Gustave Flaubert écrivait dans sa Correspondance à Louise Colet en 1852 : « Tout le talent d’écrire ne consiste après tout que dans le choix des mots », une citation qui représente élégamment Flynt. Originaire de la région parisienne et en activité depuis les années 2000, Flynt continue de polir sa précieuse écriture dans la pierre de son histoire, pour la partager à son public. À l’occasion de son nouvel album, MONSIEUR JULIEN, nous avons échangé avec celui qui a sculpté son art avec passion.

Mon approche n’a jamais réellement changé. J’ai toujours eu une gamberge d’indépendant et toujours fait mes sous dans le rap en faisant ce que j’avais vraiment envie de faire et envie de ne pas faire. Avec mes valeurs. Sans faire le clown ou en racontant n’importe quoi. Je n’ai jamais eu de problème à gagner de l’argent avec le rap. Mais au début j’écrivais pour m’occuper, je voulais avant tout me remplir la tête et obtenir de la reconnaissance. Et c’était un choix de ne pas vouloir vivre de la musique pour ne pas être obligé d’en faire, pour ne pas être obligé de produire des lyrics pour vivre. Et aussi j’ai toujours cru ou su qu’avec mon style de vie, mon style de rap et la façon dont je gamberge, vouloir vivre de mon rap n’était pas une option pour moi. J’ai toujours voulu que ce soit une corde à mon arc, un side business. Ça ne représentait pas une sécurité financière à mon niveau. Je n’ai jamais voulu faire de l’argent n’importe comment avec la musique. L’art et le respect avant l’argent, et c’est toujours le cas. Ce qui a réellement changé c’est qu’avant je ne gagnais pas 100% de mes revenus grâce à la musique. Aujourd’hui, je vis quasi exclusivement de la musique en cumulant des revenus de diverses activités dans la musique là où avant je cumulais des revenus un peu dans la musique et beaucoup dans d’autres domaines. Mon expérience dans le rap et l’économie que ça représente me permettent de le faire aujourd’hui.

Flynt par ©JuPi

Me lancer dans le coaching scénique s’est révélé à moi comme une évidence il y a un peu plus de 2 ans. C’est totalement pour moi ce job, ça me va comme un gant. J’ai compris que j’avais suffisamment d’expérience pour être utile aux autres artistes. Je suis bienveillant et à l’écoute, j’ai les outils, les mots et l’exigence pour les aider à progresser plus rapidement et pour leur donner de la confiance. Un coach apporte un regard extérieur essentiel et nécessaire dans le domaine du live. J’ai financé mon dernier album en très grande partie grâce au coaching scénique, c’est un cercle très vertueux. 

Cette activité s’est beaucoup développée d’une part parce qu’il y a de plus en plus d’artistes et de plus en plus de concerts, d’événements, de tremplins…etc… Et très souvent, de jeunes artistes sont propulsés sur scène rapidement avec très peu voire aucune expérience. Il y a donc de plus en plus de besoins réels. Et en face il y a de plus en plus de gens qui ont suffisamment d’expérience pour pouvoir la transmettre. Et puis aussi, l’accompagnement s’est développé de manière générale. Il existe de nombreux tremplins. L’accompagnement d’artistes fait partie des missions des SMAC et c’est aussi un des rôles des managers, producteurs, labels et tourneurs d’accompagner leurs artistes dans leur pratique car ils ont besoin que leurs artistes soient bons sur scène. Et puis la nouvelle génération est ouverte à ça. Quasiment tous les artistes que j’ai accompagnés étaient emballés par le coaching dès le départ. Pour eux, si un coach scénique peut leur permettre de progresser plus rapidement, d’y voir plus clair, d’être plus confiants, de gagner du temps et de l’argent, d’éviter de faire des erreurs, ils sont ok. Et ils ont raison. Je m’éclate dans le coaching notamment parce que je me sens utile et parce que c’est très valorisant de voir un artiste évoluer et passer des steps.

