« Tu sais Mathieu, le vrai amour, c’est aussi pur qu’un diamant », c’est avec un enregistrement de sa grand-mère que Karmen concluait son premier projet 100 diamants. Un projet qui signe un retour puissant de l’artiste grenoblois anciennement nommé Tortoz, et dont l’outro amorçait un premier album personnel deux ans plus tard : Comment t’aimer sans diamants ?

Après plusieurs années sous le nom de Tortoz, Karmen a fait son retour en 2023 avec le projet 100 diamantset son hit Caprice en annonçant récupérer le prénom de sa grand-mère espagnole en nom d’artiste. Un choix plus personnel et qui intervient suite à une lassitude de son ancien nom de scène. Ce premier projet de 10 titres, fut suivi de l’EP en deux parties : Motel Studio dans lequel on retrouve notamment Jok’air, Smeels, YG Pablo et J9ueve. Comme évoqué dans l’interview exclusive de notre magazine volume 4, Motel Studio était un moyen pour Karmen de délivrer de la musique à son public pour le faire patienter en attendant son album, avec des morceaux qui lui tenaient à coeur mais qui n’entraient pas dans la future DA de ce qui se nommera : Comment t’aimer sans diamants ?

100 diamants est un projet rempli d’attitude et dévoile une facette de Karmen qui a ce besoin de flexer avec un vrai amour pour le brillant et la luxure. Motel Studio, quant à lui, c’est l’apaisement après cette démonstration publique qui laisse apparaître quelques cicatrices.

En suite cohérente à toutes ses précédentes sorties, Comment t’aimer sans diamants ? s’inscrit comme un album de rap aux influences flamenco dans lesquelles le petit Mathieu a grandi. Le choix d’utiliser ses influences apportent, certes une ambiance hispanique prononcée notamment quand on entend l’interlude Les disques de mon père ou dans ses textes : « En bas de chez moi quand la caravane passe c’est les guitares qu’aboient » (CONTROL), mais surtout, une identité propre dans un rap français répétitif. 

« Les cordes de guitares chantent la B.O de ma life » – TOTO

Ce parti pris d’aller dans une direction artistique qui lui convenait et qui lui correspondait au détriment de ce qu’il se faisait dans le mainstream, lui ait venu avec le temps, notamment en travaillant pour d’autres artistes comme Shay, PLK, Lacrim ou encore Mister V. Cette sincérité artistique vient souligner cette fraicheur musicale qui risque d’offrir des rayons de soleil aux curieux qui lancent ce premier album hyper personnel. 

Madonna clôturait 100 diamants avec un extrait de sa grand-mère Karmen et ce premier album démarre par un featuring avec cette dernière qui chante son amour pour MALAGA, sa ville d’origine, qui vient faire écho à un autre morceau de l’album GVILLE MON AMOUR, où l’artiste grenoblois dévoile ses sentiments pour sa ville avec ses hauts et ses bas.

« Chez nous on crie pas à l’aide. On ferme sa gueule еt puis on prie qu’ça s’arrête » – CHAMBRE 224

En parlant de hauts et de bas, Karmen a dû affronter une épreuve marquante et éprouvante qui aurait pu lui faire arrêter définitivement la musique. Si jusqu’à présent, seulement quelques punchlines étaient parsemées ; dans ce premier album, Karmen se livre sur son passage à l’hôpital et sur l’impact que ça a eu sur lui dans le morceau : CHAMBRE 224, précédé d’une interlude de sa grand-mère qui récite la prière Nuestro Padre

Si l’album se veut ultra personnel, il garde néanmoins pour fil rouge ce qui anime chaque humain : l’amour. Comment t’aimer sans diamants ? vient poser les bases d’un amour pur, sincère et éternel de son grand-père avec sa grand-mère à travers des enregistrements audio d’elle, en opposition avec l’instabilité affective de Karmen qu’il compense par du superficiel : « Elle veut ci, elle veut ça, j′achète ce qu’elle veut » (IBIZA). 

