Quelques heures avant la sortie de son nouvel EP nommé Futura, le 16 est parti à la rencontre d’Abou Tall directement dans son arrondissement parisien d’origine, le 9ème. Sans pression, Abou est plutôt excité et heureux à l’idée de livrer à nouveau de la musique plus d’un an et demi après Ghetto Chic. « Quand tu ne vois pas le bout du tunnel, que tu fais du studio, du studio, du studio et que tu ne sors pas, c’est un peu bizarre » dit-il après avoir passé une année à travailler dans sa bulle.
Après des années de carrière en groupe et en duo avec Dadju pour former The Shin Sekai, Abou part en solo en 2016 et continue à se développer dans l’art qui le passionne. Après quelques titres sortis avec Wati-B, il fonde en 2018 son propre label, Colombe Noire. C’est en indépendant donc, que Ghetto Chic, son premier et très bel album fini par sortir. Content de celui-ci, Abou nous confie qu’il a été perçu justement par son public : « Quand tu fais de la musique, tu te fais toujours une idée de comment tu veux que les gens te perçoivent. Et les gens ont mis le doigt sur tout ce que je voulais faire ressortir ». Alors qu’il l’appréhendait comme tout premier projet, les retours ont été très bons et ont noté la forte diversité de sa musique : « A partir de là, c’est une victoire tout simplement ».
Dans cet album, cohérent et pourtant très éclectique, ressortent plusieurs morceaux. Dans un rap kické tel que son public était habitué, Abou note le featuring avec S.Pri Noir, Eau de Cologne ou encore La Frappe. Dans une autre note plus mélodique, Paris Centre reste un, voire le morceau dont on lui parle le plus. Très sincère et fidèle à Abou, cela se ressent dans l’écriture selon lui. Mention très spéciale à Rat des villes, merveilleux titre qui nous est cher et qui selon ses dires, l’est également pour une partie importante de son public.
« Je suis arrivé dans la musique par le rap, et le rap m’a permis de découvrir plein de trucs. Je suis curieux. J’essaie d’explorer le maximum et de rapporter tous mes goûts dans ma musique. […] C’est ma passion. Si tu m’enlèves le rap, il n’y a plus grand-chose que je sais faire (rires). C’est au centre de ma vie, j’écoute tout le temps de la musique, j’en fais tout le temps, je parle que de musique, la plupart de mes amitiés sont liées à la musique. Je pense que je n’arrêterai jamais d’en faire. »
Dans la création de sa musique, Abou Tall est souvent guidé par l’atmosphère et les sentiments qui le traversent à un moment défini. Sa musique est aussi liée à ce qui ce qu’il écoute, ajoute-t-il. « Cette année j’ai fait quelque chose, l’année prochaine je ne saurais pas te dire dans quel mood je serai, quel album je vais produire ». Cette année en studio a notamment été nourri de « beaucoup de rap, beaucoup de scène anglaise, Skepta par exemple. J’ai aussi écouté beaucoup d’afro. Ça m’a beaucoup inspiré ces derniers temps ».
Depuis Ghetto Chic particulièrement, Abou Tall accorde une place importante aux instruments : « Beaucoup de mes chansons – les meilleures selon lui – naissent à la guitare, j’en ai une chez moi. Par exemple : Rat des villes, j’ai trouvé des accords, la mélodie est venue directement. Il y a toujours ce côté organique. J’ai fait appel à Amine D1 pour l’intro, c’est un violoniste. Je place toujours des musiciens dans mes compos ». Sur scène également, l’artiste préfère le penchant live band et pas juste Dj : « L’organique décuple la musique ».
L’artiste parisien s’éloigne parfois de l’interprétation en écrivant aussi pour les autres, à l’instar d’Océane, Lynda présente sur son premier album ou encore Black M. Quand une bonne idée lui vient mais qu’elle n’est pas réellement taillée pour lui-même, ou quand d’autres butent sur l’écriture de leurs morceaux, Abou Tall intervient et apporte sa fine touche.
De cette année passée en studio, Futura en est le fruit – le fruit rouge au milieu de la corbeille plus justement, à en écouter l’artiste et son manager. En trois titres, l’éclectisme de l’artiste se ressent et la sincérité dans l’écriture est toujours aussi présente. Une entrée par le titre éponyme, un voyage spatial où le « cyborg sentimental » côtoie les étoiles. Les pieds sur terre, le grand frère parle aux benjamins, des Vrai en devenir. Sac à la main, le braquage est en cours, les rêves aux lueurs de lingots.
Pour donner une image à Futura, Abou a travaillé avec Jérémie Masuka, photographe parisien qu’il connaît depuis 2017. Après un shoot réalisé ensemble, les deux n’ont jamais perdu contact, ils ont chacun évolué dans leur art tout en travaillant ensemble à quelques occasions. Futura venant, Abou et son équipe ont une idée bien précise de l’image voulue, et Jérémie était la bonne personne pour la réaliser : « C’est fluide de travailler avec lui vu qu’on se connaît depuis longtemps, on s’apprécie beaucoup et c’est un être humain qui est génial ! ». Faire appel à Jérémie, photographe tourné majoritairement vers la mode, est intéressant dans le rendu très plastique de la cover. Cette dernière donne le ton et la couleur de la future version d’Abou Tall.
« On a envie de s’amuser, on a envie d’être le plus créatif possible. Franchement en ce moment c’est un métier qui me remplit. Chaque fois avec mon équipe, Kara, Houssem, les idées fusent, on est tout le temps en réflexion, tout le temps connectés, à n’importe quelle heure ». Abou Tall et son équipe travaillent sans répit, pour donner au rat des villes le droit chemin et qu’il mange à sa faim, sans jamais être rassasié : « Aujourd’hui on n’est pas dans un truc où on a v’là les grosses avances. On prend du plaisir, ça va payer tôt ou tard » – « On ne dort pas beaucoup mais tranquille », ajoute en rigolant Kara, son manager. Abou Tall nous annonce en avant-première qu’il sera sur scène le 3 juin, au Nouveau Casino de Paris pour défendre notamment ses nouveaux titres et reconnecter avec son public qui lui a tant manqué. L’artiste a déjà des visions pour un prochain album, et veut sans aucun doute continuer dans sa lancée. Les réflexions tournées vers l’avenir, la musique du parisien a un temps d’avance. Avec Futura, cette première escale donne un parfum envoûtant à ce voyage, qui ne fait que commencer.