Kickeur de renom depuis ses débuts, Take a Mic a pour autant connu le succès à travers un morceau mélodique, Blessure d’amour. Cependant, derrière cette première vitrine se cache l’histoire d’un rappeur qui a rencontré un grand nombre d’épreuves dans sa carrière aussi tumultueuse que belle. Retour avec lui sur son parcours et sur la construction de son mindset.

Revenons au tout début de ton histoire avec la musique, à quel moment cette envie de rapper t’es venue et à quel moment tu as pris ça au sérieux ?

Mes envies de commencer à rapper viennent après un voyage à New-York. Je devais avoir 9 ans, quelque chose comme ça. D’ailleurs mon nom aussi venu de ce voyage (un vendeur de mixtapes jouait le morceau OneMic de Nas, le petit Anase connaissant le morceau par cœur, le vendeur lui a proposé de prendre le micro, « take a mic », ndlr). En cinquième je prends vraiment cela au sérieux, dès mon premier morceau. Je comptais faire de la musique toute ma vie et en vivre si c’était possible.

Take a Mic par ©Ojoz

Beaucoup ne le savent pas, mais tu as fait partie d’un groupe, Eddie Hyde, est-ce que tu peux nous raconter comment la connexion s’est faite avec les différents membres ?

Pour revenir sur mon histoire avec le groupe, c’est que je suis un des derniers membres à rejoindre Eddie Hyde. Le groupe était déjà formé. Avant de sortir mon premier projet, 3010 venait de sortir le sien, Premium I. J’avais adoré ce projet et je l’avais invité sur le mien. On a essayé de faire des morceaux mais finalement ça ne s’est pas fait sur celui-là. Quand mon projet sort, il prend le temps de l’écouter et me rappelle un soir pour me féliciter. Pendant cet appel, il me parle de son groupe Eddie Hyde qu’il est en train de former dans lequel il a envie de réunir les Avengers (rires). Il me propose alors de les rejoindre car il trouve que je suis différent des autres membres en disant que j’ai une patte qui m’est propre. Au début, je refuse parce que je suis uniquement dans une optique de carrière solo, mais il insiste et m’invite à une soirée qu’il organise pour l’anniversaire d’un des membres. Ils ont installé un studio pour l’occasion. Le soir même j’arrive à Aubervilliers dans son appartement de l’époque. Je me rappelle qu’il allait déménager quelques jours après cette soirée donc l’appartement était quasiment vide, on aurait dit un squat (rires). On était au total une cinquantaine dedans. C’est à ce moment-là que je rencontre les autres membres du groupe. Il y avait une chambre où il y avait tout le matos dedans. À chaque fois que quelqu’un enregistrait, tout le monde se taisait. Il y avait de la musique d’ambiance mais dès que ça posait, tout s’arrêtait car tout le monde écoutait ce qu’il se passait. On a dû poser une vingtaine de morceaux. Ce soir-là, j’ai compris qu’il fallait que j’avance avec ces gars-là en parallèle de mes ambitions de carrière solo, parce qu’ils sont vraiment forts. Pour l’anecdote, c’est eux que j’ai vu poser pour la première fois sur un téléphone (rires). Moi j’écrivais sur une feuille et j’apprenais par cœur mon texte pour qu’au moment où je dois l’enregistrer au studio, je fasse ce que j’avais à faire (rires). Ce sont des génies et des passionnés comme moi.

Quel bilan fais-tu de cette partie de ta carrière ? Est-ce qu’un jour on aura le retour de Eddie Hyde ou est-ce que c’est révolu ?

Je ne sais pas si c’est une période révolue, peut-être qu’un jour on refera des choses ensemble, je n’en sais rien. Néanmoins, ce que je retiens de cette expérience c’est qu’ils m’ont appris à être spontané dans ma musique et à moins la calculer. Rester instinctif et donner le meilleur à chaque fois. Ils m’ont beaucoup appris sur moi et sur ma façon de faire de la musique. C’est très formateur d’être en groupe car tu apprends aussi des autres.

Eddie Hyde – Rien à battre

En parallèle de Eddie Hyde, tu te développes en solo, quels étaient les objectifs pour toi au début ? Comment tu te perçois ?

