Tout est en constante évolution, chaque secteur d’activité est impacté et subit des améliorations et des métamorphoses. Le secteur du disque et de la musique en font les frais. Avec l’évolution de la technique et du digital, le CD et le format album sont remis en question. Qu’en est-il vraiment dans le rap ?

LA FIN DU DISQUE

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, les formats musicaux évoluent : entre le vinyle, l’apparition du disque, les sorties de single en physique avec une face B, l’arrivée du téléchargement web et enfin les plateformes de streaming. On a mangé et consommé la musique, chacun à sa manière et avec le support qu’on souhaitait.

Seulement la tendance évolue, et ces derniers années nous sommes entrés dans une ère de consommation fast-food. Chaque vendredi, des nouvelles sorties, mise à part avoir des coups de cœur et des artistes préférés, c’est compliqué aujourd’hui de se faire séduire comme à l’époque tellement nous avons à consommer. Pour les jeunes artistes, il faut beaucoup de chances et des coups de pouces médiatiques pour exploser même si cela se veut plus facile et plus rapide avec le streaming.

Dans cette consommation fast-foodesque, le secteur du disque et le format de l’album se noient. Quel est l’intérêt financier de sortir dans le bacs ? Peu, c’est moins intéressant qu’un projet sur les plateformes qui relance régulièrement les ventes. Alors quel est l’intérêt aussi de sortir des albums alors qu’on peut sortir des mixtapes, des EP ou des singles quand on le souhaite ?

LA BEAUTÉ DES ALBUMS BIEN TRAVAILLÉS ET LEURS CONCEPTS

            Seulement, malgré tout, il reste une partie des artistes qui prennent le format album très au sérieux. Que cela soit dans le format, le contenu, la couleur, le fait que des artistes prennent au sérieux le format « album » pour bien différencier des autres formats de projets, est un réel plaisir même si le projet ne séduit pas au final.

            Si l’on prend sur l’année 2020, l’album que vous allez élu « Album de l’année » aux 16 Mesures d’Or c’est Trinity de Laylow. La véritable réussite de l’album c’est la profondeur et l’esthétique qu’a développé l’artiste pour son premier album : une histoire, des interludes, un concept futuriste en lien avec son univers, une couleur, une identité artistique, des featurings de qualité, tout était regroupé pour un album parfait.

            Dans le cas où l’album ne s’était pas vendu correctement, la valeur et le travail de ce dernier ne pouvaient inspirer que du respect pour Laylow. Son succès va permettre à des artistes de pousser leurs univers jusqu’au bout, quand c’est bien fait, bien construit, cela ne peut être qu’une réussite musicale même si elle n’est pas commerciale. On a pris l’exemple de Trinity car c’est le plus récent, on aurait également pu prendre JVLIVS de SCH qui démontre également qu’un album concept et bien construit peut transporter dans les coins les plus sombres de l’Italie avec un univers mafieux.

LA MORT DU DISQUE, LA RENAISSANCE DU VINYLE, LE RÈGNE DU STREAMING

            Si le disque semble mourir au profit du streaming : pour les revenus que cela apporte et pour l’instantanéité de ce dernier ; à la grande surprise le vinyle renaît. Alors qu’on aurait pu parier à une mort de la production physique des projets, c’est un véritable contre-pied qu’on connaît.

En effet, une partie du public, adepte de la symbolique de l’objet, continue d’acheter les CD des artistes ou des albums préférés (nous les premiers, ndlr) mais maintenant aussi les vinyles qui propose à la fois une qualité audio supérieure mais aussi un format objet magnifique. Face à cette nouvelle explosion, certains artistes s’amusent à développer leurs projets en vinyle dans un format encore plus travaillé que le CD, comme l’ont si bien fait PNL.

Néanmoins, si Booba ironise avec son célèbre « avec le streaming / sans le streaming », le rap français est devenu obsédé par ce dernier. Qui fait les plus gros scores ? Quelles sont les ventes ? Est-ce qu’il y a des artistes qui trichent ? Le morceau est dans combien de playlists ? Pourquoi ? Tout simplement parce que le streaming apporte énormément d’argent, à tel point qu’un artiste pourrait aujourd’hui vivre de la musique sans jamais sortir le moindre projet seulement en dévoilant des morceaux par ci par là.

Pour conclure simplement, vive le format album et vive le streaming. L’un ne tuera jamais véritablement l’autre. On peut désormais consommer énormément de morceaux qui ne sont que des morceaux de l’instant et qui seront oubliés par d’autres, comme on peut consommer occasionnellement des très grands albums et les réécouter sans cesse. La métaphore du fast-food marche aussi ici, votre dernier fast-food sera oublié par le prochain que vous mangerez, mais vous avez hâte de manger dans un nouveau très bon restaurant sans pour autant oublier le dernier dans lequel vous avez dégustez de très bon plats.