(Le freestyle « FDP », l’album « Tout Va », sa nouvelle vie, Poissy, Vïrus, la pop culture…)

« Moi ce que je voulais faire, c’était faire ce que j’ai toujours voulu faire, et j’ai fini par le faire sans y faire gaffe », est-ce qu’il y’a deux ans, tu t’imaginais faire une interview pour ta musique ?

Absolument pas, je ne m’imaginais pas faire une interview, même je ne m’imaginais pas faire un son « officiel ». Dans le sens, qu’il sorte par les canaux traditionnels et que les gens m’écoutent. Pas du tout du tout !

..Et puis là on se retrouve dans ta ville, à Poissy…

Pour faire une interview, à la gare ! Extraordinaire ! (rires)

Shooting par Nathan Samuel pour 16 Mesures

Ton explosion est très récente, elle est intervenue notamment à travers le freestyle FDP qui a eu un effet boule de neige sur les réseaux sociaux, qu’est-ce qu’il s’est passé ?

L’histoire est assez marrante car à la base, je n’avais aucun réseaux sociaux ! Puis, madame (sa copine, ndlr) m’a fait Instagram en m’expliquant que je pourrai faire des freestyles pour que mes potes qui sont partis de Poissy, puissent toujours voir les freestyles que je fais. Je pensais qu’en plus, avec la masse de mecs qui se bagarrent pour percer, que moi j’étais à l’abri ! Je ne pensais pas que ça allait faire marrer autant de gens, c’est mortel !

Freestyle FDP

Avec ce freestyle, est-ce que tu as eu l’impression que le public t’a pris pour une blague malgré une belle démonstration technique ?  

Certains ont aimé ce que j’ai fait, c’est sûr ! Mais la grande majorité des gens l’ont pris pour une blague, ce qui est normal! Personnellement ce qui m’a fait peur, c’est qu’on me prenne pour une blague.

La vraie question qu’on se pose, qui est ce fameux FDP ?

C’était un client au magasin qui m’avait traité de fils de p***, donc moi je me suis trituré la tête en me disant : « mais non c’est toi le plus grand fils de p… », et les premières lignes sont venues comme ça. J’ai fait le freestyle au quartier, ils étaient morts de rire ! Et on m’a demandé de le continuer ! Alors je me suis dit que j’irai le plus loin possible avec tous les mots que je pouvais trouver, et le deuxième couplet est né !

Shooting par Nathan Samuel pour 16 Mesures

Beaucoup t’ont découvert à partir de ce moment-là, il y a eu des partages en masse même de gros artistes, comment tu as vécu ce changement et cet engouement ?

Sur le moment, j’étais en panique totale. J’étais en train de devenir un des genres d’épiphénomènes dans le rap français dont je ne suis pas spécialement fan… J’avais également pleins de retours de pleins mecs grave exposés, ça me faisait bizarre. Je ne savais pas si c’était bien ou mauvais. Je voulais même supprimer mon Instagram car pour moi ça allait trop loin, au point que pendant un mois je n’ai rien posté alors que je postais quotidiennement ! Je ne voulais pas que ma vie change ! Après quand il y a eu des mecs comme Vîrus, La Bastard, Kacem Wapalek, qui m’ont validé, ça allait mieux car c’est des artistes que j’écoute tous les jours !

Tout ce qui va au-delà de la musique me dépasse totalement, je veux juste faire des bons sons. À chaque fois qu’on post des vidéos, je ne regarde pas les chiffres. Je regarde que les commentaires car c’est que du positif. Moi faut juste me dire « c’est bien », au-delà ça ne m’intéresse pas.

D’autant plus que les chiffres et l’obsession des chiffres ça devient un vrai poison pour la musique…

La tristesse de l’obsession des chiffres, c’est que les gens parlent beaucoup plus de ça que du contenu en lui-même. Quand t’es vraiment fan d’un mec, l’important c’est d’avoir son projet ! Pour ma part, le dernier album d’ATK, je me suis pris une vraie claque. Mais, c’est pas qu’il n’est pas marché qui m’embête, mais c’est le fait qu’on n’en parle pas du tout et qu’on arrive plus à confronter nos ressentis… A l’époque, il y avait beaucoup d’albums qui sortaient aussi mais on les ponçait beaucoup plus qu’aujourd’hui.

Shooting par Nathan Samuel pour 16 Mesures

Tu as fait énormément de freestyles, d’ailleurs certains sont dans l’album comme Folie, Pas Humain, FDP entre autre, et on sent que tu te prends vraiment la tête dans l’écriture, qu’est ce qui te plait dans cet exercice ?

