Depuis le 2 décembre 2016, date de sortie de l’album Cyborg, Nekfeu avait activé le mode sous-marin en délaissant sa vie publique pour se recentrer sur lui-même. Cette « traversée du désert » est toutefois contrecarrée par de nombreuses collaborations, avec S. Pri Noir sur Juste pour voir, PLK sur Woaw, Orelsan et Dizzee Rasscal sur Zone ou encore avec Jazzy Bazz sur le sublime Eternité. Par ailleurs, Nekfeu a fait très belle figure aux côtés de Catherine Deneuve dans le film de Thierry Klifa Tout nous sépare (2017). Malgré cela, le retour du fennec était tout aussi attendu que difficile. Le monde musical de nos jours oblige les artistes à être régulier et actif pour ne pas être oubliés. La rareté et l’absentéisme est un luxe que peu d’artistes peuvent s’offrir, pourtant Nekfeu se l’est offert.

Connaitre Nekfeu

                  Ken Samaras, dit Nekfeu, est un artiste complet, auteur et interprète mais aussi acteur en devenir. Des origines grecques et écossaises, le rappeur a grandi à La Trinité, dans la banlieue de Nice, puis à Paris XVe. En plus d’appartenir au collectif L’Entourage et 5 majeurs, il est membre du groupe $-Crew et 1995. 

                  C’est en solo qu’il s’est véritablement démarqué avec son premier album Feu paru en 2015 qui est devenu disque de diamant (500 000 ventes, ndlr). Après avoir sorti une réédition, Nekfeu a livré à son public en surprise à Bercy, un second album nommé Cyborg. L’ossature cybernétique de ce dernier offrait un album différent et plus rap que FeuCyborg devrait à son tour devenir disque de diamant bientôt. 

                  Après Joeystarr, Kaaris ou encore Sadek, Nekfeu s’est essayé au 7e art en tant qu’acteur. Après avoir réalisé la bande originale française de Creed et de Five, l’artiste s’est vu obtenir des rôles importants dans Tout nous sépare, et L’Echappée, dont la sortie serait prévue pour 2020.

Les étoiles vagabondes expansion, quels enjeux ?

                  L’artiste parisien n’en est pas à son premier coup. C’est lors de la clôture de sa tournée à Bercy que Nekfeu avait annoncé par surprise la sortie imminente de Cyborg. Cette annonce a fait l’effet d’une bombe sur les réseaux sociaux et tous ses fans se sont empressés d’aller streamer l’album. Avec ce film qui accompagne ce nouvel album qui s’est vu être un double album deux semaines après, Nekfeu a su refaire un coup marketing exemplaire.

« Tu vas braquer le ciné, mon negro » – Doums (Koala Mouillé)

                  Le 13 mai dernier, Nekfeu a publié sur ses réseaux l’affiche du film Les étoiles vagabondes, réalisé par lui-même et Syrine Boulanouar pour une séance unique le jeudi 6 juin à 20h. Plus de 100 000 places vendues en France métropolitaine, au Maroc, en Suisse, en Belgique ou encore à La Réunion. Il fut alors classé premier au box-office, ce fut un succès anticipé par Doums dans Koala Mouillé : « Tu vas braquer le ciné, mon negro ».

« Indépendant comme PNL, on veut être les premiers comme Jul. » (Takotsubo)

                  Avec toutes ses sorties urbaines, les têtes d’affiches doivent prouver leur place auprès de leur fan-base. La communication est devenue très importante et oblige les plus gros vendeurs à surprendre à travers leur musique et leur communication. Que cela soit PNL et leur clip sur la Tour Eiffel ainsi que les différentes opérations marketings, la productivité et la générosité de JUL ou encore Ninho qui envahit la cour de Rome avec Destin, chacun sa méthode et des nouvelles verront surement le jour avant la fin de l’année. Nekfeu sera surement celui qui aurait fait le plus fort et ce malgré l’incroyable et triomphal retour de PNL. Entre un film au cinéma à plus de 100 000 entrées, qui est supplié à la mise en vente par ceux qui ne l’ont pas vu, la sortie à la toute fin du générique de ce dernier de l’album Les Etoiles vagabondes. Stratégiquement et commercialement c’est un désamorçage d’une éventuelle concurrence à minuit. En plus de cela, deux semaines après, il dévoile une Expansion surprise de l’album à travers un nouveau clip Sous les nuages, le premier depuis la réédition de Feu. Cette Expansion vient compléter le premier comme un puzzle, c’est du génie. A cela, il faut rajouter un design par Raegular pour le physique sur le thème astral avec un montage pour ceux qui ont acheté toutes les parties, en réalisant un album emballé sous vide, c’est de l’art. 

