Les années passent, et chaque début d’année nous fait espérer de vivre une belle année artistique avec des blockbusters réussis, des projets underground créatifs et des découvertes surprenantes, pourtant quand les bilans se dressent, le public rap est souvent dans le négatif car son exigence se fortifie au fil des ans. 

Lorsque l’on pense « année grand cru », on pense automatiquement à 1998 et 2015. La première a marqué les esprits grâce à Quelques gouttes suffisent d’Ärsenik, Opera Puccino d’Oxmo Puccino, Le combat continue d’ideal J, Jeunes, coupables et libres des X-Men ou encore Si Dieu veut de la Fonky Family. La seconde, quant à elle aura laissé son emprunte grâce à A7 de SCH, Feu de Nekfeu, L’homme au Bob de Gradur, D.U.C et Nero Némésis de Booba, Le bruit de mon âme de Kaaris ou encore Que la famille de PNL, pour ne citer qu’eux. Pourtant d’autres années sont importantes et extraordinaires dans l’histoire du rap français, et parmi elles : 2019. 

DES BLOCKBUSTERS RÉUSSIS 

L’année 2019 a notamment été marquée par des grosses sorties qui sont restées plusieurs mois, voir plusieurs années, au top album, ils sont les derniers gros blockbusters de la décennie : Destin de Ninho, Deux frères de PNL puis Les étoiles vagabondes de Nekfeu. Ces trois disques qui ont terminé disque de diamant (500 000 ventes, ndlr) voir double disque de diamant (1 000 000 de ventes, ndlr) ont eu un véritable impact. Ninho était l’album le plus attendu suite au freestyle Binks to Binks 6 qui annonçait que ce serait l’album de l’année, seulement PNL ont réalisé la performance la plus impressionnante de l’histoire avec Au DD, un clip sur la tour Eiffel après une attente de plusieurs heures sur un live Youtube, pendant que de son côté Nekfeu ramena 100 000 personnes au cinéma au même moment pour découvrir son documentaire retraçant la création de son album. Ce dernier fut accompagné d’une suite surprise, quinze jours plus tard. 

Si ces trois albums ont attiré beaucoup de projecteurs, ce n’était pas sans compter d’autres projets majeurs. Evidemment, sans surprise, on retrouve un nouvel album de Jul, Rien 100 rien avec une cover de Fifou emblématique où il travaille devant toutes ses certifications. Un album réussit dans lequel on pouvait retrouver des collaborations avec Ninho et Vald, mais aussi le hit JCVD. Par ailleurs, on a pu retrouver Mr Sal de Niska, un Commando 2.0, beaucoup plus pertinent avec le temps, Diamond rock de Kalash et Vald a confirmé son nouveau statut de tête d’affiche avec l’excellent Ce monde est cruel porté par le single Journal perso 2. 

Pourtant l’année avait commencé sur un faux pas : Or Noir part.3. Très attendu par le public, qui plusieurs années après allait avoir la suite des deux premiers classiques. Bien qu’il fut de très bon facture, il fut écrasé par le nom qu’il portait, ce qui a créé de la déception au sein du public qui n’a pas retrouvé l’essence « Or Noir » sur tout l’album. Dans une interview commune avec le producteur des deux premiers volets, Therapy, Kaaris admet que si cet album avait eu un autre nom, il aurait été mieux accueilli. Néanmoins, il s’agit d’un très bon projet du rappeur sevranais. 

Alors que la cantine du rap français était exquise, la fin d’année 2019 fut marquée par une date : le 29 novembre. En effet, ce jour-là, une triple grosse sortie vit le jour : SCH avec Rooftop, Dinos avec Taciturne et Gradur avec Zone 59. Si ce dernier est surtout porté par ses singles, les deux autres furent des succès d’estime et gages de qualités. Ce même jour, Là-bas, le premier single de l’album posthume de Népal (décédé le 9 novembre de cette même année, ndlr) est dévoilé ainsi qu’une collaboration très impressionnante entre Gims et Niro : Ceci n’est pas du rap. 

Certes les albums cités précédemment sont des vrais blockbusters, d’autres furent également des grosses sorties importantes. Parmi elles, Paradise d’Hamza, qui fut accompagné en décembre par Santa Sauce 2 en surprise. Un projet qui permis à Hamza de quitter son rang de rookie, tout comme PLK avec la mixtape Mental portée par les singles Problèmes et Un peu de haine. Avec Antidote, Shay confirma qu’elle était la nouvelle reine du rap francophone et 13 Block explosa les scores avec l’album BLO et son hymne : Fuck le 17. 

DES DÉCOUVERTES MAJEURES ET DES RÉUSSITES PAR LE TEMPS

En découverte, compliqué de ne pas citer l’arrivée fracassante de Gambi avec les morceaux HÉ OH et POPOPOP. Même s’il n’a jamais réitérer cette omniprésence en haut des ventes, il s’agit d’un premier grand boom musical grâce aux réseaux sociaux, qui sera un élément important dans les top single des années qui suivront la crise sanitaire. 

