Entre introspection et démonstration de style, le tout bien sculpté dans des prods taillées dans la pierre du temps pour rester dans l’actualité, Les mains faites pour l’or, représente le premier vrai aboutissement de Tisma après les deux projets Happy Dayz et Tismadelafonsdal. Entretien croisé avec le nouveau prodige de la rime et le Chroniqueur Sale, pour leur projet commun. 

LCS : Tout commence au moment des Sales Versus (émission qui oppose deux rappeurs sur des instrumentales et le public détermine le vainqueur, ndlr). Il y avait un lien dédié pour candidater et je reçois un truc très chaud sur une Face B. Quand, je reçois un bête de son, je vais fouiner derrière, car un morceau excellent peut être un accident (rires), et je vois rien nulle part (rires).

Tisma : (rires) 

LCS : Je lui réponds que j’ai kiffé le morceau, qu’il y a de la technique, mais que, quand j’invite quelqu’un au Sale Versus, il faut qu’il y ait déjà quelque chose de sortie avant, car le but est qu’il fasse sa promo. Quelques jours plus tard, il passe dans un de mes lives YouTube dans lesquels j’écoute des morceaux et on en fait des critiques constructives avec le chat. Tisma nous fait écouter plusieurs titres. 

Tisma : Je m’étais dit que le Sale voulait en écouter plus, alors j’en ai envoyé plus (rires). 

LCS : Là, j’étais convaincu, il était fort. Il fallait qu’il vienne même s’il n’a rien dehors. Le deal était le suivant : entre le tournage et la sortie du Sale Versus, il fallait qu’il ait quelque chose dehors. Il a plié un 5 titres en vif (rires).

TISMA & LE CHRONIQUEUR SALE – JOB JAB JOG

Tisma : De base, ce n’était pas du tout ça le plan (rires). J’étais en Belgique, je faisais des études de danse. J’étais loin du milieu rap même si j’en ai toujours écouté, surtout du rap US, vu que je faisais de la danse hip-hop. Je commence à me mettre à faire du son parce que j’avais de quoi en faire chez moi. Je connaissais le Chro par ses vidéos et j’ai vu qu’il y avait ce truc de Sale Versus. C’est tombé au bon moment parce que je décide une semaine avant de rentrer à Paname, car je ne savais pas ce que je voulais faire.

LCS : J’aimerais bien reprendre, juste il me faut un nouveau partenaire parce que ça coûte des sous. C’était une carte de visite et une belle exposition pour les jeunes artistes quasiment inconnus. C’était un de mes formats préférés. 

Tisma : Quand je me suis mis à écouter du rap français, c’était la version française de ce que je pouvais écouter en US. C’était logique pour moi. Les premiers que j’ai écoutés en rap français, c’était L’Entourage. Ça a été une vraie porte pour découvrir tout son microcosme qui gravite autour comme la 75e session, Limsa…

LCS : En soit, je ne fais pas tant de prods que ça aujourd’hui, mais ce qui me fait kiffer, c’est d’être curateur. Si la chaîne peut encore servir à booster des jeunes artistes, je le ferai. À l’époque, quand j’étais plus actif, je voyais que cela avait un impact. C’était une force. Toutes les maisons de disques rêvent d’avoir ce type d’influence pour booster leurs poulains (rires). J’aime l’idée d’ouvrir des fenêtres et orienter les auditeurs vers de bons artistes en développement. À un moment donné, je ralentissais les vidéos, mais je bombardais les lives et on découvrait des artistes de fou. J’adore voir les gens progresser, suivre les conseils de la communauté et revenir avec des nouveaux morceaux plus travaillés. C’est un travail de DA dans l’ombre (rires). Tout ça m’a donné une légitimité d’avoir ce rôle-là, donc j’ai monté mon truc et signé des jeunes. Parler de rap, ça me plaît moins, surtout que beaucoup le font dans tous les sens, avec pertinence ou non. Je m’y retrouve moins. Par contre, je kiffe encore faire de la musique, mais je n’en fais pas une obligation, je ne cherche pas à placer.

