S’il n’est jamais sorti de nos écouteurs depuis, Luidji nous avait bel et bien laissé sur son premier album « Tristesse Business : Saison 1 » il y a plus d’une année. Luidji a évolué son univers avec cette proposition artistique des plus réussie. La Saison 1 est celle d’un artiste torturé, en deuil d’une histoire passionnante mais pesante. Luidji noie son chagrin et prend son projet comme une véritable thérapie. Agoué – premier titre après la prélude Les gens qui s’aiment – peut se lire comme une outro puisqu’il est enfin libéré et guéri : « Hey, roule un pers’, le négro a survécu donc roule un pers’ ». Luidji y délivre un bilan et une lecture de sa séparation aussi lumineuse que fabuleuse.
J’ai passé tellement de temps derrière ces barreaux invisibles
AgouÉ – Luidji
Y’a tellement de choses à voir et tellement de choses à vivre
Donc j’remercie le ciel d’ouvrir les yeux
D’avoir aimé une fois dans ma vie, car si j’ai tant souffert
C’est qu’c’était sincère puis
J’en souris et soudain j’oublie qu’il a fallu de quelques vices
Pour enrayer la mécanique
Maintenant tu fais ta vie, jusqu’à son épilogue
J’repense au premier épisode comme…
Avec son nouveau projet, « Boscolo Exedra », Luidji nous plonge directement dans une nouvelle histoire. Histoire qui s’inscrit dans la continuité de la dernière, nourrie des leçons tirées, et présentée avec toujours plus de lucidité et de sincérité.
Peu de temps se sont écoulés entre l’annonce et la sortie de cet EP. Pour sa promotion, l’accent n’a pas été mis sur d’innombrables interviews mais bien sur la musique, celle qui lui est propre. Le directeur général de Foufoune Palace a délivré le premier extrait et titre éponyme à son public, puis a directement interprété le deuxième extrait Le Rouge dans les studios bruxellois de Colors. L’occasion pour lui d’enregistrer une superbe interprétation du titre Système, issu de « Tristesse Business ».
Dès les premières notes, Luidji a ce besoin d’être transparent avec la femme qu’il séduit. La « Mauvaise nouvelle » en question est l’arrivée de l’artiste dans sa vie, qui se considère lui-même comme « le démon ». Quelques mesures plus tard, son goût pour Prada le mène à se comparer au diable. Luidji a développé avec ses rencontres ce besoin de dire la vérité, de se présenter sans masque ni stratégie. Il ne cache pas ses qualités et affirme sans frein ses défauts. Cette honnêteté débordante se retrouve dans cette phase crue et si propre à Luidji :
Tu n’as pas la tête de ma femme
Mauvaise nouvelle – Luidji
Mais tu as la tête de la femme
Avec qui je vais tromper ma femme
« Mauvaise nouvelle, si jamais le démon tourne autour d’elle » laisse place à « Mauvaise nouvelle, est ce que tu te souviens de nous ? » au début du second morceau intitulé Le Rouge (en référence à un club fréquenté par Luidji à Pigalle, Paris). Comme sur le premier album, Luidji se plait à déstructurer l’histoire et à directement annoncer le fin mot de l’aventure. Il est clair avec son public comme il l’est avec ses rencontres amoureuses. Malgré les préventions, cette femme qui l’accompagne au milieu du Rouge est tombé dans les travers du jeune parisien, « le vol en direction des problèmes » est réservé.
Luidji veut alors fuir la capitale et ses velléités, retrouver sa « tranquillité d’esprit » et l’aimer le temps d’un weekend prolongé avant de reprendre ses activités. L’invitation à partir sur la côte niçoise est lancée, plus particulièrement au Boscolo, luxueux hôtel avec « piscine sur le -oit ». L’histoire se construit avec cette jolie Sirène, et Luidji réussit à retransmettre à son auditoire les différents sentiments qui le traverse. En peignoir sur le toit du Boscolo, l’artiste fait un bilan de la Saison 1 et se « remercie – très justement par ailleurs – pour les travaux » : 54 flows différents et guichets fermés à chacun de ses shows, c’est « bien trop pour un seul homme » dit-il.
Une fois de plus, ses désirs forment un véritable Manège. Ses occupations, ses interrogations tournent en boucle en suivant le même circuit. Son seul moyen pour s’en sortir est la scène : voire la foule chanter, partager et panser ses blessures. Si la musique de Luidji est très personnelle et raconte des moments de vie privée, elle a cette force d’être malgré tout largement partagée. Son écriture en est le principal facteur explicatif, la langue qu’il utilise est universelle et éveille de nombreux sentiments.
Tu sais ce qui me ferait plaisir ?
Manège – Luidji
Me rapprocher de ceux qu’j’aime, et pire
M’éloigner de ce que je désire
Le dernier titre, du même nom que l’EP, est un condensé de toutes les humeurs et (més)aventures vécues durant ce bel été. « Les sirènes appellent les sirènes, ça devient complexe », Luidji séduit, aime ça jusqu’à devenir son « propre cliché ». L’histoire avec cette mystérieuse femme s’est donc finie le quatorze du mois, et Luidji sait encore qu’il est la cause de cet aurevoir. Comme si ce n’était pas suffisant pour lui d’avouer ses fautes, il montre son côté égoïste de l’amour avec cette phrase : « J’me plongeais dans tes yeux seulement pour y voir mon reflet ». Le reflet trop parfait de sa « peau caramel » et de lui-même.
La musique de Luidji est, avec tous ses instruments et l’interprétation qu’il fait de ses écrits, lumineuse malgré des paroles très soucieuses et pas toujours très heureuses. Ces 5 titres, qui peuvent se lire et comprendre en un seul et même morceau, forment une suite logique dans le processus créatif de Luidji. Les aventures se font et se défont, et les mots viennent se poser avec le recul, autour de points d’accroche comme le Boscolo. Une fois encore, la sincérité de Luidji n’est plus à prouver avec ce nouveau chapitre.