Bianca Costa a développé sa musique à travers le livre de son histoire entre le Brésil, le Portugal et la France. Généreuse dans son envie de transmettre sa positivité et sa richesse culturelle auprès de son public, voici notre première interview avec l’artiste qui a offert le plus de coups de soleil à nos écoutes musicales de ces dernières années.
Revenons en arrière, tu as eu une enfance entre le Brésil, le Portugal et la France, qu’est-ce que cela t’a apporté cette évolution au sein de ces différentes cultures ?
Énormément de choses. Musicalement, ça m’a permis de construire l’artiste que je suis aujourd’hui. La musique brésilienne est très riche, puis si tu ajoutes la culture portugaise et française, cela fait énormément de références. Sinon, le fait de déménager, ça te forge et ça ajoute à ta personnalité une vraie adaptabilité parce que tu te construis avec des doutes.
Est-ce que tu as des souvenirs d’artistes, que tu as pu entendre petite et qui t’influencent encore dans ta musique aujourd’hui ?
Grave ! Il y a énormément d’artistes de la bossa, du baile funk, je suis inspirée par tellement de genres musicaux différents. Parmi les artistes qui m’ont marqué, on retrouve Nara Leão, Zeca Pagodinho, Bonde do Tigrao, Racionais MC’s..

Et toi, à quel moment, tu te lances dans la musique ?
Il n’y a pas de réel début parce que je chante depuis petite (rires). Ma mère disait qu’avant de parler, je chantais (rires). J’étais la petite fille qui aimait se mettre en scène devant les gens. J’ai toujours eu la musique en moi. En grandissant, ça n’a fait que de se développer. La musique m’a permis de faire un lien entre mes différentes cultures et de m’épanouir. Je rentrais chez moi, je faisais du son, je prenais ma guitare, c’était mon moyen de me sentir un peu moins seule. L’écriture aussi était un bon moyen de canaliser mon énergie et d’extérioriser. J’ai des cahiers et des cahiers chez moi (rires). À six ans, j’avais des groupes et j’écrivais toutes les chansons, en mode, je suis la compositrice (rires).
Tu as commencé à écrire en portugais ?
Totalement, le français est venu plus tard. C’est vers ma majorité que j’ai eue envie d’écrire en français. J’avais un blocage : la musique, c’était en portugais, ma langue maternelle. C’est beaucoup plus simple d’exprimer ses sentiments avec la langue portugaise. C’est une langue ronde, là où le français accroche, et c’est plus difficile de ne pas être trop niais. J’ai eu du mal à me lancer et à me sentir légitime d’écrire en français, mais maintenant, j’adore.

Ton premier projet Florianópolis, ville de ta naissance, sort en 2020, quel regard portes-tu sur ce premier projet ?
Je suis trop fière. Mon premier morceau, c’est Mi Vida, c’est une bossa dans un moment où la musique latine était moins démocratisée en France. Tout le monde me disait de ne pas le faire. On avait du mal à croire que ce côté brésilien plairait, mais j’avais l’insouciance d’une femme de 18 ans : je suis allée au bout de ce que je voulais faire et de mon mélange culturel. Puis, il y a une sincère authenticité parce que personne ne m’attendait, là où aujourd’hui, il y a plus de réflexions stratégiques et financières parce que la dimension professionnelle s’est ajoutée à l’artistique.
Il y a un vrai retour de la scène latine sur le devant de la scène, notamment quand on voit les succès récents de Bad Bunny et de Rosalía, est-ce qu’à un moment, tu as pu te dire que tu ne serais pas comprise ?
Clairement et tout le monde me le disait. Il y a un producteur qui y a cru, Julio Masidi, qui a notamment bossé avec Aya, qui me disait de me faire confiance et de faire ce que j’avais en moi, à un moment où les producteurs disaient que ça ne fonctionnerait pas. Ils cherchaient tous, une nouvelle Louane, donc une ambiance pop/variété. Il n’y avait pas Bad Bunny et Rosalía. Mon insouciance m’a prouvé que j’ai eu raison de me dire qu’il fallait que je fasse ce dont j’avais envie. C’était dur, et encore aujourd’hui ça l’est aussi, parce que, quand tu veux faire quelque chose de nouveau, tu as beaucoup de barrières : le public, les playlists, les médias… On ne sait jamais où te placer, où te mettre : « Est-ce que c’est rap ? Est-ce que c’est pop ? », alors que je voulais juste faire ressortir le Brésil, donc c’est un mélange de tout ça (rires). Je suis tellement contente d’avoir cru en moi, surtout que par la suite, AHOO a été une réponse à toutes mes questions et mes prières.