Au cœur des pensées sombrement étoilées de Nekfeu

                  Cyborg se terminait avec quelques phrases en japonais émient par une femme qui l’invitait à la rejoindre à Tokyo, Les Etoiles Vagabondes débutent avec cette même femme qui lui demande pourquoi il semblait si triste depuis son arrivée à Tokyo. Ce lien entre les deux albums, vient sous-entendre que Nekfeu reprend là où il avait laissé sa musique et va ainsi inviter son public à se replonger dans son univers. Ce couplet unique est une forme d’introduction kickée qui traite de tous les sujets qu’il va aborder dans L.E.V et dans son Expansion. A noter que cette introduction est par ailleurs le premier extrait qu’on entend dans le film. 

LE LIEN AVEC L’UNIVERS

« Quand deux étoiles sont trop proches et que l’une d’elles explose, il arrive qu’elle condamne l’autre étoile à errer sans trajectoire dans l’univers. On les appelle les étoiles vagabondes. »

                  Avec un titre comme Les Etoiles Vagabondes, on se doutait que l’âme poétique de Nekfeu allait forcément ressortir. Bien avant d’annoncer quoi que ce soit, 16 Mesures se doutait du lien avec l’univers à travers la présence de certains morceaux comme SaturneEternitéGalatée (quatrième lune de Neptune, ndlr) ou encore Des Astres (morceau caché de Risibles Amoursndlr). 

« Absorbé par un docu’ sur l’univers, l’insomnie est son fléau » (Elle pleut)

                  A moins de prendre l’album au premier degré, tout le champ lexical de « l’univers » constitue en réalité que la peau ou l’habillage de l’album. Nekfeu s’appuie sur le lexique et les phénomènes de l’univers qui semblent le passionner afin d’embellir et de poétiser ses pensées et ses sentiments. On retrouve cette enveloppe dans certains titres tels que Les étoiles vagabondesAlunissons qui vient du verbe « alunir » qui signifie prendre contact avec la lune, Ciel Noir en référence à la couleur du ciel étoilé, Dans l’universVoyage léger où l’univers donne un sentiment de légèreté alors que dans l’espace notre masse augmente, Sous les nuagesEnergie sombre, mais aussi Pixel avec la phrase « il y a quelques pixels en plus dans le ciel » qui vient faire références à la lumière floue des étoiles. 

                  Par ailleurs, on peut distinguer l’aspect « univers » avec « son univers ». Le morceau qui le démontre le mieux c’est Ecrire. Il s’agit d’un des morceaux les plus poétiques de Nekfeu. Ce bijou exprime son propre enfermement dans l’écriture afin de se libérer de ce qui le ronge. Ce morceau fait par ailleurs écho aux pensées du titre De mon mieux

UN DOUBLE ALBUM HOMOGENE MAIS MUSICALEMENT DIVERS

                  Tout ce travail fait autour de l’enveloppe mais aussi grâce aux beatmakers comme Diabi, Loubenski ou encore Hugz vient rendre l’ensemble totalement homogène et ce malgré une diversité musicale riche et surprenante. D’abord dans le flow de Nekfeu, entre des morceaux kickés comme Les étoiles vagabondesTricheur et Compte les hommes; des morceaux chantés comme Alunissons ou Dans l’univers, des bangers comme CheumSous les nuages ou encore Koala Mouillé. Mais aussi des morceaux plus entrainants comme Le bruit qui court et Chanson d’amour.