« J’ai des cicatrices au cœur qui partent pas » – CONTROL

On retrouve cette relation fusionnel avec ses démons dans le morceau POUR OUBLIER. Bien qu’il se rende compte que cet amour pour le brillant n’est pas utile, c’est à travers les yeux de sa mère que ce constat-là lui fait mal. L’ajout des enregistrements de sa grand-mère sur la pureté d’un amour sans avoir besoin de diamants, appuient le problème qu’il rencontre avec lui-même : compenser le manque de démonstration sentimental par le matériel. 

Pourtant la solution pourrait être trouvée. Si le problème vient de ses sentiments, l’amour rapide sans prises de tête pour être la solution comme dans TOTO ou NO LOVE, cependant les vices de cet amour superficiel et express, ne lui apportent pas le réconfort quotidien qu’il recherche. C’est en vivant ce genre de relations que Karmen comprend que les diamants qui shine comme dans MA SIDE, ne sont pas l’essence de l’amour. À noter que dans le refrain de MA SIDE avec Jok’air, ils reprennent la mélodie de Nate Dogg sur 21 questions de 50cent. 

Les diamants brillent autant que les yeux de celle qui l’accompagne et Karmen le sait puisqu’il raconte les déclarations qu’elle peut lui faire et qui le touchent : « Elle m’dit des « Je t’aime » mais c’est pas comme ceux d’ma mère » (DE L’AMOUR À LA HAINE) ou encore « Ma Léléa m′dit que j’ai un cœur en titane » (YOUNÈS ET NAHIM). 

Certes il veut mettre de l’or sous ses pieds en guise de déclaration, mais il essaye aussi de lui faire plaisir par des petits gestes comme la laisser mettre du Booba plus mainstream comme le morceau Médicament avec Niska plutôt qu’un morceau avec le groupe Malekal Morte, ou encore qu’il va dans son sens même quand il sait qu’elle a tort. Il se rend même compte dans le dernier morceau qu’elle met de la couleur dans son ciel ensoleillé, car Karmen se positionne comme un nuage triste, c’est à dire, un artiste aux influences chaleureuses qui chantent leur mélancolie « J’ai rajouté nuages au ciel » (LÉLÉA)

« J’rachète ton cœur avec d’l’espèce, tant qu’y a du flouze, y a d’l’espoir » – ALICANTE

Cependant tout ceci ne suffit pas et il le sait : « pourquoi j’suis comme ça, dis-moi? » (JE REVIENS VITE) ou encore « « Toi tu pleures et tu t’demandes comment nos deux mondes ont fait pour se plaire » (TRISTE ÉTÉ). Comme il le dit dans TRISTE ÉTÉ, il a beaucoup de mal à dire à celle qu’il aime ce qu’il ressent. La musique devient alors son seul moyen d’expression : « J’t’aime passionnément, un peu beaucoup, te l’dire dans les yeux, nan c’est pas facile. J’avoue sentiments qu’sur Protools » ; comme il peut le faire sur LÉLÉA : « J’ai besoin d’toi » et « Heureusement qu’t’étais là ». 

CONTROL, Karmen

Cette mélancolie démontre toute la sincérité de Karmen comme si le diamant qu’il a dans la poitrine atteignait les 700 degrés Celsius et qu’il fondait, laissant apparaître ses cicatrices : son passé, ses épreuves, une relation terminée dans CONTROL : « J’ai perdu le Control je suis désolé, là où t’es j’espère que tu t’en sors », la douleur qu’il ressent dans les yeux de ses proches par sa faute, et le fait qu’il ne soit pas démonstratif et qu’il le paye « J’aurais pu n’pas passer ce triste été, si j’savais dire « Je t’aime » ». Une mélancolie qui touchait aussi son grand-père comme le raconte sa grand-mère dans TRISTE ÉTÉ mais qui fut surmontée lorsqu’il prit la décision d’embrasser celle qu’il aime. Une image romantique dont la volonté de s’en inspirer par le futur se fait ressentir chez l’artiste grenoblois, conscient désormais que le problème vient de lui. 

Porté par le hit ALICANTE avec PLK, Comment t’aimer sans diamants ? a tout pour convaincre à un moment où le rap se lisse et manque parfois de profondeur musicale et d’écriture. Des morceaux plus estivaux, aux audios de sa grand-mère, sans oublier la mélancolie qui traine à certains moments comme sur IBIZA, Karmen offre au public, un premier album précis et aboutit dont la dimension personnelle devient universelle.