Comme toujours, le but a été de transmettre et de véhiculer un message positif. Je voulais que les gens m’acceptent d’être différent. J’ai grandi à la fois dans le 94 à Orly et dans le 76 car je suis né à Rouen. J’ai toujours été différent, et sans m’en plaindre, j’ai aussi subi le fait de l’être avec certaines moqueries. Je me suis toujours habillé différemment. J’ai toujours écouté de la musique différente. J’étais différent des enfants dans l’environnement dans lequel je grandissais. La première chose que j’ai voulu faire dans ma musique, c’est d’assumer le fait d’être à part et de m’affirmer. Je voulais motiver les gens qui pouvaient vivre les mêmes choses, qui ont l’impression de ne pas pouvoir être accepté parce qu’ils ont leur façon de penser, leur façon de s’habiller, d’autres influences, de pouvoir devenir qui ils voulaient être. D’ailleurs, tu as plus de chance de devenir quelqu’un et d’être heureux en affirmant ta différence. On a tous ce petit truc en plus mais il faut l’assumer et ne pas en avoir honte. Je ne voulais pas faire comme les autres pour être accepté, mais être accepté pour qui j’étais.

De 2011 a 2019, tu as sorti quasiment un projet solo par an, des projets qualitatifs mais qui n’ont pas tous eu la même résonance. Comment on arrive à s’imposer un tel rythme et est-ce qu’aujourd’hui tu trouves que ça t’a été bénéfique d’être aussi actif ?

Pour avoir ce rythme-là, je l’explique par la dalle et la pratique. Être rappeur, c’est comme être un bon sportif, plus tu pratiques, plus tu as de facilités et plus tu as envie de faire de performances. En plus d’être en solo, j’avais aussi les projets d’un groupe hyper actif à honorer. Je faisais avec eux les morceaux qu’on voulait faire et quand je rentrais, je bossais sur mes projets solos. En réalité, ça a autant pu me desservir que m’aider. D’un côté, ça m’a servi car cela a fait parler de moi, mais là où ça m’a desservi, c’est que tout n’est pas si qualitatif avec du recul. Il y a certains projets où j’aurais dû prendre plus de temps pour les faire. Je me suis imposé un rythme qui m’a aidé à affronter des épreuves qui auraient pu me sembler impossibles à surmonter. Pendant cette longue période, j’étais tellement déterminé à sortir de la musique que j’en ai fait dans des conditions parfois marrantes, j’ai été jusqu’à poser des couplets dans des toilettes (rires). C’était un exutoire pour moi. Aujourd’hui, il y a énormément de morceaux que j’ai sortis dont je ne suis pas fier, mais ces morceaux m’ont aidé à faire de meilleurs morceaux par la suite. Tu entends que certains morceaux sont des crash tests par rapport à certains sortis après. Sur les derniers projets, ce n’est pas spécialement par volonté, ce sont des raisons externes et internes à la musique qui font que je prends plus de temps. Je pourrais être plus productif et ça le sera au fil du temps.

Take a Mic par ©Ojoz

En 2017, sort le projet Bipolaire, beaucoup te découvre à ce moment-là, teinture bleue sur une chanson : Blessure d’amour. Comment tu as vécu ce moment où d’un seul coup tu étais l’un des centres de l’attention du rap français ?

Quand je repense à cette période de ma carrière, je me rappelle que dans ma vie, il y avait beaucoup de choses positives qui m’arrivaient. À ce moment-là, je suis signé chez Because, et c’est mon premier contrat en tant qu’artiste. Ce n’est pas une fin en soi mais quand cela t’arrive, ça rend tout plus simple et tout plus positif. Tu n’es plus tout seul dans ton coin, tu travailles avec des équipes qui sont là pour toi. On t’aide à mettre en place ce que tu peux imaginer. Tu prends en responsabilités. Ce moment a eu cette ampleur, parce que j’ai été aidé. Cette période que j’ai pu vivre, j’ai dû mal à la décrire, simplement c’est extrêmement positif. Quand je fais de la musique, j’imagine tout : je vois les clips, je vois la promo, je vois tout. Tout ce que tu t’imagines seul dans ta chambre, tout ce que tu rêvais dans ton coin, tu vois que ça se réalise petit à petit. Tu essayes de garder la tête sur les épaules et tu gardes en viseur tes objectifs et tes rêves, mais tu savoures aussi. Tout était positif à cette période.

Est-ce que ça a pu te mettre de la pression vis à vis de la suite, et est-ce que ça a pu faire naître en toi une volonté d’essayer de refaire un single de ce type ?

La seule pression était celle de vouloir faire mieux, mais est-ce que je me suis dit qu’il fallait que je refasse un Blessure d’Amour ? Non. Je fais de la musique instinctive. Je fais ce que j’ai envie de faire sur le moment précis. Quand Blessure d’amour fonctionne, je ne me dis pas qu’il faut que je fasse que ça en studio, surtout pas. Je ne veux pas être rangé dans un créneau. Je suis comme un scientifique, je veux faire du travail de qualité et faire selon mon instinct. Si demain je veux faire du rock, je voudrais qu’il soit de qualité. Faire la musique qui me ressemble au moment où je la fais tout en travaillant bien sur l’image, c’est ça mon plaisir. Je veux faire de belles choses. Dans ce milieu, on sait, on entend et on voit, quand il y a une formule qui fonctionne et qu’il y a volonté d’exploiter cette recette, avec Blessure d’amour je n’ai jamais pensé comme ça.

