(Grand Paris 2, Médine, Le Havre, ses inspirations, le rap fédérateur, Booba, SDM…)

Le monde du rap t’a vraiment découvert sur Grand Paris 2, comment tu as ressenti cet engouement autour de ton couplet ?

Sans paraître arrogant, je savais que j’avais fait un bon couplet mais je pensais pas que ça allait autant impacter les gens et qu’ils allaient autant réagir à ce couplet-là. Les réactions sur Twitter, sur les réseaux sociaux, de mes proches, des gens que je connais pas, franchement c’était incroyable.

Tu sens qu’avec ce morceau, il y a un avant et un après ?

Franchement ouai, je le sens. Je sens que depuis que le morceau est sorti, les gens sont focalisés sur les nouveaux titres que je sors, notamment pour voir ce que je donne à la suite de Grand Paris 2. C’est plus pareil, même moi dans ma vie, les gens me prennent vraiment au sérieux, en mode « Ah ouai, là il était avec des noms, il a fait un gros couplet, il est lancé ». Ça fait plaisir, car j’ai beaucoup d’encouragements, beaucoup de sollicitations par rapport à tout ça.

GRAND PARIS 2 – Médine, Pirate, Koba LaD, Rémy, Larry, Oxmo Puccino

Et tu sens une plus grosse pression suite à cette considération sérieuse ?

Je te dis la vérité, je suis pas quelqu’un qui se met la pression, je suis quelqu’un qui aime la musique et du coup je me pose pas de questions. Je fais la musique que j’aime, qui est majoritairement instinctive. C’est à dire que, quand j’entends une prod et qu’elle me parle, directement j’ai une mélo ou des punchs, je les sors et je me mets pas de pressions. Je suis vraiment en mode : je fais de la musique pour faire de la musique car j’adore ça.

Comment elle s’est faite cette collaboration ?

Elle vient de Médine. C’est un très grand rappeur de ma ville, et pendant un moment il a habité dans mon quartier sur Caucriauville. C’est à partir de là qu’on s’est connu parce que mon manager fait partie de leur équipe et qu’il a été en tournée avec eux. De fil en aiguille, on a créé un lien bien avant Grand Paris 2. Un soir, on était au studio à Paris et Médine me fait écouter la prod du morceau, et je pensais pas que j’allais poser dessus encore à ce moment-là. C’était l’euphorie en écoutant cette prod de fou, et quelques jours plus tard, Médine m’a proposé de poser dessus pour Grand Paris 2. Ça s’est fait naturellement.

Tu viens du Havre comme Médine, est-ce qu’il y’a une reconnaissance et une inspiration envers lui et sa carrière ?

Médine c’est vraiment un grand frère pour moi, que ça soit dans la musique ou hors musique, c’est vraiment quelqu’un sur qui je peux m’appuyer et qui m’apporte beaucoup. Et puis c’est lui Le Havre dans le monde de la musique. Quand tu penses Le Havre, tu penses à Médine, car c’est lui qui a mis la lumière sur la ville. Il a travaillé longtemps pour faire ça. Je respecte tout ce qu’il fait, j’ai une reconnaissance aussi envers lui pour le fait qu’il m’ait invité sur le morceau et puis au-delà de ça c’est vraiment un grand nom. Il permet à des artistes comme moi de se mettre plus en avant comme il l’a fait aussi sur Grand Paris avec Alivor. Il oublie pas d’où il vient.

D’ailleurs, est-ce que tu savais déjà les artistes présents sur ce deuxième opus du Grand Paris ?

Je ne connaissais pas le casting à l’avance, je savais seulement qu’il y avait Koba. J’étais le deuxième à poser mon couplet. On m’a dit « Grand Paris » même si j’ai pas les noms, je vais poser mon couplet dessus (rires). Mais je savais qu’il y aurait des grands noms donc je me suis dit « Là je suis le petit rookie, faut vraiment que je fasse un gros couplet », pour que les gens finissent par me regarder moi.

Tu parles de rookie, comment toi, tu t’es lancé dans le rap ?

J’ai toujours voulu faire du rap, j’ai toujours aimé la musique. Mais c’est vraiment en 2018 que je me suis lancé avec mon premier clip (Plata O Plomo, ndlr). À la base, c’est parti d’un atelier rap au collège, en troisième, c’est là où j’ai écrit mon premier texte. C’était un surveillant qui avait organisé ça, on était parti en studio, on a dû enregistré un titre et on avait même fait une sorte d’album. Ça m’a plu et c’est là que j’ai vraiment compris ce que je voulais faire.

Tu te souviens de ton premier texte ?

