cela ne servait à rien de refaire un SL500. C’était le moment d’aborder des thèmes qui s’attendent pas forcément à entendre de ma part, mais qui peuvent leur parler. C’est des morceaux que j’ai toujours fait.

Tu as ramené trois invités : Tedax Max, So La Lune et Bayass, comment se sont fait des collaborations ?

On était dans un mood où on voulait faire des feats. So la Lune, j’aime beaucoup ce qu’il propose et je voulais faire un bête de titre avec lui. Tedax Max c’est à cause de Twitter (rires). On n’arrêtait pas de me dire de faire un feat avec lui ! Je ne connaissais pas et en allant écouter j’ai grave kiffé. Et Bayass, c’est un mec de mon équipe, je suis tous les jours avec lui, c’était le moment de l’inviter.

Avec quels artistes tu aimerais collaborer ?

J’aimerai beaucoup faire quelque chose avec Tems (Temilade Openiyi, ndlr), c’est une artiste nigériane. C’est exquis, je l’écoute souvent et on pourrait faire un bête de morceau.

Quels sont tes futurs objectifs ? Un album ?

Sur le plan personnel, il me faut toujours un appart et pas une Patek (rires). Et pour l’album, je pense que le terme « album » se joue beaucoup au niveau de la communication. Tout ce que je sors c’est un « projet ». Pour certains personnes, SL500 est un album. Pour les gens il n’y a plus de différences, c’est des projets. Après ce qu’il fait la différence aussi, c’est comment tu le conçois. Si je rajoute 5/6 sons à Juan Coca qui restent dans le thème et l’univers, il pourrait être un album, ce n’est pas une compilation de sons. Et le terme « album », pour moi, c’est du physique aussi, j’en ai pas encore fait encore. Mais laissez-moi le temps et la santé, car on ne lâche pas, on va le faire.