Au début quand je commençais à écrire, je m’étais dit qu’il ne fallait pas que je mette deux fois le même mot dans un texte parce que la langue française est suffisamment riche pour éviter les répétitions. Et puis, c’est un morceau avec un comique de répétition qui me fait connaître. (rires) Certains freestyles ou textes que j’écris, je les assemble pour en faire des morceaux, je reste très instantané et dans une démarche récréative où je fais des puzzles de textes.

Aujourd’hui, je pose moins de freestyles qu’avant, non pas que je n’aime plus ça car j’écris toujours autant sauf que maintenant, ils peuvent devenir de potentiels morceaux, je ne veux pas tout spoil, donc je les mets sur le côté en attendant.

Freestyle Bégaiement / Folie

Quand on prend un de recul sur ta musique, tu as un flow très rapide, des textes très riches, est-ce que pour toi c’est important de savoir bien rimer, être bon techniquement et être rapide sans pour autant entrer dans cette case de « rapper vite ça veut pas dire rapper bien » ?

Cette phrase elle est grave vraie, mais c’est pas non plus parce que tu rappes lentement que tu rappes bien (rires). Honnêtement pour moi c’est la prod qui joue tout, et faut savoir s’adapter pour bien poser dessus. Je garde cette âme de freestyleur, donc le flow rapide est assez naturel. L’avantage que j’ai avec cette école, c’est que je peux rapper sur ce que je veux. A l’époque, mes potes me faisaient rapper sur des musiques de pubs, de jeux-vidéos, par exemple j’ai un texte sur FFXV (Final Fantasy XV, ndlr). Ça n’a pas de sens ! (rires).

On a beaucoup parlé de rap et de technique, aujourd’hui tu te sens proche de quels artistes musicalement ?

C’est difficile de dire car y’en a beaucoup que je connais pas ou peu. Pour moi, ça serait surtout au niveau de l’affect, j’écoute encore beaucoup de sons à l’ancienne et j’écoute aussi des mecs de maintenant par exemple Veust, Vîrus, Kacem, Zek… Y’en a beaucoup !

Anti-Social – Daddy Mory / Davodka / Deadi / Swift Guad / Original Tonio / Cenza / Souffrance

Justement tu as ramené Vïrus et Kacem Walpalek sur ton album, tu as fait un morceau avec Daddy Mory, Swift Guad, Davodka et d’autres qui arrivent, tu es présent sur le quatrième opus de la Boulangerie Française de DJ Weedim. Comment vois-tu toutes ses collaborations ?

Je suis comme un fou ! Déjà Daddy Mory, c’est notre ancien, notamment avec son groupe Raggasonic ! En un an, il m’est arrivé de ces trucs ! D’échanger avec des mecs comme Weedim, Pone de la Fonky Family, DJ Pone, Driver, c’est fou ! Vîrus et Kacem, c’est des supers artistes avec qui je me suis très bien entendu quand on s’est rencontré, c’est pour ça que je voulais qu’ils soient sur l’album.

Tu étais dans quels états d’esprits lors de la composition de tous les featurings et notamment ceux présents sur l’album ?

C’est des vrais souvenirs, plus tard je me rappellerai de ces moment-là. Je suis vraiment dans cette idée de partager de bons moments. J’avais peur de me retrouver à faire des trucs que moi-même j’écoute pas, je l’aurais trop mal vécu. Finalement tous les artistes de mon lecteur mp3, et oui j’ai encore un lecteur mp3 (rires), ils aiment bien ce que je fais !

Qui est Fucked Up ? DJ Weedim & Deadi

Je suis toujours dans l’instant présent. C’est pour ça que pendant 15 ans je n’ai rien sorti. Je n’arrivais pas à me projeter, mais maintenant cela va beaucoup mieux car je suis accompagné. Là, je suis tellement heureux de sortir un album ! Mais si demain je me retrouve à rapper en bas de ma tour comme avant, j’aurais toujours le même sourire ! Je suis content de pouvoir partager ma musique avec plein de monde, mais je reste avant tout moi-même.

Donc tu n’as pas cette peur que tout s’arrête ?

Clairement pas, après tout ce que j’ai vécu. J’avais déjà plus peur que tout s’arrête quand je suis sorti du New Morning (premier concert en première partie de La Bastard, ndlr). J’étais sur scène, on m’a félicité, tout le monde était content, j’étais trop heureux !

Shooting par Nathan Samuel pour 16 Mesures

Les aléas d’interviewer en pleine rue, c’est qu’en pleine interview, un ancien mec de son quartier surnommé « Shrek » ou « Keush » vient parler avec nous et en partant déclare « Si y’en a un qui mérite ici c’est lui ! ».

