Décidément, en voyant le nouveau projet choisi et après les deux derniers articles sur Alpha Wann et Nemir, vous allez vous dire que 16 Mesures ne traite que des rappeurs dont les projets se font désirer, mais il semblerait qu’avril 2018 soit le mois des retours des artistes. Après avoir hiberné pendant un certain temps, Dinos revient avec un album initulé Imany.
Connaitre Dinos
Pour les plus puristes d’entre vous, présenter Dinos serait inutile, mais pour les plus curieux : Dinos, anciennement appelé Dinos Punchlinovic, était une grande figure du rap pendant la période des Rap Contenders. Aux origines camerounaises et né en 1993, Jules Jomby ou Dinos, un surnom hérité de la cour de l’école, a grandi à la Courneuve. Comme beaucoup de rappeurs de sa génération, ce sont les Rap Contenders qui le révèlent, certaines de ces punchlines restent encore en tête. En 2013, il sort un EP intitulé L’Alchimiste sur lequel on peut retrouver Nekfeu sur Bouchées Triples ou encore Namaste, qui deviendra le nom de sa marque de vêtements : Namaste Club en 2017. L’année suivante un second EP voit le jour : Apparences, sur lequel on retrouve le morceau phare Namek (lien vidéo). Par la suite, il annonce en 2015 son premier album : Imany, qui finalement verra le jour qu’en avril 2018.
Analyse Imany
Annoncé en 2015, il justifie ces trois ans de préparation par une volonté d’évoluer musicalement et humainement, un besoin de tester différentes choses, de se trouver son genre musical dans le rap, cette absence est aussi due aux différends avec le label Def Jam.
En attendant la sortie officielle d’Imany, Dinos a dévoilé deux clips extraits du projet, d’abord Flashé qui a été suivi de deux freestyle inédits : Carte Gold et Carte Noire ; et ensuite le clip du douzième morceau : Les Pleurs du Mal. Le vrai coup de cœur fut le visuel de la pochette de Fifou ainsi que le visuel de la tracklist, où il a repris un panneau du métro 7 qui va jusqu’à la Courneuve en remplaçant les stations par les morceaux de l’album.
A la première écoute d’Imany, ce qui surprend auditivement c’est la diversité du flow et des morceaux de Dinos. En effet, on a certains morceaux où Dinos va kicker fort comme sur Iceberg Slim ou Bloody Mary, d’autres où le mood du morceau est planant et parfois très personnel comme sur Hiver 2004 où l’artiste parle de son enfance. On a aussi des morceaux où la rythmique est dansante comme sur Havana et Malibu, Rue sans Nom et Magenta. On a par ailleurs le morceau Sophistiqué qui est découpé en deux parties avec un changement de prod, et un ultime morceau qui s’intitule Presque Célèbre où Dinos utilise une voix modifiée et qui se termine par une outro où il parle, comme si c’était une morale ou une conclusion.
Le premier album de Dinos est un album très personnel et qui marque une rupture avec le Dinos Punchlinovic des Rap Contenders, on peut le voir dans Argentique « j’fais du biff, j’ai plus l’âge d’faire des punchlines ». Cette référence à son « avant Imany » n’est pas la seule. En effet, Quelqu’un de mieux est une référence à son morceau Quelqu’un de biende son projet précédant, une volonté de mettre à jour ses pensées, ou encore dans Iceberg Slim, où il rappelle les célébrités qu’il a pu côtoyer.
Par ailleurs, on a une ligne de métro qui passe dans cet album. En effet, la ligne du « métro S » pour « Sentimental » est une ligne qui s’arrête sur quatre morceaux. D’abord elle s’arrête sur Havana et Malibu, un morceau estival sur le thème du voyage amoureux, puis la station suivante s’intitule Helsinki. Helsinki est un chef d’œuvre, Dinos met en scène un message vocal d’un ex copine, et imagine ce qu’elle pourrait dire. Ce morceau est touchant ainsi que troublant car on peut se demander si ce ne sont pas les véritables pensées de Dinos, ce morceau marque aussi les étapes d’une rupture : déprime, sevrage, convalescence et guérison. Les deux stations suivantes de cette ligne de métro, nous donnent aussi des périodes d’une histoire amoureuse entre Donne-moi un peu de temps et Notifications.
Imany est aussi un album « vide-grenier » : il est rempli de références ! Dès le premier morceau, le titre Iceberg Slim fait référence à Robert Lee Maupin, un écrivain afro-américain du XXème siècle ; ainsi que le pont du morceau qui est un extrait du film Paid in Full. Ensuite, on a une double référence à Baudelaire avec le titre Spleen (mood mélancolique sans cause apparente, caractérisée par le dégoût de toute chose, ndlr) et Les pleurs du mal en référence au livre les Fleurs du Mal, dont le refrain est une reprise de celui de Flynt dans Ça fait du bien de le dire. On a aussi un extrait d’un message de Youssou N’Dour par rapport à l’immigration dans ce même titre, ainsi qu’une référence étonnante à la comptine de la Souris Verte dans Flashé.
Imany est un projet composé de 17 morceaux qui comportent deux featurings : Joke sur Beuh et liqueur et Youssoupha sur Bloody Mary ainsi qu’un accompagnement vocal d’Yseult sur Helsinki. Dinos, dans l’interview pour Booska-P, explique qu’il se considère à mi-chemin des deux invités, entre le style d’un côté et les lyrics de l’autre. Beuh et liqueurs est difficile à comprendre, l’hypothèse de 16 Mesures est que les deux rappeurs font comme être sous beuh et liqueurs à s’imaginer des vies de riches comme dans les films où l’argent n’est pas un problème. D’un autre côté le featuring avec Youssoupha est totalement différent et surprenant. Le Bloody Mary étant cocktail fortement pimenté et épicé, à base de vodka, de jus de tomate, de jus de citron, d’épices telles que le piment, le tabasco, … Les deux s’amusent à kicker sur les défauts de la société en parlant notamment des télés réalités ou encore, caler proprement par Youssoupha, une référence aux différents avec Def Jam France.
Pour conclure, l’album Imany nous montre un autre visage de Dinos, un Dinos qui se livre et qui vient éteindre la période « Punchlinovic » qui lui colle à la peau, un Dinos cuisinier, qui nous fait goûter une nouvelle recette de son travail avec un plat qui est un mélange d’amour, de regrets et de succès. Imany représente le début d’une nouvelle carrière. Une nouvelle carrière qu’on a hâte de suivre.