Bien que la musique soit au centre de la culture rap, le visuel est lui aussi très important. L’artiste peut ainsi s’inventer, se démarquer mais aussi laisser son empreinte en plus de son identité musicale. C’est pourquoi chaque album est doté d’une couverture, dite cover en anglais, la plupart du temps réalisée par un photographe et/ou graphiste spécialisé. 16 Mesures a décidé de revenir sur certaines covers qui ont marqué la culture rap.
Qui est Koria ?
Koria est un photographe, graphiste et directeur artistique parisien. Depuis plus de dix ans maintenant, il est l’un des pionniers du croisement entre photographie et musique urbaine. D’abord en tant que graphiste, il détestait suivre les cours de photographie. A force de travailler avec différents photographes, il a fini par se pencher sur cet art. Koria est donc un artiste complet, ce qui lui permet de travailler sur des covers variées d’artistes aux univers différents. Sa persévérance lui a permis de dépasser les frontières en photographiant des stars mondiales comme Wiz Khalifa par exemple.
SCH – Deo Favente (mai 2017)
L’artiste s’est vu offrir la cover des trois premiers projets de SCH : A7, Anarchie et Deo Favente. Ce dernier et sa cover ont largement marqué la carrière du rappeur et du photographe. Elle est le résultat de l’addition de deux albums réussis qui ont permis au « numéro dix-neuf » d’atteindre une certaine popularité.
Le rappeur marseillais est assis sur une chaise, torse nu, comme s’il marquait un temps de repos dans cette vie d’artiste. Koria a fait couler sur son haut du corps et ses mains une peinture dorée. Cette imitation dorée renvoie à la luxure et à la réussite qui font désormais corps avec SCH. Dans ses mains il tient une couronne triomphale. Cette couronne de lauriers est une distinction honorifique symbolisant la gloire de celui qui la détient. SCH rappelle ici la figure de ‘Caius Julius Caesar IV’, le général romain Jules César, souvent représenté avec sa couronne dorée. Derrière lui se trouve un rideau de velours, de couleurs bleu et rouge. Ces deux couleurs cachent certains symboles, Koria et SCH voulaient donner un esprit « Renaissance » à la cover. Le bleu a accompagné la puissance grandissante du roi de France. Le rouge renvoie bien sûr au sang, mais il fait aussi référence à un symbole d’ordre. Le mélange de ces deux couleurs se résulte par du pourpre, couleur impériale. Avec une telle pochette, qui se détache de toutes, SCH a atteint le disque de platine en la faveur de Dieu.
Jul – Je ne me vois pas briller (juin 2017)
Koria a travaillé avec Jul à de nombreuses reprises. La cover de Je ne me vois pas briller reste néanmoins sa préférée. L’artiste parisien s’est rendu dans le quartier nord de Marseille, à la rencontre du rappeur. Il a fallu très peu de prises pour que le binôme soit satisfait. Cette cover respecte la simplicité et l’humilité de Jul, qui rend hommage à sa ville par la même occasion.
Au premier plan, on retrouve les proches du rappeur, encerclés de fumigènes. On aperçoit difficilement Jul au milieu de tous ces visages. Il se fond dans la masse, il est comme tout le monde, comme les siens, malgré son succès. Jul reste humble à l’image du nom de l’album. Il affirme son indépendance et son identité à travers les tee-shirts et casquettes portés par son équipe : « D’Or et d’Platine, maintenant tu connais ma marque ».
Derrière cette pyramide, on retrouve la cité phocéenne avec la « Bonne Mère », Notre Dame de la Garde, qui domine la ville. Le soleil est évidemment présent sur cette pochette, en plus de l’être dans sa musique et dans sa personne. Koria a totalement respecté l’univers de l’artiste et son attache à la « zone ».
Niska – Commando (septembre 2017)
Disque d’or en deux semaines, puis disque de diamant un an après, Commando est un véritable succès permettant à Niska de s’inscrire parmi les meilleurs et a Koria de s’affirmer comme un grand artiste.
Koria est très fier du travail réalisé pour cette cover. Avec peu d’éléments apparents, cette photographie est pleine de caractère. Le « Charo » Niska est vêtu d’un simple débardeur blanc et d’un gilet par balle. Le collier de balles, l’imposant talkie-walkie militaire et enfin sa paire de lunette dorée font l’authenticité de la photo. Le maquillage posé par Koria, les touches de lumière rouge et la fumée en fond accentue le caractère sauvage du rappeur originaire d’Evry. Malgré qu’il y ait peu d’éléments, ils sont merveilleusement bien agencés et optimisés pour retranscrire la férocité présente dans sa musique. A travers cette covers, Niska ressemble à l’impressionnant Barracuda de L’Agence tous risques, personnage incarné par Mister T. Niska et Koria, chacun pour leur talent respectif, méritent cette prestigieuse certification.
Kery James – J’rap encore (novembre 2018)
Réaliser l’artwork d’un rappeur emblématique tel que Kery James est sans aucun doute un honneur pour Koria. Avec l’aide de la réalisatrice et amie de « Daddy Kery », ils ont ensemble imagé le dernier album nommé J’rap encore.
Comme à son habitude, le rappeur tient à être présent sur la cover. Koria a fait preuve de simplicité tout en respectant le côté poignant et sincère de l’artiste. Le rappeur aux textes engagés semble ici serein mais pensif. Son regard peut être lu de différentes manières, bien qu’il semble regarder le monde qu’il déplore dans ses textes. Mais tout l’impact de la cover réside dans le poing que Kery James lève. Le poing levé est une véritable figure de contestation. A la manière de Mandela, ou encore des Américains noirs, médaillés olympiques en 1968 à Mexico, le symbole est là. Une référence également à son classique Musique Nègre et au symbole du Black Power. L’impact politique et social de ses textes résonnent sur cette cover. Enfin l’effet vitrée et poussiéreux, et les inscriptions jaunes et blanches adaptent la photographie en cover, pour qu’elle soit pleine de sens.