                  Par ailleurs, Nekfeu a décidé de faire autre chose que ce qu’il sait facilement faire comme il l’a révélé dans son film, c’est pour cela qu’on a une grande variété et une recherche musicale nouvelle dans ce double album. Entre un guitare-voix pour Alunissons accompagné de violons qu’on retrouve dans Ecrire, les influences de Jazz dans Ciel Noir ainsi que la chorale dans ce dernier qu’on retrouve dans Dernier soupir, une prod divisée dans Jeux vidéo et débats et Rouge à lèvres, et enfin le choix de mettre Niska en ad-libs sur Voyage léger. Sa présence apporte une saveur de banger monstrueux. Alors qu’on peut être déçue de l’absence de couplet de Niska, rien n’interdit la présence de Nekfeu sur l’album de ce dernier pour des ad-libs ou pour poser un couplet…

                  Enfin la particularité de cette homogénéité c’est aussi les transitions et les liens entre les morceaux. Par exemple, on a des morceaux qui se répondent comme Premier pas et Dernier soupir, les premiers pas d’un homme au dernier soupir de ce dernier, et l’on retrouve cette même formule plus tard dans l’Expansion mais inversée avec De mes Cendres et Nouvel homme. D’autre part, l’ajout de l’Expansion a apporté l’Interlude Fifty juste avant Compte les hommes. Dans cet interlude Nekfeu rend hommage au morceau 21 Questions de 50 Cent et Nate Dogg en se réappropriant le flow de ce dernier. A la fin de l’Interlude, le morceau avec Alpha Wann est amené par un dialogue entre les deux qui explique qu’ils vont trade (échanger, ndlr) certaines phrases afin de faire ce passepasse. 

                  En clin d’œil, l’Expansion apporte aussi le morceau Oui et non qui dans sa construction, rappelle le morceau Choices de E-40  avec les réponses « oui » et « non » à la fin de chacune de ses phrases bien que Nekfeu tourne son morceau de manière mélancolique. Enfin, l’autre clin d’œil, c’est la prod formatée de Sentiments de Jazzy Bazz sur De mes cendres, pour s’adapter au flow de Nekfeu avant de se transformer en la musique du trailer remasterisée. 

                  D’un côté, on a aussi des clins d’œil à son précédent album avec le fameux « arrachage ta gueule » de Squa dans Takotsubo, ou encore le “D’où sors-tu ta douceur tue” de Saturne qu’on retrouve sur Elle pleut.            D’un autre côté, il y a eu la mise en place lors du mixage d’outro et pour amener les morceaux qui suivent. On retrouve par exemple des outros-voix avec la définition des étoiles vagabondes pour amener Alunissons (on la retrouvait aussi dans le trailer, ndlr) ou encore kickée à la fin d’Elle pleut. Ensuite on a des débuts de morceaux par l’outro du précédant comme Menteur menteur derrière le message vocal d’un mec de maison de disque à la fin de Takotsubo. Mais aussi avec la fin d’Ecrire le “Ecrire c’est ce qui m’rendu ma liberté” et le début de Ciel Noir : “Ecrire c’est la première action d’un homme privé de liberté”. Dans ce même esprit, on a l’outro de Premier pas qui se conclue par: “On est une infinité de voix discordantes qui deviennent justes, une fois chantées en cœur” pour faire démarrer la chorale sur Dernier Soupir Enfin, on a même des bruitages avec la pluie avant Elle pleut ou encore le réveil avant Premier pas.

                  Pour finir sur la diversité musicale, on a le choix du casting pour l’album. A travers un morceau mélancolique surplombé de référence au cinéma et surement réalisé par la présence du documentaire « inside » à la création de l’album, on sait que Nekfeu joue le 1er rôle mais qui sont les autres acteurs de ce film musical ? On y retrouve deux femmes pour deux morceaux mélancoliques et touchants. Cristal Key, déjà présente sur Nekketsu, pour le somptueux Pixels et Vanessa Paradis sur Dans l’univers où sa voix de cristal offre un sublime contraste avec la voix plus grave de Nekfeu. Ce qui rend le morceau encore plus beau, c’est le fait que Nekfeu éprouvait une certaine admiration pour la chanteuse et qu’aujourd’hui il puisse l’inviter pour son retour. Autre collaboration surprenante, celle de BJ de Chicago Kids pour une chanson d’amour franco-américaine. Par ailleurs, on retrouve ses amis de longues dates, entre un passepasse légendaire avec Alpha Wann et une chanson d’amour avec Nemir ainsi que les membres du S-Croums. Et pour finir on a Tricheur avec Damso, une collaboration très attendue par les fans de rap et surtout depuis leur apparition commune dans le trailer du film. Entre kickage, chant et passe-passe le morceau peut être considéré comme un morceau incontournable du rap français étant donné le retour qu’il a pu avoir. 

