Deux ans après notre première interview, réalisée quelque temps après la sortie de son second album Tour de magie, nous retrouvons Souffrance pour ce quatrième opus intitulé HIVER AUTOMNE dans lequel il a convié Isha, Soprano, Chilly Gonzales et Jewel Usain. À l’occasion de cette sortie, il nous fallait faire un point avec l’un des artistes que nous apprécions le plus. 

Eau de source. Depuis notre dernière interview, il y a eu ce troisième album Eau de source, qui a changé et précisé pas mal de choses. Tour de magie était sorti dans une certaine urgence parce que dans ma tête, il fallait vite sortir ce deuxième album. Après cet album, je me suis moins senti pressé dans mon processus créatif.

VORACES feat. Vald – Souffrance

Il y a le featuring avec Vald, Voraces, qui a eu une certaine exposition, tout comme ceux avec Zkr et Oxmo Puccino, mais l’album m’a permis de consolider un public et de confirmer auprès d’un public. Eau de source a eu aussi un impact dans ma tournée. Les salles étaient plus remplies et il y avait plus de ferveur. Mon nom est de plus en plus cité, dans le sens où quand on parle de Souffrance sur Twitter, les gens voient de qui ont peu parler, mais je n’ai pas l’impression d’avoir quitté le milieu de geek du rap pour autant. 

Cet esprit de groupe est hyper important pour moi, c’est une de mes forces. Quand j’écris pour l’uZine, je suis beaucoup plus dans l’amusement. L’investissement est différent parce qu’il est collectif. C’est une autre façon de travailler et une autre façon d’écrire. Puis, l’uZine, c’est vraiment un bonheur en concert parce qu’être à 4, c’est une autre ambiance que solo. Il faut rendre à l’uZine ce qui appartient à l’uZine, j’ai beaucoup profité du tremplin du groupe pour avancer en tant que Souffrance aussi et comme je suis en train d’avancer vers d’autres choses, l’uZine me permet de revenir aux sources, vu qu’on reste très boom bap. Rester à l’uZine permet de rester aux sources. D’ailleurs, on a un album en commun avec Onyx qui arrive. 

C’était un peu un « Je t’emmerde » au public (rires). Le public ne sera jamais mon patron. Je le remercie de me suivre, et que certains d’entre eux sont engagés dans mon art. Seulement comme beaucoup d’artistes, je veux qu’ils sachent que je peux les décevoir à tout moment (rires). J’avais envie d’aller sur quelque chose de différent parce qu’après trois albums, repartir sur un nouvel album, c’est long et beaucoup de travail. Un EP dans ce style, c’est une récréation, même si ELEPHANT reste très underground et très spécial. L’EP m’a fait du bien, et j’ai mis en place comme une fenêtre d’Overton. C’est souvent utilisé dans la politique. Tu poses un cadre de discours, et il y a un mec qui va dire une dinguerie, ce qui va élargir cette fenêtre, et permettre à d’autres de faire accepter des dingueries plus minimes qui ne seraient pas passées avant cet élargissement de cadre. Dans mon art, ELEPHANT préparait à ce nouvel album aussi. Je suis tellement loin avec ELEPHANT, qu’on va se dire qu’avec HIVER AUTOMNE, je reviens au rap, sauf que ça n’a rien à voir avec les autres albums. 

LES MOYENS – Souffrance

Je vois Tranche de vie, Tour de magie et Eau de source comme une trilogie, c’était la fin d’un cycle et d’un axe artistique. Avec HIVER AUTOMNE, j’avais besoin de proposer d’autres choses. 

Ça fait longtemps que je fais des morceaux chantés qui ne sortent pas. J’avais déjà commencé à préparer les gens que je voulais en faire. J’aime faire de la mélo, ça fait un moment que je m’essayais, mais c’était bien éclaté (rires). Dans 93ème zone sur Tranche de vie, j’avais chanté, mais Tango, c’est plus abouti. Le plus difficile pour un morceau comme Tango, ce n’est pas l’écriture mais les techniques de chant et d’arriver à sortir quelque chose qui ne va pas agresser l’oreille. La musique, j’y suis venu assez tard au final. J’ai commencé à écrire avant d’écouter de la musique.