(rires) Ouai je m’en rappelle un petit peu, c’était des petits trucs de gamin. Mon ancien nom d’artiste c’était LRZ, par rapport à mon prénom, et du coup je disais (il se met à le rapper) :

« T’a reconnu c’est LRZ, pas un genre de Dragon Ball Z

mais plutôt un genre de Zlatan comme en Suède-Suède.

T’as chaud ? T’as peur ? On vient te faire un hold-up,

akhi le temps presse donc j’accélère comme Usain Bolt » (rires).

C’était mes premières phases, des petits trucs. Puis après je me suis construit, je me suis concentré sur mes textes, sur mes punchlines et puis c’est venu tout seul. Avant de me lancer, j’ai été pendant un an dans le home studio qu’un cousin avait. Et pendant un an, je grattais des textes, j’allais au studio presque tous les jours, c’était vraiment en mode : « faut que ça marche, faut que le jour où je me lance, je sois prêt ». Et quand je me suis lancé, je me suis dit que j’avais pas le droit à l’erreur, il fallait que je sois bon.

Certains rappeurs font du rap pour exprimer leurs sensations, leurs émotions, d’autres le font pour l’argent, d’autres en font car leurs potes en faisaient, et toi quelles sont tes motivations ?

Moi j’aime vraiment la musique. Quand je veux faire un morceau égotrip ça me permet de me défouler, quand je veux dire des choses sincères, je le dis. Même parfois je peux placer une phrase sincère dans un égotrip, ça dépend en fait. Mais c’est vraiment pour m’exprimer, ça me libère. D’abord parce que je passe du temps à faire de la musique mais aussi parfois, on vit des choses dans la vie de tous les jours qu’on a du mal à en parler, alors que dans la musique c’est plus facile. T’es libre d’exprimer ce que tu veux.

Puis on a la chance d’avoir de multiples facettes dans le rap, qui font que tout le monde peut écouter ce qu’il veut. Est-ce qu’il y a des artistes avec lesquels tu te sens proche musicalement ?

Il y a des artistes que j’écoute beaucoup, comme DA Uzi, Ninho, Maes, Landy ou encore Timal. C’est des artistes que j’écoute au quotidien, Booba aussi. Pour ma part c’est logique Booba, je l’ai toujours écouté. Mais j’écoute ce qu’il se fait en ce moment, je fais ma musique de mon côté, je veux me différencier que ça soit par ma voix ou autres choses. Ce qu’ils racontent me touchent, car ils parlent de ce qu’il se passe dans toutes les cités, ce qu’on voit tous les jours et chacun le raconte à sa façon.

C’est vrai que ta voix forge aussi ton identité, le fait qu’elle soit grave et limite cassée, est-ce qu’elle te sert de démarcation pour avoir ta propre identité vocale ?

Au début je m’en rendais pas forcément compte. On me complimentait sur ma voix notamment sur le fait qu’elle prenne de la place, je m’en rendais pas compte, je rappais avec la haine, avec mes tripes… Et puis, on continuait de me dire que ma voix était hyper importante et hyper impactante. Aujourd’hui, je sais que ma voix est importante dans ma musique, Pirate sans cette voix, c’est pas forcément Pirate…

Avec cette voix entre autre, c’était une volonté de ta part, pour ton début de carrière, de montrer aussi que t’es un gros kickeur ?

Je suis jeune mais je me considère de l’école du kickage. J’ai découvert le rap à l’époque où il y avait je ne sais combien de personne dans les Planète Rap, ça freestylait de partout, qui va envoyer la meilleure punchline ? C’est vraiment à ce moment-là, où le rap était devenu fédérateur, je fais du rap pour ça aussi. C’est important de montrer qu’après le Grand Paris 2, je suis un vrai rappeur. Après on peut s’ouvrir, faire de l’autotune, tout ce que tu veux, mais qu’avant tout je suis un rappeur qui aime le kickage et l’art de la punchline.

C’est vraiment ce rap fédérateur que j’adore : le partage, l’échange. Après quand c’est en mode featuring, il y a cette volonté de faire un gros couplet, mais c’est de la concurrence saine et pas de « ouai le mec faut que je le plie », mais plus « ouai faut que je me surpasse car l’artiste qui est en face de moi, c’est un gros artiste, et on va faire un bon morceau ». Je suis vraiment dans cette optique-là.

Il y a plus ce problème d’égo mais ça reste important d’avoir la volonté de faire un meilleur couplet que l’autre, et inversement, c’est ça qui va faire monter le morceau en vrai de vrai. Si tout le monde se surpasse, c’est ça qui va donner un gros morceau. J’ai beaucoup écouté la Sexion d’Assaut, et à l’époque c’était des gros kickeurs. Ils étaient 7-8 et ça rappait fort, tu les voyais rapper dans la rue et c’est ça qui m’a fait kiffer le rap. Puis ensuite tu as eu la nouvelle génération avec des rappeurs comme Ninho, Hornet la Frappe, Kalash Criminel ou Fianso, tous ces rappeurs ils étaient unis et ils se mélangeaient pour faire des gros titres ensembles.