UNE ABSENCE AU PROFIT D’UN VOYAGE HUMAIN

                  Le poids du film joue un rôle déterminant parfois pour comprendre certains morceaux et notamment les morceaux qui ont une forte influence sur les voyages qu’il a entrepris. Ces voyages constituent une part importante de l’album, à tel point qu’ils en soient la première phrase de l’introduction : « j’ai envie de vivre à l’étranger ». Une volonté d’absence parisienne et une absence publique qu’on ressentait déjà dans Programmé : « Je te dis déjà tout dans mes textes, je ne devrai plus faire d’interview. », qui est accentué avec « J’ai té-j’ mon téléphone pour pas qu’on vienne me déranger donc ne viens pas m’interroger, envoie tes demandes par e-mail. ». 

                  Grâce au film, on comprend que les voyages interviennent à un moment où le mal-être de Nekfeu prend le dessus. Il raconte lors d’un moment intime avec Doums, que ce mal-être est un mélange entre ses problèmes personnels, la pression musicale et son face à face avec la page blanche. Il décide alors de partir. 

“J’ai pu traverser les frontières mais pas comme un jeune Afghan” (L.E.V)

                  Dans chaque couplet de Premier pas, il décrit la vie dans la ville où il est et son ressenti par rapport à cet enfermement passé parisien. Dans le premier couplet, il parle de la New Orléans où il est confronté à un ouragan, le morceau fut écrit en partie là-bas. Par ailleurs, dans le film on procède aux différents enregistrements du magnifique morceau Ciel Noir.

                  Dans le second couplet, Nekfeu nous emmène au Japon et plus précisément à Tokyo. L’influence japonaise a toujours été une part importante chez Nekfeu notamment avec ses références aux mangas. Dans Les Etoiles vagabondes : expansion on ressent une grande influence de la culture nippone étant donné qu’une grande partie de l’album fut réalisée là-bas. Lorsqu’il est au Japon, Nekfeu s’évade, c’est pour cette raison que les morceaux Takotsubo et Natsukashii à connotation japonaise parlent de cet enfermement parisien. Ou encore la présence de Cristal Key sur Pixel pour une chanson franco-japonaise. L’influence ira même jusque dans ses textes, par exemple dans Menteur menteur : « Double démon comme les Olsen, fumée sort de moi comme onsen », les onsens étant les bains chauds japonais (S/o le Règlement, ndlr). Ce morceau a été écrit au Japon et dans le film on le voit en studio avec tous les membres du S-Crew et des amies japonaises s’ambiancer sur le morceau. D’autant plus que dans ce morceau, il dit « J’vois Paname d’en haut » ce qui accentue sa libération. D’ailleurs, sur le morceau CGDLAXJFKHNADATH, le goût du voyage est omniprésent. Ces lettres ne sont pas mises au hasard, elles représentent les codes AIRA de différents aéroports : Paris (CDG), Los Angeles (LAX), New York (JFK), Tokyo (HND) Athènes (ATH), et point très fort, ils appartiennent aux 4 pays où le film fut tourné : France, Etats-Unis, Japon et Grèce. 

                  Pour finir, les voyages sont une part importante de la vie de Nekfeu et L.E.V le prouve totalement et notamment le morceau Voyage léger avec la phrase « Voyage léger revient lourdement chargé », dans le sens « chargé en émotion ». Le film le prouve véritablement avec l’impact visuel de son voyage en Grèce et sa rencontre avec les migrants. Ολά Καλά (Tout va bien, ndlr) est surement le morceau le plus important de l’album car il vient marqué le break de cette mélancolie qui rend Nekfeu instable. Ce dernier se rend compte à travers les terribles histoires des migrants ou encore des habitants de la New Orléans que ses problèmes personnels sont maigres bien que ses réactions soient humaines. La présence du Rebetiko qui est une musique populaire apparue dans les années 20 suite à des vagues de migrations grecques, au début du morceau rend ce dernier magnfique et puissant.