Pour être honnête, après trois albums, bien que je sois hyper reconnaissant de mon public, j’étais un peu déçu de ne pas toucher plus de monde que ça soit par ma musique ou même via les featurings que j’ai pu ramener sur mes projets. Je suis très content de ce qui m’arrive, mais j’ai un ressenti en demi-teinte et j’ai la sensation de toucher un plafond de verre. Puis artistiquement, si tu fais toujours la même chose, tu te fais un peu chier (rires). 

En fait, j’ai la chance d’avoir un public très engagé. Je fais partie de ces artistes qui ont peu de personnes qui les écoute, mais ils les écoutent beaucoup (rires). J’ai une vraie ferveur dans mon public. La Cigale c’était vraiment une folie, j’ai hâte de l’Olympia. 

BILLETTERIE OLYMPIA : https://www.olympiahall.com/agenda/souffrance/

Tout vient de ma rencontre avec Chilly Gonzales et de la magie de Tony (Toxik, ndlr), qui reste le chef d’orchestre de mes projets. On s’est retrouvé à faire un morceau chez Max Kaddouch, un autre pianiste très talentueux avec qui je travaille, et comme on était en hiver, on a fait Barbecue en hiver (rires). Le courant est extrêmement bien passé parce que c’est un passionné de rap. Quand on s’est revu, il nous a donné des clés USB et nous a dit de faire ce qu’on voulait avec ce qu’il y avait dedans. Souvent les musiciens, ils ne veulent pas qu’on touche à leurs compos, Chilly a ce recul et a laissé toute la liberté à Tony de s’amuser, ce qui a donné ce côté organique au projet, il a vraiment la science du rap là où beaucoup de musiciens n’en captent pas l’essence. Après avec le Old School reste organique via le sample qui vient rappeler les instruments, mais comme dans ce nouvel album, on est allé vers d’autres styles, c’était important de garder ce côté organique. Puis, j’ai vu Médine ou Scylla avec des musiciens sur scène, ça me donne envie aussi. 

Je ne me pose pas cette question quand je travaille. Un morceau comme Miroir déformant, c’était une variété à la base, mais j’ai fini par l’adapter sur cette prod. Après, j’imagine qu’inconsciemment ça peut m’impacter, parce que je fais beaucoup de scènes aujourd’hui. À l’époque de Tranche de vie, la scène, c’était compliqué. J’arrivais en festival et je foutais le cafard (rires). Quand je fais de la musique, je ne pense pas à l’idée de faire un banger pour la scène. Si l’instru m’inspire je vais dessus. 

Soprano m’a envoyé un message un jour pour m’inviter à son Planète Rap. J’étais choqué, même si ça aurait pu arriver vu qu’on a un contact en commun qui s’appelle Yanis, que je big up. À la fin du Planète Rap, on discutait avec Soprano et il m’a dit qu’il était chaud pour qu’on collabore. Je ne pensais pas vu qu’ils étaient dans d’autres délires. Yanis me disait que le freestyle était trop chaud, alors j’ai fini par envoyer un message à Soprano pour lui proposer de suivre derrière ce freestyle. Il était chaud et ça a donné ce morceau. J’ai eu le même effet que la fois où j’ai ramené Oxmo, ils m’ont donné la version que je préfère d’eux et ça me touche qu’ils le fassent sur mes albums. Aujourd’hui, il n’a plus rien à prouver. Je parle à sa place, mais je pense que pour lui ça a été une récréation de poser sur ce morceau et c’est ce qui fait qu’il a été aussi généreux dans sa proposition. En plus, il était chaud pour faire de l’image, on est parti à Marseille direct (rires). J’aime bien les artistes qui vont dans différents délires dans leurs parcours artistiques. Le seul frein vient du public, car il peut à tout moment ne plus te suivre et te cracher dessus. Il faudrait que le public dédramatise, si tu n’es pas content de la proposition, réécoute les projets que tu as aimé et laisse l’artiste faire son truc. Quand l’âge avance, les envies changent, on n’est pas des commerçants qui veulent ressortir la même chose.