Take a Mic – Blessure d’amour

Parmi tes nombreuses qualités, on retrouve notamment celle du kickeur, cette volonté d’être le meilleur en freestyle, on pense notamment à ta prestation dans Rentre dans le cercle, est-ce que tu vois encore le rap comme une compétition ?

Merci déjà pour le compliment. Ce qui m’a donné envie de rapper ce sont des vidéos de freestyles. Même quand j’étais à New York dans les années 2000, tu marchais dans la rue, il y avait du son partout. Mon oncle habitait Harlem, ça vendait des mixtape et ça rappait à tous les coins de rues. C’était comme dans les films, c’était impressionnant. J’ai toujours kiffé les freestyles, les cyphers, les performances… C’était gage de qualité car c’était une vraie prouesse sportive. Ce qui me touchait particulièrement, c’était les gens qui kickaient et qui te donnaient cette impression que c’était trop facile pour eux. Le gars te semble décontracté et t’envoie un 16 de malade. Ces performances me piquaient, et je m’étais dit que dans tous mes freestyles, j’allais débiter de fou et te donner le sentiment que c’est hyper facile. C’était assez impressionnant. J’avais la même relation avec les footballeurs, ceux qui étaient techniques et qui te donnent l’impression que c’est facile, ça m’a toujours fasciné. Par exemple, Ronaldinho. Après, lui il te faisait des gestes impressionnants avec décontraction et rigolait après, alors qu’en soit c’était extrêmement compliqué. Beaucoup ont voulu l’imiter, mais peu ont réussi à reproduire parfaitement son style. Pour revenir à la question, je me suis éloigné de ce truc-là parce que les médias avaient cerné cette faculté que j’avais, et ils finissaient par me demander des freestyles plutôt que de parler de ma musique. J’ai fini par arrêter de le faire, j’en ait fait une overdose au moment de l’album Avant-Gardistes.

Est-ce qu’aujourd’hui ça t’amuse toujours de faire des morceaux de ce style comme Strict Minimum ou est-ce que tu aspires à d’autres propositions artistiques ? 

Ça dépend, j’aime toujours les faire mais aujourd’hui je m’amuse plus à faire des morceaux plus aérés, un peu plus mélodieux. Il y a moins de magie en moi parce que c’est un exercice que j’ai vraiment rodé. Le premier son que j’ai enregistré dans ma vie, s’appelle Seul avec moi-même, et j’avais déjà un refrain chanté sans autotune. J’ai toujours aimé chantonner. Aujourd’hui je prends plus de plaisir à faire ce type de morceaux là que de faire un 16 mesures hyper technique. Déjà parce que ce n’est pas le truc qui me prend le plus de temps, et je pense avec du recul, c’est plus compliqué d’être pertinent à chaque phase dans un morceau aéré où tu as 8 mesures pour faire passer un message que sur un 160 mesures. J’ai le temps de développer, alors que sur 8 mesures, je dois être explicite tout de suite.

Take a Mic – Strict Minimum

Et puis on imagine que tu n’avais pas envie aussi qu’on te cantonne à être un rappeur freestyleur ?

Totalement. Mon véritable objectif, c’est d’aller plus loin que le Hip-Hop bien que ça soit le mouvement qui a bercé mon enfance. J’ai tellement d’influences que j’ai envie d’exploiter. Je veux être capable un jour de faire un morceau avec Camélia Jordana par exemple. J’ai envie musicalement de m’ouvrir et d’explorer de nouvelles sonorités.

Revenons sur ton parcours, en 2018, tu dévoiles ton premier album, Avant-gardistes, quel bilan tu fais de ce dernier qui était assez attendu ?

Récemment, je l’ai réécouté et je trouve qu’il vieillit bien. Si je recontextualise sa sortie, avec le label dans lequel j’étais à ce moment-là, on avait pris la décision de faire un projet plus ouvert. On s’était fixé des objectifs que j’ai acceptés car j’en avais envie. Je voulais déjà m’ouvrir à d’autres propositions artistiques, je voulais être tout terrain. Au final, je trouve qu’il n’a pas été défendu comme il aurait dû l’être. Avec du recul, évidemment qu’il y a des morceaux que je n’aurais pas mis dedans, mais a contrario, il y en a d’autres dont je suis fier. Quand j’ai sorti cet album, les courants principaux de certains morceaux se sont vraiment révélés avant-gardistes au final (rires). Il porte bien son nom pour le coup, mais le public ne s’attendait pas à ça, vu que l’attente avait été aussi alimentée avec la série de freestyles Strict Minimum.

