Longtemps perçu comme une musique issue de la rue et des quartiers défavorisés, le rap français a finalement connu un succès considérable et a dépassé les frontières du genre pour se marier à la pop, au rock ou encore à la chanson française. Dans cet essor, un terme est apparu : le rap de iencli. Il est l’heure pour 16 Mesures de s’occuper de ce rap mal catégorisé. 

COMPRENDRE POUR MIEUX OUBLIER

            D’où vient le terme « rap de iencli » qui est si péjoratif ? D’abord, cela vient de « iencli » qui signifie « le client » soit la personne qui va acheter de la consommation illicite. Pour faire au plus simple, le rap de iencli c’est le rap de celui qui consomme. L’aspect péjoratif du terme sous entendrait qu’il y ait deux types de rap ? Celui pour les charbonneurs et celui pour les consommateurs ? Est-ce vrai ? Non. 

ON VERRA – Nekfeu

            Le genre créé semble séparer le public urbain en deux, entre ceux qui l’adhère et ceux qui le méprise. Bien que le rap français soit né dans la rue et garde son côté dénonciateur dont l’âme est celle des quartiers défavorisés, il a permis l’émergence d’un rap plus abordable par le grand public. Aujourd’hui, il faut accepter que le symbole du rap s’est métamorphosé en un genre musical à la portée de n’importe quel artiste issu de n’importe quel milieu social, à condition d’avoir quelque chose à raconter, parce que le rap reste néanmoins un genre de revendication. 

UNE NAISSANCE RÉCENTE

            Bien que le genre soit installé depuis quelques décennies au point d’avoir des doyens dans le rap, c’est au début des années 2010 qu’il a commencé à toucher un plus large public et notamment les adolescents avec la Sexion d’Assaut ou encore 1995. Ces deux groupes assez ouverts musicalement pour les radios, ont permis à toute une génération d’adolescents de s’identifier au rap.

LA SUITE – 1995

             Arrivé à l’adolescence, un côté rebelle naît. Avec l’émergence du rap sur la scène musicale et un mépris médiatique et parental qu’il suscitait, l’amour pour ce dernier est né en celui ou celle qui voulait s’opposé à l’autorité parentale. Par ailleurs, tout au long de cette décennie, ce mépris médiatique que cela soit pour Orelsan, Youssoupha ou encore pour Booba a favorisé cette génération adolescente à s’identifier au rap. 

LES PREMIÈRES FIGURES

            Pour percer l’abcès tout de suite, le terme « Rap de Iencli » est apparu avec l’émergence de rappeurs blancs aux mélodies et aux morceaux à succès dans la seconde moitié de la décennie 2010. Ces derniers ont pu hisser des morceaux entre la variété et le rap, comme ont pu le faire Gims, Soprano ou encore Black M. Loin de nous une quelconque critique ou une quelconque recherche de discrimination, le terme est à prendre avec le sourire au contraire, l’ensemble des figures de ce rap sont des rappeurs/chanteurs blancs.   

PRINCESSE – Nekfeu & Nemir

            L’une des figures qui a fait émerger cette expression, c’est Nekfeu. En 2015, l’artiste parisien dévoile son premier album Feu qui deviendra l’énorme succès que l’on connaît. Seulement, le succès d’un album ou d’un artiste lui amène un public nouveau, et avoir une belle gueule et des beaux textes en prime, apporte également un public qui n’était pas du tout familier au rap. Nekfeu a permis à la fois au rap de se développer avec des artistes aux styles similaires qui voulaient s’exprimer, mais malheureusement son succès a fait inconsciemment naître le terme de « rap de iencli ». 

UN RAP DE BLANC

            Non. Cassons les barrières des couleurs de peau, le rap de iencli n’est pas un rap de blanc bien que le cliché est parfois vérifiable. Lorsque l’on prend le cas de Nekfeu, l’ensemble du rap français valide à sa juste valeur la plume et le talent du rappeur sans pour autant dire qu’il fait du rap de iencli ? La réalité c’est que le terme « rap de iencli » ne critique en rien la musique produite par les rappeurs catégorisés dedans, mais critique un style de public. 

YEUX DISENT – Lomepal

            Nekfeu, Lomepal, Roméo Elvis, Vald, Columbine, et plein d’autres, en plus d’être des rappeurs blancs, ils possèdent tous un public commun qui peut les rendre inconsciemment détestables. Même si on les stigmatise comme des jeunes blancs « fuckboys parisiens » ou encore des jeunes filles « perdues de Twitter qui mettent des punchlines en bio », ce n’est pas une vérité exacte. Il y a de cela c’est vrai, mais c’est surtout dans un ensemble : un public qui ne connaît pas le rap. On s’explique. Dans toutes formes d’art, il y a une histoire, ce qui est reproché au public, dit de « iencli », c’est de consommer le rap comme de la musique « grand public » proche de la variété, sans en connaître la nature initiale. 

ENFANTS TERRIBLES – Columbine

            Avant d’être le genre le plus écouté et de battre tous les records musicaux, le rap français a été longtemps un symbole de rébellion contre l’injustice : les bavures policières, les politiciens, les médias, … Il l’est toujours. L’âme du rap vient des quartiers défavorisés et touche désormais l’ensemble du public musical. Seulement nous sommes loin aujourd’hui des textes de Kery James, mais proche d’une musique qui parle à des générations. La variété de styles que le rap propose permet aujourd’hui de séduire différentes catégories de public. On aime le rap pour les textes engagés de Kery James, le côté Hardcore d’un Or Noir, la maîtrise technique d’Alpha Wann, la poésie de Dinos ou encore pour les mélodies de Lomepal. 

SUPPRIMER CETTE EXPRESSION PEJORATIVE

Alors que Vald ironise cette catégorie de rap en disant qu’il aurait dû appeler son album : Le soulèvement des iencli au lieu de XEU, il reste néanmoins un public très présent dans le rap et qui le consomme énormément. L’ironie de Vald soulève l’idée d’en faire une force plutôt qu’un public détestable catégorisé. Mettre fin à l’expression c’est difficile dans l’esprit de certains puristes envers ce public, mais mettre fin à l’idée que certains rappeurs ne sont pas méritant de faire du rap, c’est possible. Dans un live récent, Rohff remettait en place un chroniqueur puriste en disant que le rap était à la portée de ceux qui avaient quelque chose à raconter. Et puis même si vous rencontrez des amateurs de rap qui n’ont jamais écouter Or Noir de Kaaris par sa vulgarité, dites vous que Koba LaD niait l’existence d’IAM.