Justement, AHOO a été hyper important, j’ai eu l’occasion d’en parler avec certaines de tes consoeurs, chacune a une vision et une expérience différente, mais toutes soulignent ta performance, comment tu l’as vécu et qu’est-ce que ce morceau a changé pour toi ?
Quand je suis arrivée sur le tournage d’AHOO, j’étais la plus inexpérimentée. Je suis arrivée solo (rires). J’étais la petite meuf et je sentais qu’au sein de la prod j’étais vraiment la moins considérée. Je voulais amener cette ambiance plus lumineuse dans le morceau avec des rythmes qui me correspondaient plus. Au final, mon couplet, il a trop bien marché. Quand j’ai vu le public chanter « 5 étoiles sur le maillot », j’avais des étoiles dans les yeux. C’est la magie de la musique. Je me suis dit que peu importe les épreuves que j’allais affronter, elles seraient surmontables. Quand tu arrives avec une identité propre, et que ça fonctionne, c’est tellement savoureux.
Tout s’est enchaîné pour toi derrière, tu as eu le projet, Le Baile, en 2023, il venait confirmer, aussi ton nom d’artiste, tu avais de la pression pour ce projet ?
Bien sûr ! Quand tu veux mener à bien quelque chose, tu te la mets volontairement : « Est-ce qu’ils vont bien recevoir ma musique ? Est-ce que j’ai choisi la bonne direction ? ». Surtout que j’avais des morceaux qui fonctionnaient donc je me disais que c’était décisif (rires). J’avais peur de rater mon créneau. Le Baile était tellement important, car certes, il m’a permis d’être plus reconnue, mais surtout de faire de la scène. Après AHOO, beaucoup de festivals voulaient m’avoir alors que je n’avais pas de single d’or. Le Baile a vraiment été construit dans cet esprit de scène. Je pense, c’est la plus grosse différence avec le projet d’avant. Florianópolis était un projet pour moi, Le Baile était pour les shows. J’ai aussi beaucoup appris du public sur scène. Par exemple, quand dans mes morceaux il y a trop de portugais, le public peut être perdu donc j’ai adapté ma créativité aussi avec l’expérience.
Sur ce projet, il y a un morceau qui a eu un vrai succès international, Ounana, comment on se retrouve sur la bande originale d’un FIFA ?
J’ai beaucoup travaillé pour en arriver-là, mais j’ai l’impression d’avoir aussi beaucoup de chances parfois. Il y a des opportunités qui sont venues à moi d’une simplicité et ça me surprend encore aujourd’hui. Ils nous ont contacté, car ils ont kiffé le projet. Au final, ce qui est fou, c’est que Ounana a été voté parmi les meilleures chansons de l’histoire du jeu. C’est une dinguerie ! C’est une des plus belles étapes de ma carrière, même de ma vie. Parfois, j’ai des sursauts de conscience en mode « attends vu que je suis sur FIFA, ça veut dire qu’un Drake ou Bad Bunny ont écouté mon son ? » (rires), parce que tout le monde joue à FIFA (rires).
Dans ta musique, il y a toujours une ambiance très good mood, liée aussi à la musicalité, même quand tu abordes des sujets plus tristes, tu as toujours ce petit côté ensoleillé qui reste…
En fait ce que tu me dis là est hyper vrai et c’est la description parfaite du Brésil : même quand ça ne va pas, ça va ! Quand on est triste, on va dans les bars, on danse, on chante, on n’est pas dans cette culture de s’enfermer et de rester seuls dans nos moments douloureux. On est énormément dans le partage, ce qui fait que j’ai grandi avec ça et ces musiques-là. Tu pleures et tu danses en même temps, et pour moi, c’est ma façon de m’exprimer et de vivre les moments difficiles. J’ai vu ma maman galérer, mais s’ambiancer sur la musique. J’ai envie que les gens qui m’écoutent puissent ressentir une énergie positive même si le morceau est triste. Quand je vois des gens m’envoyer leurs playbacks avec un grand sourire sur mes chansons, c’est là où je me dis que j’ai réussi. C’est important d’apporter du bien aux gens. La musique est aussi là pour divertir, pour aider ceux qui ont besoin d’oublier leurs soucis.