Vu qu’on parle de fédération et de collaboration, si tu devais choisir un seul rappeur avec lequel tu voudrais collaborer et partager un morceau de fou ?

C’est dur ! Mais je te dirai Booba. Pour moi c’est lui le numéro 1, dans le sens que ça fait 20 ans qu’il est là, et il est toujours dans les top streaming. C’est aussi un rappeur que j’ai beaucoup écouté, dans ma famille ça écoutait aussi Booba et de me dire que je fais un featuring avec lui, ça serait incroyable pour moi.

Et puis Booba, il a cet esprit aussi de mettre en avant les jeunes artistes…

C’est super bien ce qu’il fait quand il met des jeunes artistes en avant, c’est des découvertes. Je pense notamment à SDM, que je connaissais pas avant et depuis je l’écoute au quotidien. C’est très lourd ce qu’il fait d’ailleurs, il a une grosse voix, il a de la punchline, c’est ce genre d’artistes que je kiffe.

Et quel effet cela fait de se retrouver dans sa playlist ?

Au début, il y avait des noms sur des notes qu’il avait publié sur les réseaux sociaux et il y avait mon nom dedans. Je comprenais pas, je me demandais ce que c’était cette liste car il avait pas encore annoncé la playlist. Quelques jours plus tard, je vois il annonce la playlist et je suis dedans à sa sortie. Ça m’a fait grave plaisir, je me retrouvais dans une playlist avec pleins de gros artistes, faite par Booba et DJ Medi Med, c’était lourd.

MOZART

Dans Mozart, tu dis « je saurai jamais ce qui arrive, si je n’essaye pas », aujourd’hui c’est quoi tes attentes et tes objectifs avec le rap ?

Je vise haut, je vise le top. C’est ce que j’aimerai bien. Si j’essaye pas de le faire je le saurai jamais si je peux. Je mets tout en œuvre pour réussir, être reconnu, avoir des disques d’or, de platine, être vraiment un artiste en place et installé : que je sorte plusieurs albums, plusieurs featurings, c’est ça que je vise, et si je lâche maintenant je saurai jamais ce qu’il se passera après.

Il y a déjà une véritable progression entre maintenant et ton début de carrière, tu continues d’ailleurs la série de freestyle Grincheux, pourquoi « grincheux » ? C’est à cause de ta voix ? de l’énergie que tu mets dedans ? De ce que tu racontes ?

« Grincheux », ça vient des mecs de mon quartier. Pendant une période, ils l’employaient souvent. Par exemple, ils mangeaient un grec super bon, ils disaient ou mettaient un snap en disant « c’est grincheux », dans le sens « c’est lourd, c’est méchant ». Ils disaient tout le temps ça et à ce moment-là je cherchais un nom à donner pour une série de freestyle, j’ai donc pris « Grincheux » d’autant plus que ça collait bien avec ma voix, c’était parfait pour définir ma musique. C’est aussi une forme de reconnaissance envers d’où je viens, c’est important car c’est vraiment le quartier qui m’a inspiré, comme mon nom de scène : Pirate ou Pirate 182.

D’ailleurs comment t’as choisi ton nom de scène ?

Comme je te disais, à la base j’avais un autre nom d’artiste. Je regardais beaucoup One Piece, et lorsque j’ai sorti mon premier freestyle qui s’appelait Freestyle de Pirate, et dans ce freestyle je lâchais des gimmicks « Pirate, pirate, pirate » et au quartier c’est resté. Les gens quand ils voyaient ils faisaient : « Pirate, pirate, pirate ». Au moment où je me suis vraiment lancé, il me fallait un nom d’artiste qui colle et j’ai pensé à ça. Et le 182, je le garde car ça représente mes gars, mon équipe, là d’où je viens. 182 c’est mon inspiration, c’est nous.

L’année dernière tu as sorti un EP qui était un regroupement de freestyles d’une minute environ, là tu viens de dévoiler un nouveau morceau Mozart qui allie kickage et mélodie au refrain, quelque chose arrive prochainement ?

Franchement, je ne sais pas encore quand, mais dans l’année 2021, il y a un projet qui devrait arriver, un EP plus construit avec des titres plus long ou une mixtape, je ne sais pas encore mais il y a un projet qui sortira en 2021.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite de ta carrière ?

Le meilleur, que ça continue comme ça, que ça continue de monter, qu’on entende Pirate partout et que j’atteigne mes objectifs. Franchement le meilleur.