TAKOTSUBO : LE TABLEAU DU CONSTAT SOCIAL

                  Avant que les voyages le libèrent, Nekfeu souffre du « syndrome des cœurs brisés » dit « Takotsubo » qui apparait suite à un stress émotionnellement fort. Et ce pour plusieurs raisons, la première raison est à cause de la société qui le désespère. Même si certains trouvent que Nekfeu se considère comme un justicier, 16 Mesures trouve que c’est important qu’un artiste de son poids parle de certains points que les médias taisent.

«  Un p’tit Arabe qui fait des bêtises, c’est un voyou pour la France

Un p’tit Noir, c’est pareil mais, quand c’est un p’tit Blanc, c’est juste « un chenapan » » (L.E.V)

                  La première chose qu’il ne tolère plus c’est le racisme. Déjà dans tous ses précédents projets il en parlait mais alors dans L.E.V c’est très souvent et ce dès l’introduction avec la phrase au-dessus ou encore « j’étais le seul que la police contrôlait pas ». En parlant de police et de justice, Nekfeu en parle aussi en dénonçant les bavures policières en comparant certains flics à des voyous, propos accentué par le couplet de Doums dans L’air du temps, et le manque de justice comme avec l’affaire d’OJ Simpson ou encore Darius. 

« Le système m’insupporte, j’suis un cyborg insubordonné » (Ecrire)

                  Ce qu’il dénonçait dans Cyborg et qu’il continue de dénoncer dans ses deux albums, c’est la faculté de la société de ranger les personnes dans des cases en fonction de leur religion, leur ethnicité, leur convictions personnelles, leurs choix ou encore leurs sexes. Il dénonce entre autre le fait qu’on est tous des produits de la société : « Glorifier les marques sans faire un euro, victime d’un système qu’on promotionne » dans Ken Kaneki, qu’il soit à la tête du rap de blanc ou de « iencli » alors qu’il pratique un art similaire aux autres rappeurs, mais il dénonce aussi le sexisme dans ses textes notamment dans Le bruit qui court avec la superbe phrase : « Même ces patrons qui t’licencient quand t’as des enfants pour leur avarice Ou te disent qu’il faut céder à leurs avances pour en avoir une. ».

TAKOTSUBO : NOSTALGIE MELANCOLIQUE

                  Mais malgré des convictions certaines, Nekfeu se remet totalement en question que cela soit vis-à-vis de la société notamment dans Oui et non, mais aussi vis-à-vis de lui-même et c’est surement ce qui le perd dans sa folie takotsubonienne. Jeux vidéo et débats dont l’homophone est « Je vis des hauts et des bas », démontre vraiment cette instabilité. Le morceau est coupé en deux, la première partie a un flow plus calme à l’inverse de la seconde où il est plus agressif dans laquelle il se rend compte que certains sont des opportunistes et que le mieux est de s’entourer de ceux qu’on connait vraiment pour s’auto suffire. 

« Ma mère a fait naître un être humain tellement déséquilibré » (L.E.V)

                  Lorsque la mélancolie nous prend ou lorsque la dépression nous emporte, il y a à ce moment-là une grosse remise en question et un enfermement sur nous-mêmes. Chez Nekfeu, c’est pareil, et il le dit clairement dans ses morceaux : « Parfois, j’me demande si j’existe vraiment De ma vie, je n’suis qu’un spectateur » (Alunissons) ou encore dans Takotsubo : « Si j’étais bien dans ma tête, j’aurais pas fait l’choix d’être artiste. ». Le fait qu’il soit artiste l’empêche d’être totalement libre et totalement lui-même dans la vie de tous les jours et c’est pour cela que dans Menteur Menteur il dit : « « Ken » pour le prénom, « Feu » pour le nom d’scène ».

« Aujourd’hui, j’ai joué devant 80 000 personnes, pourtant je me suis jamais senti aussi seul. » (L.E.V, le film)

                  Toute cette remise en question amène une vision noire à Nekfeu qu’il image dans Ciel Noir par « Au-dessus des nuages, le soleil brille intensément, Retour sur terre, le ciel est noir, une mère enterre ses morts ». Dans cette noirceur, Nekfeu se rappelle de son passé, de ce qu’il a pu vivre notamment en mentionnant un ami décédé plus jeune dans Ολά Καλά ou encore de son enfance dans Cheum. Il adopte alors une attitude Natsukashii, c’est à dire une attitude nostalgique sans pour autant avoir des regrets. C’est un des points qui forme son instabilité, une instabilité qu’il retrouve dans le personnage Ken Kaneki. En plus de porter le même prénom, Ken Kaneki est le héros du mange Tokyo Ghul qui passe par plusieurs états psychologiques suite à ce qui lui arrive. De l’amour à la haine en passant par la solitude, tout coincide avec ce qu’a vécu Nekfeu. Par ailleurs, ce dernier lui fait référence dans Fausses Notes en portant un masque du personnage ou encore son dernier clip Sous les nuages avec de multiples références à l’animé.