C’est le disque fondateur. On m’en parle toujours et assez souvent. Certains le considèrent comme un classique. Est-ce que c’est bien d’avoir fait un premier album « classique » ? Je ne sais pas. C’est quand même mieux que de n’avoir aucun classique dans toute sa carrière. Il fait partie de mon histoire, j’ai de l’affection pour ce disque. Par contre, j’ai du mal à l’écouter, je ne l’écoute pas d’ailleurs car je vois ou plutôt j’entend tous ses défauts et j’entends mon manque de maîtrise de l’époque même si lyricalement il tient toujours la route. Je connais chaque recoin de mes disques, comme si c’était des maisons que j’avais fait construire. Je suis surpris que le public ne fasse pas attention à ses défauts mais je crois que ses défauts font son charme et que l’affection qu’ils ont pour cet album va au-delà, les défauts sont anecdotiques ou impalpables pour le public.

MON POTE feat. Orelsan, Flynt

Il faut saluer le travail remarquable de Francis Cutter, qui l’a réalisé. Ça s’est fait très simplement par l’intermédiaire de Nodey, qui a fait le beat. Cutter nous a proposé l’idée, alors avec Orel et Nodey on a sélectionné des scènes de buddy movies et Cutter a engagé un styliste qui est parti à la chasse aux fringues identiques ou presque à celles qu’il y avait dans les scènes qu’on avait choisies. Cutter a tout organisé, le tournage a été très rapide, on s’est franchement amusé. Ce qui est paradoxal c’est que moi tu sais au fond, les clips ne m’intéressent pas vraiment, Je ne dis pas que les clips ne servent à rien – la preuve avec le clip de « Mon pote » – je ne dis pas que ce n’est pas de l’art, juste que ce n’est pas mon truc. Je sais que mon désamour pour l’image animée me coupe d’une certaine partie du public et d’une promo plus efficace mais j’ai beaucoup de mal à me forcer aujourd’hui. Je me suis toujours senti obligé de faire des clips, ça n’a jamais été un plaisir pour moi et c’est assez paradoxal d’avoir un clip aussi dingue, et qui a été primé, dans ma discographie parce que je ne regarde jamais de clips, ça ne m’intéresse pas d’en regarder. Je n’en ai pas fait pour mon album Monsieur Julien par exemple.

Flynt par ©Remos Prod

Je n’ai pas eu tant que ça l’impression de « revenir » en réalité. Tous les jours je pense à écrire et à faire des chansons. Le public et les médias voient toujours ça comme un « retour » alors que je ne suis jamais « parti ». Mais oui tu as raison, j’ai besoin de vivre des choses et de prendre du recul dessus pour pouvoir écrire des chansons. Après chaque album je me sens comme vide un peu. J’arrive pas à enchaîner. Et comme je m’autoproduis et que je ne suis pas dépendant de mon écriture pour vivre, je peux aller à mon rythme. Je n’ai jamais été obligé de produire, et il n’y pas quelqu’un qui me pousse, qui me drive ou qui me dit quoi faire. Et puis faire un album, je vois ça comme une montagne à gravir, c’est du travail, de la résilience, de la patience, de l’investissement personnel, tu sais que tu te lances dans une aventure, c’est exigent, faut être prêt, faut avoir le temps et l’envie. Et aussi j’ai longtemps pensé que j’étais incapable d’écrire vite, je pensais que j’étais seulement un laborieux de l’écriture et du coup je freinais ma propre création. Alors que je suis capable d’écrire vite et bien si j’ai les intrus qui me déclenchent. Mon problème de productivité vient aussi du fait que j’ai besoin d’instrus que j’aime vraiment et qui me mettent le pied à l’étrier et il faut avouer que je n’en trouve pas tous les quatre m atins. Réunir 10 ou 15 beats pour faire un album ça m’a toujours pris du temps.

