Dans le football, quand une grande équipe recrute une nouvelle pépite, il faut s’y pencher pour comprendre son histoire, découvrir ses compétences et son potentiel. On pourrait réaliser ce parallèle-là dans le rap et c’est toute l’intention de cet échange avec le nouveau prodige marseillais du label SPKTAQLR : Steban.
Enfant de la cité phocéenne, où se croisent différentes cultures, avec quelles musiques as-tu grandi ?
C’était un mélange entre la musique que j’entendais à la télévision et celle de mes parents, qui était essentiellement de la musique africaine. Mon père était aussi très à propos de la funk et des artistes afro-américains comme Mickaël Jackson, Kool & the Gang, Marvin Gaye… Puis dans mon quartier, comme dans beaucoup d’autres, on écoutait beaucoup de rap. Je suis un mélange de tout ça.
C’est assez jeune que te vient cette envie d’écrire ?
Totalement et pour aller plus loin, dès le collège, dans ma tête, j’étais déjà un rappeur (rires). J’avais déjà cette étiquette parce que je m’appropriais les codes de cette culture notamment par ma façon de m’habiller. On gribouillait quelques rimes dans les cahiers. J’avais ce truc en moi « de rappeur », qui s’est développé avec plus de sérieux par la suite.

Tu as évolué avec quels rappeurs du coup ?
Mes grands cousins écoutaient le rap français de l’époque comme Secteur Ä, Fonky Family, Time B.O.M.B, Ideal J, et j’ai baigné dans ça. Même mes pions me parlaient d’IAM (rires). J’ai un souvenir qui me revient. Quand j’étais petit, avant d’aller à l’école, je regardais les clips sur M6, et il y avait celui de Passi avec son morceau : Je Zappe et Je Matte qui m’a vraiment marqué par l’attitude qu’il dégageait. C’est plus tard que j’ai véritablement fait mes devoirs.
Tu as cité pas mal de groupes, au tout début, tu en faisais partie d’un, qu’est-ce que ça a pu t’apporter en tant qu’artiste solo ensuite ?
L’apprentissage en groupe ça t’apporte surtout des moments de partages. C’est une énergie où l’aspect collectif fait que tu n’as pas de limites. Tu penses que tout est possible et accessible. Sincèrement, cette période m’a surtout apporté de l’expérience.
Si on fait un bond dans le temps, tu as un fait d’armes majeur, c’est d’avoir un morceau solo sur le projet Capo dei Capi vol.1 d’Alonzo en 2015, comment cela se fait ?
Avec Alonzo, on est originaire de la même cité. C’est une personne qui a énormément compté, au-delà de son succès, Alonzo, était le cousin des gars de mon groupe. Il nous donnait beaucoup de conseils. Quand l’aventure collective s’est terminée, j’ai continué à faire du son de mon côté. Putain 2 Life est arrivé à ses oreilles, car mes morceaux tournaient au quartier. Il m’a envoyé un message pour me demander ce que j’allais en faire. Je ne savais pas, alors il m’a proposé de le mettre dans sa mixtape. C’était une vraie opportunité pour moi, surtout qu’en solo, je n’avais pas sorti grand-chose. J’ai eu un vrai coup de projecteur avec ce morceau.
Pourtant, ton premier projet solo sort cinq ans plus tard, qu’est-ce qui a fait que tu as pris du temps ?
Honnêtement, il n’y a pas de raisons précises, disons que c’est la vie (rires). Mais suite au morceau sur la mixtape d’Alonzo, j’ai été approché par un label, mais on ne s’accordait pas sur la vision artistique. On avait des envies très différentes. On voulait me mettre dans un créneau « Pop Urbaine » qui ne m’allait pas. Ce morceau n’était pas à l’image de ce que je faisais. Cependant, ce label-là m’a permis de rencontrer le compositeur : Lyele. Cette rencontre a été très importante dans mon parcours parce que c’est lui qui m’a aidé à avoir un vrai ADN musical. On ne s’est plus lâché même si le deal a capoté. J’ai trouvé en Lyele, quelqu’un avec qui je pouvais développer ma vision. À Marseille, c’était plus compliqué de faire la musique que j’avais envie de faire. J’ai pris le temps, j’ai fait mon chemin, mais je me suis enrichi en expériences.