TAKOTSUBO : UNE RELATION FINIE POUR UN NOUVEL HOMME

                  Parmi toutes ses douleurs, il faut rajouter celle de la rupture amoureuse qui reste un des sujets les plus importants du projet. D’ailleurs, on pourrait penser que les deux étoiles vagabondes correspondent à lui et elle. 

                  Dans les morceaux de Nekfeu on distingue les différentes étapes de la séparation des deux étoiles vagabondes. Tout d’abord, la rupture avec la douleur de ce qu’elle provoque avec Elle pleut, un morceau sublime et sublimé par la voix de Nemir. Il s’agit là d’un des plus beaux morceaux d’amour écrit par Nekfeu. Puis ensuite, on a le constat d’attirance et d’obsession pour une personne dans la douce collaboration avec Vanessa Paradis sur Dans l’univers. Ce qui est très fort avec ces morceaux  portés sur l’amour, c’est que Nekfeu arrive à universaliser ses paroles afin de toucher son public. 

« Peut-être trois milliards de filles mais c’est toi qu’j’veux. » (Dans l’univers)

                  Par la suite, on a l’obsession amoureuse et le manque de l’autre à travers tout l’album. Que cela soit à travers des phrases mais surtout à travers le « Toi » en écho qui vient refléter la douleur mais aussi le moment où il pense à cette fille. Ce « toi » était déjà présent dans Cyborg, et dans L.E.V il est véritablement distingué comme une obsession. Cette obsession amoureuse et ce manque est présent aussi dans Rouge à lèvres. Quelques morceaux plus tard, c’est à travers Energie Sombrequ’on assiste finalement à un changement de vision. En effet, ce morceau est évolutif notamment avec le refrain : « Quand le jour s’est levé, tu m’as demandé des news et quand la Lune s’est levée, j’ai downloadé tes nudes » à « Quand le doute s’est levé, j’me suis privé d’tes news et quand le jour s’est levé, j’ai supprimé tes nudes »

                  Pour terminer, c’est à travers l’apparition de lumières dans Pixels avec une réponse en japonais aux premiers mots de l’album : « Ken-chan ga mata genkisô de yokattayo » (Ken je suis content que tu ailles mieux, ndlr). Ce morceau aurait pu être le dernier morceau de L.E.V par son format qui fait générique de fin. Enfin c’est véritablement avec la gaîté des morceaux Nouvel Homme et Chanson d’amour qu’on comprend que Nekfeu est passé à autre chose et à une autre relation.

« J’aime pas les chansons d’amour, mais celle-là elle est pour toi » (Chanson d’amour)

                  Pour conclure, au-delà des critiques sur le fait que l’album ne serait pas sorti au bon moment car les morceaux présents seraient assez mélancoliques, il faut savoir que le poids musical de Nekfeu lui permet d’éviter de faire des morceaux uniformisés avec le flow du moment. S’il choisissait d’entrer dans les codes actuels, cela l’empêcherait de s’exprimer véritablement. Avec le recul et au fur et à mesures des écoutes, il faut percevoir L.E.V et son Expansion comme sa thérapie. Une thérapie musicalement parfaite qui lui a permis de se sortir de ses tourbillons mélancoliques qu’il a rendus universels afin que son public s’identifie ou se sente touché par ce que peuvent ressentir les Takotsubos. Par ailleurs, cet aspect très thérapeutique est accentué par le morceau A la base, qui fait replonger Nekfeu dans sa manière d’écrire qui est celle d’écrire en marchant. Pour finir, dans ce morceau il change de prod comme on passe des musiques, on reconnait la prod de Stupéfiant et Noir d’Alpha Wann ainsi que Clan de 2zer, mais certaines sont inconnues encore… Que nous réserve encore Nekfeu ?