TISMA & LE CHRONIQUEUR SALE – MES ENCEINTES, MON MICRO

LCS : Je me dis qu’ils valent ce qu’ils valent et que les gens qui les ont kiffés, les ont kiffés à fond. Ce ne sont pas des projets qui ont explosé, ils restent niches. Je n’ai jamais été dans le mainstream, je n’ai rien contre, mais je ne me suis jamais ancré dans ça. Je préfère la musique conventionnelle qui a du charme. 

Tisma : Happy Dayz, c’était un vrai délire. C’est le moment où on s’est vraiment connecté avec le Chro et qu’on s’est mis à bosser ensemble. À ce moment-là, j’avais un milliard de 16, 32, 64 mesures, mais pas de morceaux. Je n’avais rien de construit. L’idée était de faire un projet et le Chro a eu une illumination (rires). Il me propose de faire une mixtape à l’américaine, des années 2000… 14 titres courts qui s’enchaînent du début à la fin. J’étais chaud de fou, car c’était mon école. On savait que c’était hyper niche. Je me demandais même si des gens allaient sombrer sur ça (rires). J’y croyais. Le fait de me dire que je suis arrivé avec ça en premier projet me rend hyper fier. Pour l’EP, j’ai rencontré Guy par le biais de GAL. C’était hyper naturel et ce projet me permettait d’avoir aussi une autre carte dans mon jeu après Happy Dayz

LCS : Après ses deux projets, on avait des morceaux à droite et à gauche, car il bossait avec plusieurs personnes, sauf que ça n’avait pas trop de liens, puis Happy Dayz, c’était du rap orthodoxe, avec Guydelafoncedall, c’était du neo-boom bap, et on s’est dit qu’il fallait recentrer. 

TIsma : Il fallait qu’on fasse des vrais morceaux. 

LCS : On s’est dit que le mieux c’était de le faire avec un seul beatmaker. Au bout de quelques morceaux ensemble, le faire ensemble devenait évident et cohérent. On sait ce qu’on aime ou pas. Après l’idée de le vendre en projet en commun, ça s’est réfléchi à la dernière minute. 

Tisma : Perso, j’étais vraiment dans une gamberge où il fallait faire des morceaux, donc j’étais dans une recherche de structure et pas d’une démonstration de style, car en vérité, je n’avais fait que ça. Ce projet m’a fait mieux comprendre la construction d’un vrai morceau et comment je me sers de mes atouts. 

LCS : Il a vite appris à se cadrer tout seul, je n’ai pas été si imposant dans mes conseils. Les artistes savent ce qu’ils veulent. Je n’ai pas la science infuse et je peux être à côté de ses envies. 

Tisma : En soit, c’est surtout sur la réalisation que tu as été décisif. Même si on est d’une génération différente, on a les mêmes goûts musicaux, en vérité, on kiffe les mêmes choses. 

LCS : Je n’avais pas d’enjeux particuliers, je voulais seulement que les prods ne soient pas trop poussiéreuses pour éviter que les morceaux vieillissent mal.

LCS : Pour moi, c’était avant tout de faire encore un peu plus ressortir son nom pour montrer qu’il est bien là et qu’il est prêt. Il est là l’objectif, surtout qu’il fait partie d’une scène avec des Papy Teddy Bear, Toothpick, GAL… C’est une sorte de grand collectif qui est en train de monter tous ensemble. Ils me font vraiment kiffer. L’Or dans les mains participe à cette dynamique.

Tisma : Le moment où notre vie en tant que rappeur était différente, c’est le Sale Versus. On est passé d’un gars dans sa chambre au gars qui a fait tel truc. Je ne le dirai jamais assez, c’est grâce au Chroniqueur qu’on s’est tous connu et qu’on se tire tous vers le haut. 

LCS : Et ça me fait plaisir de continuer de participer à tout ça. 

Tisma : Je crois que la scène, c’est ce que je préfère. J’adore écrire et poser, mais la scène, je la connais depuis toujours avec la danse. Je pense qu’il y a une vraie plus-value parce que des gens m’ont découvert comme ça et sont allés écouter ensuite. Dans la vie, je suis un gars dans son coin, mais quand je suis sur scène, c’est mon terrain, je sais pourquoi je suis là et je me sens intouchable.