Amoureux de la musique, Rémy le montre à travers le choix de ses instrumentales et de ses compositeurs. Comme pour son premier album, il a fait appel au compositeur et pianiste Sahridj Ghezali pour sublimer ses textes. Passionné d’un rap plus à l’ancienne, plus conscient, il suit ce chemin en mettant en valeur ses textes et sa capacité à transmettre des émotions. Aucunes prétentions de prôner un rap meilleur que la tendance actuelle, il respecte tout simplement ses influences et la musique avec laquelle il a grandi. Sa musique ne touche pas le grand public aujourd’hui, mais cela n’enlève en rien tout son talent.
Connaitre Rémy
« J’ai grandi à Aubervilliers, pas loin de Paris dans le 93, et je viens des trois cités collées du centre : Pont-Blanc, Hémet, Vallès. Aussi appelé La Frette. ». C’est ainsi qu’il introduit le clip de son morceau Alibi avec Leto. De son vrai nom Rémy Camus, le jeune rappeur est né d’un père ouvrier et d’une mère gardienne d’immeuble. En grandissant à Aubervilliers, « Réminem » a été bercé dans le rap depuis son plus jeune âge et s’est forgé une véritable empreinte musicale.
C’est à Auber qu’il rencontre l’ancien membre du groupe Tandem, Mac Tyer, qui l’a pris sous son aile et qui le suit encore quotidiennement dans son travail. C’est un véritable mentor pour le jeune Rémy. Signé chez Def Jam à 20 ans, il sort son premier album intitulé C’est Rémy en mars 2018, et qui devient 1 an et demi plus tard : disque d’or. Hormis ses propres projets, on a rarement vu Rémy en collaboration, mise à part quelques exceptions comme sur 93 Empire.
Analyse Rémy d’Auber
Ce projet s’ouvre par le titre éponyme Rémy d’Auber. Cet extrait introductif met en avant les capacités du rappeur. En cherchant à aiguiser sa rime et expliquant pourquoi il écrit, l’auditeur entre directement dans l’univers musical de l’artiste d’Aubervilliers. Le morceau qui suit est dans la continuité du premier mais est une véritable introspection. Sur la douce guitare d’Olala, Rémy compte sur le temps et sa bonne étoile pour réaliser tous ses souhaits les plus profonds : s’éloigner de la cité à travers la réussite, atteindre les sommets et s’envoler pour « être plus haut que la tour Eiffel » ou encore rencontrer sa destinée au caractère de Sakura, héroïne du manga Naruto. Bloqué, ces objectifs lui semblent lointains, mais le temps fera les choses.
« Hey, c’est la guerre même à Rue d’la Paix, nos darons lavent des carreaux, c’est dans les grandes peines, qu’on a vécu tous les grands K.O »
Ohlala, remy
Sur ce second album, Rémy a tenté de sortir de sa zone de confort pour être davantage dans l’air du temps et toucher un nouveau public. Le pari est réussi. Contrairement à son premier album, l’auditeur trouve désormais des morceaux plus rythmés, plus trap, mais aussi deux invités en plus de l’inévitable Mac Tyer.
Le premier morceau qui diffère de ses précédents est Repeat. Entre détaille et code pénal, succès et conséquences, Rémy entame une course poursuite dans cet extrait plus trap. Le storytelling qui lui est singulier est ici moins présent, mais la « patte » de Rémy est tout de même reconnaissable. Le second morceau est Motel, en featuring avec son mentor Mac Tyer et le jeune rappeur Dinero, un trio tout droit venu d’Aubervilliers. Enfin, le featuring avec Leto sur le morceau Alibi permet à Rémy de s’élever dans un morceau prenant et addictif. Le combiné entre la modernité de Leto et les influences passées de Rémy est parfait. Ces performances donnent une dimension différente à cet album et à l’artiste.
« Il est 4h26, j’ai les yeux qui plissent, j’vois l’mauvais côté du coup, j’ai les mots qui blessent.
Ils m’parlent d’excitation dans le risque, poto, jamais d’loin de l’hésitation pour le reste »
alibi, rémy
Mais Rémy reste fidèle à lui-même et au rap qu’il aime, au grand bonheur de ses auditeurs. Sur Notes de piano 1/2, l’artiste offre un morceau plein de rage et de sages paroles, une minute de piano qui connaîtra une seconde partie tout aussi mélodieuse à la fin de son album. Comme le titre le montre, Isolé vient, lui, aborder la solitude dans laquelle Rémy est épris. Entre le manque d’argent et le peu d’avenir qu’offre la rue, la tristesse et la mélancolie font de ce morceau, le nouveau chef d’œuvre du rappeur d’Auber.
La mélancolie ne s’arrête pas là. Entre les savoureux C pas que, Je le sais et la Street, les écrits de Rémy viennent faire raisonner les murs des bâtiments gris d’Auber. Comme avait pu le dire PLK « le quartier, c’est fade, l’argent rajoutera le sel », pour Rémy se sont ses écrits. Ils sonnent à la fois comme des cris de détresses, par la réalité qu’ils dégagent, mais également comme des libérations, par l’espoir qu’ils provoquent.
Les écrits de Rémy sont le reflet de la vie en banlieue mais également ses douleurs. Lors d’un freestyle Planète Rap, Rémy rappait : « M’en voulez pas quand j’parle de lui [son père], mais son absence me fait du mal j’finirais p’tetre bien par lui dire ». Daron est une lettre ouverte à son père, revenant sur son abandon. La culpabilité, la rancœur, la haine, voilà ce qu’on peut ressentir dans ce morceau très personnel. Mais Rémy va passer de la haine à l’amour, avec le morceau intitulé JTM VRMNT. Là aussi, il consacre un titre à un nouveau thème qu’il a très rarement abordé, sa relation avec une femme et l’amour qu’il lui porte.
« Ma musique ne marche pas car elle transmet » dit-il dans son morceau Daron. Rémy est conscient de son ancrage à la « vieille école », bien que jouer de sa plume n’est pas le plus rentable de nos jours. Le lyriciste est loin d’avoir vendu ce qu’il mériterait. Même s’il devrait avoir une reconnaissance et un soutien d’une plus grande taille, le talent et la plume de Rémy se chargeront avec le temps de conquérir un plus grand public. Nous en sommes persuadés.