Un des thèmes dont tu parles le plus, c’est l’amour, c’est ce qui t’inspires le plus ?
(rires) C’est l’essence même de mon âme brésilienne. La bande originale de ma vie est composée de chansons d’amour. J’espère que dans ma musique, c’est quelque chose qui va toujours ressortir. Je vois de l’amour partout et quand j’aime, j’aime vraiment. Je peux donner ma vie pour les gens que j’ai près de moi. Il y a tellement de manières d’aborder la thématique : les méandres de l’amour sentimental, l’amour-propre, la famille… Pour moi l’amour, c’est au centre de ma vie, il n’y a rien au-dessus, c’est l’essence de ma vie.
Ton premier album arrive, à quoi peut s’attendre le public d’un premier album de Bianca Costa ?
La première chose, c’est que je ne vais pas trop me dépayser, mais que je vais dévoiler des nouvelles facettes. L’une d’elles, c’est de faire des chansons tristes, donc il va y avoir beaucoup d’émotions et de musicalités. Je me suis beaucoup imprégnée de mes voyages et j’ai ramené les meilleurs producteurs pour ce premier album. On a vraiment investi à fond sur la qualité, des textes aux sonorités, afin d’entendre à 100% Bianca Costa.
La notion d’album a encore une valeur à tes yeux au vu du contexte de l’industrie où le public écoute surtout des singles ?
J’ai grandi avec les albums, j’essaye de m’habituer à cette façon de faire avec les singles. J’ai cette vision où tu prends du temps pour créer un vrai projet. Qu’il marche ou pas, sur le plan personnel, faire un album, c’était trop important pour moi. Même si aujourd’hui le public consomme très rapidement, j’ai un truc perso de me dire : « j’ai fait mon album ». C’est mon univers, c’est ma création, c’est mon bébé (rires).
Je suis obligé de te poser une question, il y a une photo où l’on te voit avec Booba en studio, est-ce que tu peux m’en dire plus ?
Encore une dinguerie (rires). J’ai trop de chances ! Je suis posée chez moi, et on me dit que Booba veut me rencontrer, car il aime ma musique. J’étais trop heureuse ! Booba est une grande référence pour moi. Je suis une pirate depuis longtemps (rires). On s’est rencontré une première fois, on a pris un café. Il est tellement drôle, gentil et dans le partage. Il a été hyper bienveillant et j’ai senti qu’il croyait en moi. Il a un vrai regard sur la nouvelle génération et sur ce qui se fait. C’est impressionnant et un honneur d’avoir pu lui faire écouter ma musique et d’avoir son avis. Après, on a fait de la musique ensemble, est-ce que cela sortira ? On verra bien (rires).
Est-ce que tu as des collaborations que tu rêves de faire ?
En France, j’adore les artistes avec des grosses voix. J’aimerais beaucoup faire un morceau avec SDM. Je pense que notre collaboration pourrait être incroyable. Je vais me contredire sur la grosse voix, car j’adore aussi Hamza. Sinon, on devait faire quelque chose avec Theodora, mais pour des questions de planning, je n’ai pas pu être sur son projet, mais on le fera. Je l’adore. Après, au vu de mon histoire, il y a l’artiste brésilien Seu Jorge. Il m’avait envoyé un DM pour me dire que c’était trop bien ce que je faisais. Ça m’a tellement touché et ému, parce que c’est vraiment l’artiste que j’écoute depuis mon enfance. C’est le roi au Brésil et l’inventeur de la samba rock. Le jour où je collabore avec lui, je me dirai que j’ai bouclé la boucle.
Qu’est-ce que je peux te souhaiter pour la suite ?
Franchement, déjà de sortir cet album. Je vois presque le bout, ça fait deux ans que je suis dessus donc j’ai hâte. J’ai hâte aussi de faire une belle tournée derrière, notamment une grande salle à Paris… Une salle avec des belles lettres rouges devant par exemple (rires)… Par exemple (rires). Si je vais au bout de tout ça, tu peux être sûr que je serai heureuse. Tant qu’il y a la santé, l’amour, que je peux faire de la musique, de la scène et payer mon loyer, je n’ai pas besoin de plus, c’est ça qui me rend heureuse.