Tu t’es également retrouvé sur le Classico et le 13’Organisé 2, des compilations qui représentent beaucoup pour Marseille, quel est ton point de vue sur tes participations à ces deux projets fédérateurs ?
Ces projets, c’est la récréation. Marseille, c’est une grande ville, mais on peut facilement tous se rencontrer ou se connaître via des connaissances communes. Ce genre de projets permettent de passer des moments avec certains artistes, d’en rencontrer d’autres et de faire un mélange de générations. Musicalement, c’est plus compliqué de mettre tout le monde d’accord vu qu’on est beaucoup sur les morceaux et qu’ils sont longs, mais ça amène un vrai côté fédérateur.
Quel bilan tu fais de tes précédents projets ?
Dès Base 015, les retours étaient au-delà de mes espérances. On a eu des connexions surprenantes, par exemple Virgil Abloh qui partage mes morceaux et la cover de mon EP. Mode Sport était plus ambitieux, ça m’a présenté en tant qu’artiste solo. Ces premiers projets m’ont ouvert des portes et m’ont associé à une nouvelle scène avec qui j’ai pu connecter comme La Fève et Zamdane.
« Fallait que je réponde à l’attente » sur MONOGRAMME, tu sens qu’il y a une certaine pression autour de ton nom ?
En termes de résonance dans le rap, mon nom ressort de plus en plus, et internationalement aussi vu que la radio OVO a joué mes sons et que j’ai collaboré avec Corteiz. La pression se faisait grandissante, et personnellement, j’ai élevé mes ambitions. Sans oublier que la signature chez SPKTQLR a mis une pression supplémentaire. Je dois prouver que j’ai les épaules pour un nouveau statut.
Comment cette signature est arrivée ? Signer chez SPKTAQLR, c’est l’équivalent de signer à Manchester United dans le rap français au vu des noms qui sont passés aux côtés de Sir Oumardinho Ferguson (rires).
(rires) Avec Oumardinho on se connait depuis très longtemps. Il m’avait signé à l’époque avec mon groupe, mais on n’a jamais pu sortir de projets, car il s’est dissous entre temps. On est resté en contact et on est devenu proches dans la vie. Le comparatif avec le football est bien trouvé parce qu’on en est fan tous les deux et on a déjà été à des matchs ensemble. Quand je suis arrivé à la fin du cycle de mes précédents projets, c’est-à-dire, en fin de contrat, il m’a proposé de rejoindre SPKTAQLR. C’est Sir Alex Ferguson (rires). C’est un ancien coach dont on parle souvent ensemble.

Quelles envies artistiques t’es-tu donné sur Mode Sport 2 ?
Quand je fais ce projet, je suis revanchard, c’est sûrement pour ça qu’il est assez sombre. Comme tu me l’as dit en off, tu t’attendais à rien de particulier et tu as été surpris et c’était le but : surprendre. Avant ce projet, je trouvais que je n’avais pas encore prouvé mon potentiel. Je veux que le public comprenne qu’il peut compter sur moi. C’est mon état d’esprit. Je fais ma musique à l’instinct. Un morceau avec Kay, c’est une respiration dans le projet et on l’a fait dans le mood du moment.
Quand on voit la tracklist, on ne s’empêcher de parler du casting XXL, c’était important de prouver aussi en te frottant à des artistes installés ?
Clairement, sauf que je ne l’ai pas fait dans un esprit malsain, bien que ça fasse partie du hip-hop, on ne va pas se mentir (rires). Quand il y a un featuring, avec n’importe quel artiste, tu te dois de donner le meilleur de toi-même, pour le bien du morceau. Si tu fais une collaboration et que ton invité n’est pas terrible, tu ne vas pas être content aussi (rires). Puis, c’est l’ADN de SPKATQLR, on n’est pas là pour blaguer. Avec eux, j’ai la sensation d’être dans la cour des grands et que dès que je rentre sur le terrain, je dois prouver que j’ai ma place.
On parlait de cette ambiance sombre du projet, musicalement, tu es assez éloigné de l’ambiance méditerranéenne qu’on peut retrouver dans les morceaux marseillais…
Je fais une musique différente, un peu à part de celle de Marseille. Après je ne connais pas tous les artistes de Marseille, mais en tout cas je suis assez éloigné de l’image que la ville renvoie. Je suis dans une ambiance plus froide, plus parisienne, plus nordique, même si je n’aime pas dire ça, (rires).
Quels sont tes objectifs par la suite ?
Je veux que ma musique soit comprise et écouter par le plus d’auditeurs. J’aimerais aussi aller à la rencontre du public, et si on peut faire des hits, on ne va pas s’en priver (rires). L’idée est que je continue de progresser et que je sois encore plus pertinent à l’avenir.