En janvier, les auditeurs ont pu découvrir le projet Mexico de DA Uzi mais surtout le premier album En esprit de Heuss L’enfoiré porté par de multiples hits dont le viral : Khapta en collaboration avec  Sofiane. 2019 était aussi l’année du premier album de Nemir mais également celui de l’artiste Chilla : Mun. 

Par ailleurs, cette année-là était aussi l’année des jeunes pépites comme Koba LaD qui dévoile un second projet, L’affranchi, dans lequel on retrouve le featuring RR 9.1 avec Niska, Cicatrices de Zola, Chaise pliante d’Hatik, Trix City de Diddi Trix, Rémy d’Auber de Rémy ou encore Z de Zamdane. 

La qualité a également permis à certains artistes de casser leur plafond de verre. 2019 rythme avec un best of sorti par Népal : 2016-2018, la mixtape TRAP$TAR 2 de Leto mais aussi le premier projet de Soso Maness : Rescapé. Nos mentions spéciales de cette évolution et de ce changement de statut sont le précieux On ira où ? des frères des Tarterêts à Corbeil-Essonnes, DTF, le fiévreux Jok’Travolta de Jok’air dans lequel on peut entendre le morceau Las Vegas, et le lunaire OMEGA d’Oboy comportant notamment le titre Avec toi. 

Comment parler de 2019 sans évoquer le coup de poker de Luidji : Tristesse business, saison 1. Sorti le 26 avril, l’album n’est pas un succès à sa sortie et pourtant ce projet vous dit forcément quelque chose. La réponse ? Le temps. Luidji a laissé cet album éclore avec le temps et les concerts, ce qui a fini par conquérir le public au point que cinq ans plus tard, il soit certifié disque de platine (100 000 ventes, ndlr). À l’instar d’un UMLA, l’année précédente. Étant donné que le temps est un allié précieux, on rappelle que le projet de Makala & Varnish la piscine, Radio suicide, est d’une excellente facture et est sorti le 21 juin de cette même année. 

DES PIONNIERS CONVAINCANTS 

Bien que de nouvelles têtes se sont invités à la fête, des pionniers du rap français ont été actifs et se sont amusés. Tout d’abord, 2019 fut une année où Booba n’a pas été tendre avec les premières places avec quatre singles qui ont pris pendant plusieurs semaines le top 1 des écoutes : PGP, Médicament avec Niska, Arc en ciel et Glaive. Deux anciens du label de Neochrome ont également fait fort avec Destroy pour Seth Gueko en début d’année et Monument d’Alkpote en novembre. Le rappeur des Pyramides était revenu sur le devant de la scène avec des apparitions médiatiques iconiques dans Radio Sexe et Check Food, et une cover d’album de Fifou à l’image de l’artiste. Sinon deux autres amoureux de la rime et de la punchline ont sorti des projets de grandes qualités : Niro avec Stupéfiant découpé en plusieurs parties, ainsi que Lefa avec Fame et son excellent featuring : Bitch avec Vald. 

DES PROJETS DE PRODUCTEURS DE HAUTE VOLTIGE

Parce que la lumière peut aussi venir de l’ombre, cette dernière année avant une nouvelle décennie a vu plusieurs projets de producteurs se dévoiler. Si Sofiane Pamart s’est associé à Scylla, DJ Elite, Ikaz Boi et Binks Beatz ont sorti de leur côté un projet complet regroupant plusieurs artistes. Chacun dans un style qui lui est propre. On vous invite à lancer ces projets sans hésiter une seule seconde. 

DES PÉPITES OUBLIÉES PAR LA LUMIÈRE D’AUTRES

Comme vous avez pu le comprendre en lisant cette chronique qui vous a rappelé à quel point cette année de rap français fut riche, certains projets ont occupé l’espace médiatique mettant d’autres projets au second plan. Parmi eux on retrouve le dernier projet de Siboy, Twapplife, avant qu’il arrête sa carrière mais également l’excellent Nibiru d’Osirus Jack et le profond Lune noire de Sheldon. L’année fut aussi marquée par des projets plus courts comme Inaccessible de Take a Mic, Pilote & Co de Doums, Process de 404Billy, BO Y Z de Prince Waly, Vréalité de Kekra et plusieurs projets de 3010. Chacun d’entre eux mérite notre attention, prenons le temps de nous replonger dedans et de les savourer. 

UNE OUVERTURE SUR 2020

Si pour une seconde année de suite, Vegedream avait obtenu le hit de l’été avec Elle est bonne sa mère en compagnie de Ninho, d’autres hitmen se sont emparés de la fin d’année afin de célébrer sa fin et de démarrer 2020 de la meilleure des manières. Parmi ces succès, Ne reviens pas de Gradur et Heuss L’enfoiré présent sur Zone 59 qui rythmait avec Moulaga, encore de Heuss L’enfoiré mais avec Jul, pendant que Maes dévoilait le single Distant avec Ninho, tout comme Mister V avec Jamais en collaboration avec PLK. Un feu d’artifice de hits qui se sont ajoutés à ceux déjà réussis dans l’année. 2019, c’était un sacré grand cru !