Qu’est-ce qui en 2020 s’est développé en France, a connu des variantes et a contaminé l’ensemble de la population ? On ne parle pas de la Covid-19, mais bel et bien de la drill. Aussi obscure que dansante, la popularité de la drill explose en France depuis maintenant deux ans. Il est l’heure de mettre des couronnes sur des têtes, à défaut de vouloir en faire tomber comme les paroles du genre pourrait l’expliciter. 

COMPRENDRE LA DRILL

Depuis le Gangsta Rap, cela faisait des années qu’on n’avait pas eu un genre aussi provocant, puissant et violent. Si le genre semble provenir de Chiacgo, une ville bien connue pour ses problèmes au point qu’elle inspira Gotham City, la ville de Batman, la drill a fini par se répandre comme une épidémie à travers les États-Unis, puis Londres et enfin la France. 

Le genre se distingue par le style de la prod : une obscurité proche de l’Étoile Noire dans Star Wars, des paroles violentes et crues, un rythme irrégulier jusqu’à frôler les 140 BPM, le tout dans des clips sombres avec soit avec un rappeur entouré de son équipe , ou d’armes, soit en compagnie de femmes choisies pour leur corps. Pop Smoke, Central Cee, Chief Keef, Headie One, Fredo Santana, Lil Durk… tant de noms qui représentent la drill hors de l’hexagone. Mais qui sont nos représentants en France ? 

LES NOUVEAUX VISAGES DE LA DRILL

Ziak. Originaire d’Evry dans l’Essonne, Ziak fait partie des figures majeures de la drill française. Beaucoup de rumeurs courent à son sujet, mais n’oublions pas que le rap et la drill sont de l’art et souvent du cinéma, donc Ziak est à prendre comme un personnage plutôt que de vouloir lui chercher une légitimité. Si son succès est récent, l’artiste apporte une vraie pierre à l’édifice avec un flow propre qui donne cette impression d’être hors temps et une voix très grave et très caricaturale. Néanmoins ce qui fait surtout son succès, c’est son personnage avec son bandana noir, sa grosse doudoune noire et les couteaux suspendus dans ses clips.  

Gazo. Comme expliqué dans notre article consacré à l’artiste d’origine guinéenne, Gazo anciennement Bramsou a su voir l’obscurité se dessiner et laissa la trap pour la drill avec une série de freestyles DRILL FR. Le quatrième opus en compagnie de Freeze Corleone a été un énorme tournant dans l’impact de la drill en France. Si les succès s’enchaînent, Gazo a su s’imposer comme un prince de la drill et comme une rockstar ou un Daddy Chocolat auprès de ses dames.

1PLIKÉ140. Rappeur français de Clamart à l’instar de PLK et de SDM, 1PLIKÉ140 est devenu en très peu de temps, un visage incontournable de la drill FR. L’artiste dont le nom de scène mélange le mot « impliqué » et le code postal de Clarmat (92140, ndlr) est surtout reconnaissable par sa voix et cette nonchalance. L’une des villes du Grand Paris regorge également un phénomène de la drill. 

Lyonzon et le 667. Deux collectifs proches. Si l’un vient de la région Rhône-Alpes et principalement de Lyon, l’autre est implanté dans Paris et sa banlieue. Pourtant, ils sont aujourd’hui les deux collectifs les plus influents dans le genre. Freeze Corleone, Zuukou Mayzie, Norsacce, Osirus Jack du côté de Paris, pour ne citer qu’eux, et Ashe 22, Jolly et La F (qui n’est pas un membre officiel de Lyonzon mais reste proche du collectif, ndlr), rien qu’à eux, ils ont surement modeler le visage de la drill avec doudoune, masques et technicités collectives. 

Django. Surnommé le caméléon du rap par ses inspirations variées depuis des années, Django a su retrouvé l’espoir et la lumière dans la drill comme il l’a confié au micro de Mehdi Maizi dans l’émission Le Code. Si cela ressemble à un véritable oxymore de trouver la lumière dans un univers aussi sombre. Le genre correspond au personnage autodestructeur de Django qui vient mêler textes sombres d’écorché vif à la puissance de la drill. 

Comme toutes nouveautés dans le rap, il y a également de la place pour l’arrivée de nouvelles têtes polyvalentes dans la musique et en qui le public et les médias commencent à y mettre de l’espoir. Nous vous invitons à les découvrir si la drill vous parle : Pirate, Gotti Maras, MIG, Fresh laDouille, Menace Santana ou encore Negrito. 

AJOUTER UNE CORDE À SON ARC, OU PAS 

Si la Drill a créé une brèche musicale dans laquelle beaucoup de nouveaux artistes sont apparus, elle a également créée une brèche artistique qui permet à des artistes d’augmenter leurs palettes musicales. Prenons l’exemple de Freeze Corleone. Avant l’arrivée de la drill en France, l’artiste avait déjà son public. Seulement avec la drill et son freestyle sur la prod de Welcome to the party de Pop Smoke, le rappeur a connu une véritable ascension sur l’impulsion de la drill et du retour des ténèbres dans la musique. Freeze Corleone n’est qu’un exemple car il a vraiment su jumeler les deux pour arriver en haut. D’autres artistes déjà installés comme Hamza, Niska ou Lacrim en ont profité aussi pour développer leurs palettes jusqu’à incorporer la drill dans plusieurs morceaux de leurs projets, voire des projets complets pour Hamza. 

Après comme tout phénomène nouveau, il y a le risque d’en faire et chacun décide de le faire à sa manière. Certains ne s’y risquent pas, d’autres choisissent d’en faire qu’une seule fois en solo, histoire de montrer qu’ils savent en faire ou encore certains décident d’amener les drilleurs français comme Gazo ou encore Freeze Corleone pour justifier le fait d’en faire. Comme évoqué, il y a le risque d’en faire et de ne pas avoir les retombées que l’on souhaite, Dinos, Vald ou encore Ninho, bien qu’agréables à l’écoute, leurs « sorties drill » n’ont pas su faire l’unanimité. 

Si on a cru que le mouvement allait avoir du mal à se renouveler dû à la similarité du rythme, finalement il arrive à trouver de l’énergie et des recettes nouvelles. Seulement, nous sommes peut-être face à un début de fin. Même si on change la recette d’un gâteau au chocolat, cela reste du gâteau au chocolat, et c’est ce qu’il se passe avec la drill. Après deux ans d’implantation et de circulation en France, la question se pose une nouvelle fois face à sa possible évolution, affaire à suivre…