Non je n’écris que sur l’instrumental que j’ai choisi, pas sur des face B, pas sur des Type beat, j’ai besoin de la vibe du beat que j’ai choisi de garder, le beat est un guide. J’écris assez peu en fait. Je ne vais en studio que pour enregistrer, c’est dommage, mais c’est la réalité : ya pas de maison de disques ou de label qui me finance un lock out pour créer. Quand je vais en studio, mon objectif c’est d’y rester le moins longtemps possible (rires) Mais je n’ai de toute façon pas pour projet de sortir un album tous les 6 mois, artistiquement, c’est ce qu’il faut éviter je pense. Pour certains dont c’est le salaire, il faut être productif, ne pas se faire oublier, ça donne assez souvent des disques précipités, voire ratés.

MAUVAIS POUR LE BUSINESS, Flynt

Si un jour, j’ai un disque d’or, évidemment je serai content parce que cela signifierait que beaucoup de gens ont écouté mes morceaux. Je ne cherche pas à ne pas en avoir, mais je sais que je n’ai pas un style de rap à disques d’or et je ne fournis de toute façon clairement pas l’investissement nécessaire pour ça. Ça m’impacte dans le sens où je vais chercher mon argent ailleurs pour avoir de la sécurité financière même si la musique m’en rapporte aussi. Dans tous les cas, je préfère avoir l’audience que j’ai et écrire les textes que j’écris, plutôt que d’avoir les audiences de certains artistes mainstream quand tu vois la pauvreté de leurs textes. J’ai besoin de bien écrire. Comme je dis dans l’album, ma véritable ambition dans le rap c’est qu’on me compte parmi les plus grands auteurs.

Flynt au Demi Festival

Je voulais des invités, mais pour des raisons diverses et variées, ça ne s’est pas fait. De toute façon au vu de la tournure que prenait l’album au fur et à mesure, je me disais que ce n’était pas un album propice aux featurings. Au final il s’est fait comme il devait se faire et c’est mieux que ce soit un solo solo. A la base, je n’étais pas parti pour faire un album, je voulais faire une série de maxis 2 titres en collaboration avec un MC différent à chaque fois, comme j’ai fait avec Don Choa, et puis sortir des singles, voire sortir un 4 ou 5 titres, mais ça ne s’est pas passé comme ça. Et puis j’ai eu de la chance de travailler avec Double Diamond, qui ont produit la moitié de l’album. Il m’envoyaient des prods depuis 1 ou 2 ans, mais je ne trouvais rien, mais ils ne m’ont pas lâché, là où souvent les beatmakers t’envoient 2 ou 3 mails avec des beats et après si tu ne prends rien ils abandonnent. Double Diamond alias Kartoon et Diez voulaient vraiment qu’on fasse des titres ensemble, alors ils ont insisté et je les en remercie car il y a eu un déclic début 2024, j’ai enfin trouvé un instrumental qui me plaisait et puis il y a finalement 5 intrus à eux dans l’album. Je leur ai confié le mix et le master, j’ai enregistré quelques titres dans leur studio aussi. Une étroite collaboration s’est mise en place début 2024 et ça a été le déclencheur de la réalisation de ce nouvel album qui a été fait assez vite finalement.

Honnêtement, je ne me pose pas la question. C’est naturel. Il y a des choses que je ne dis pas et que je ne raconte pas, par choix. Évidemment que mon histoire est plus complexe que mes chansons. Mes limites naturelles sont la vulgarité, le voyeurisme, le misérabilisme, le gênant. Je prends soin de mon histoire et de ma façon de la raconter. Monsieur Julien est un album très autobiographique, je raconte un partie de mon histoire et des choses que je n’avais pas encore racontées. Monsieur Julien parle de l’histoire dont j’ai héritée, et de ce que j’ai fait de cette histoire, de ce que je suis devenu. La frontière peut être fine entre l’intime et le voyeurisme mais je n’ai pas franchi cette limite car je sais choisir les mots pour ça.

BILLETTERIE / FLYNT À LA MAROQUINERIE (PARIS) : https://billetterie.seetickets.fr/flynt-concert-la-maroquinerie-paris-10-septembre-2025-css5-hooh-pg101-ri10979867.html