Ça vient d’où ce fameux gimmick « Wow kekekesquisspass » ?

À la base quand je commençais un freestyle, je disais ça pour prendre le rythme du morceau pour voir comment j’allais poser. C’est quand j’ai rencontré Vîrus que j’ai compris que ça en était devenu un pour ceux qui m’écoutent.

Quant à Deadi ? D’ailleurs comment doit-on vraiment le prononcer ?

Moi je dis « Didi » parce qu’au quartier et dans mon entourage, personne ne m’appelle Dylan, tout le monde m’appelle Didi. Mais c’est vrai que beaucoup prononcent « Dèdi », mais cela me va totalement aussi. Mais j’avais gardé aussi Deadi en référence à Night of the Living Dead que j’adore.

Shooting par Nathan Samuel pour 16 Mesures

On va entrer dans le vif de l’album, car dedans on y retrouve des freestyles qui ont vraiment bien marchés, les fameux singles en attendant l’album avec Banzaï, Le voisin du 4e, Comme si, comment vois-tu ton album ?

Les freestyles, c’était symbolique surtout FDP. D’autant plus que je voulais qu’il sonne encore plus propre et avec des rajouts de textes tout en gardant le freestyle de base. Puis le format album m’a aussi obligé à faire des morceaux à thèmes comme Le voisin du 4e et RER D’.

Après, moi j’adore Zelda, qui est le dernier morceau qu’on ait fait et dans ce morceau je voulais que les mecs de mon quartier qui attendent cet album depuis des années, se disent « Ah ça c’est pour nous ! ».

Shooting par Nathan Samuel pour 16 Mesures

Tout va, il est pour le quartier, pour ceux qui me suivent, ceux qui ont participé à la cagnotte. AU départ je voulais faire un EP dans lequel j’aurai mis 3-4 titres avec FDP car les gens me le réclamaient. Sauf que mes amis ont fait une cagnotte. Je n’étais pas très chaud, je ne voulais embêter personne. Au final ça m’a tellement aidé et ça m’a motivé à faire plus qu’un EP. Après j’ai toujours dit que si un jour je faisais un projet, j’allais faire 13 titres en référence aux 13 étages de ma tour, du coup on a fait un album.  

« Je suis un clown mais un clown pas aussi gentil que Ça » – Banzaï

Dans l’album, y’a un champ lexical qui ressort, c’est celui de la monstruosité et de la folie, jusqu’à prendre le personnage de Grippe-Sou, le clown de Ça, dans le clip Banzaï, d’où est-ce que cela vient ?

Je pense que c’est en parti dû à mon amour pour les films de genre et les jeux-vidéos d’horreur. J’ai un vrai amour pour la pop culture, je mets des références partout dans mes textes. Il y a des morceaux qui s’appellent Zelda, Avatar, mais on retrouve des références comme Basket Case, Pyramid Head de Silent Hill… et des références à des jeux horrifiques, surtout qu’il y’en a peu, je soutiens le mouvement (rires). Mais j’essaye de mettre de la couleur malgré tout, je suis un arc en ciel avec deux bandes noires dedans. Dans tous les cas je pars du principe que ce que tu aimes, ça définit beaucoup ce que tu es ! Et quand tu aimes des trucs qui ne sont pas forcément cités couramment bah faut le citer !

BANZAI

Tu parles aussi de ce que tu vis, des personnes que tu côtoies, avec parfois des textes assez sombres et précis comme pouvait le faire Emile Zola dans ses écrits, c’est important pour toi d’être vrai et de parler de tout ça, par exemple dans le titre Le voisin du 4e ?

C’est ma vie, mon quotidien, c’est vraiment important pour moi d’en parler. L’histoire du voisin du 4e, est un storytelling bête et méchant mais tout est vrai dedans ! Tous les soirs quand il craquait, j’écrivais. Il était fou ! Une fois il avait arraché toute la lavande de Poissy et il la mettait dans le hall, dans les boites aux lettres, dans l’ascenseur. Nous, il nous faisait rire mais il y avait des personnes qui s’en méfiaient car on ne savait pas de quoi il était capable. Ce morceau, c’est une façon de dédramatiser la réalité !

LE VOISIN DU 4e

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour ce premier album et pour la suite ?

Que ça continue, que le public l’apprécie et aussi qu’il marche bien car je serai content pour les personnes qui travaillent avec moi. Je veux juste remercier les personnes qui me soutiennent depuis plus d’un an. En plus, à cause de la pandémie, je n’ai pas pu les voir dans des concerts, je veux juste les remercier et j’espère qu’ils aimeront l’album, puis l’année n’est pas finie…