Est-ce que cet album marque pour toi la fin d’un premier cycle ?

Je ne sais pas si c’est vraiment la fin d’un cycle. Je ne saurais pas l’expliquer. Les choses à partir de cet album sont devenues plus compliquées. Il y a eu beaucoup d’épreuves qui sont arrivées, que ça soit dans un cadre personnel et professionnel. Il faut savoir que je suis une personne assez exigeante, j’aime bien faire les choses et surtout les faire différemment.

Parlons désormais de ton projet Inaccessible, dans quel contexte ce dernier sort ? On avait un peu la sensation que tu voulais rappeler que t’étais l’un des meilleurs en kickage…

Ce n’est pas totalement faux, dans le sens où Avant-gardistes, on l’avait convenu en équipe. On avait convenu qu’on allait faire un projet plus ouvert car on en avait les moyens et que j’étais capable de le faire. Quand il a été accueilli par le public, j’ai été le seul à aller jusqu’au bout, à l’assumer et à vouloir le défendre, d’où le nom du projet qui a suivi : Inaccessible. C’est la volonté de ne pas forcément laisser les gens entrer dans ma tête. Depuis, je fais les choses comme je les vois et je les ferais comme je les veux car quand tu travailles avec des gens et qu’ils ne te suivent pas jusqu’au bout, c’est moi qui suis déçu.

À côté du rap, on te connaît aussi pour ton goût pour la bonne sape et les belles pièces, d’où te vient cette passion ?

J’aime bien m’habiller et être propre sur moi, mais parfois ça a un prix (rires). Cependant, j’aime aussi me vêtir sobrement mais avec une ou deux pièces plus majeures dans ma tenue. Cet amour-là vient du côté de mon père. Déjà, c’est lui qui m’a mis dans le hip-hop très jeune, car il voyageait beaucoup. Il avait un lien particulier avec les US et Londres. Quand il s’achetait des vêtements, il en achetait aussi pour nous. Si lui était bien habillé, il fallait que ses enfants le soient aussi. Puis cela vient aussi des artistes qui ont influencé ma jeunesse, dans les années 90. Chaque artiste avait sa dégaine. Cependant, la personne qui m’a le plus influencé c’est mon père.

Take a Mic par ©Ojoz

Dans ce contexte tu sors un morceau en compagnie de Chanceko, Jacquemus, où l’on te retrouve dans un tout autre style, comment est né ce morceau ? Avec Chanceko, on aurait pu imaginer un projet commun vu vos nombreuses de collaborations ?

Il y en a plein des collaborations avec Chance’, on va voir comment on va bosser cela par la suite (rires). Au départ, ce morceau devait être sur Indisponible. Pour l’anecdote, lorsque je pose Jacquemus, je suis malade, et je l’abandonne avec le refrain. De son côté, Chance’ il le termine, on le garde, sauf que le morceau n’a même pas de nom. Un jour je me réveille, je vois le réel Instagram du premier défilé Jacquemus et une idée me vient. Je dis à Chanceko de faire une vidéo reprenant les meilleures démarches du défilé et de coller le morceau dessus. C’est pour cela qu’on l’a appelé Jacquemus. J’ai toujours eu ce truc pour teaser mes morceaux, je ne sais pas comment l’expliquer. Je trouvais que le défilé collait parfaitement avec le son. Il y avait un engouement autour du défilé et il y a eu un engouement avec le morceau ensuite grâce à la vidéo. Il faut savoir que même Jacquemus ils l’ont repartagé et nous ont envoyé un DM.

En 2021, tu dévoiles Indisponible, un projet évolutif, quel bilan tu fais de ce projet ?

C’est un projet qui mérite pour moi plus d’exposition, mais avec du recul, je ne l’aurais pas fait en évolutif comme ça. J’aurais gardé les meilleurs morceaux car il y en a beaucoup que je n’aurais pas forcément mis. C’est un projet que je porte de mon cœur et c’est un des meilleurs projets que j’ai pu réaliser à mon sens. Avec moins de morceaux, on aurait pu éviter des potentielles redondances et mieux captiver l’auditeur.

Take a Mic – Le Film

Parlons désormais de ton nouveau projet, Mindset, pourquoi un tel titre ? Est-ce que c’est vis à vis de ta carrière qui ressemble à un marathon ?

C’est exactement la raison pour laquelle le projet s’appelle comme cela. Depuis un petit moment je traverse des périodes compliquées, et pour enchaîner, il faut avoir un certain mindset. J’ai fait des bons et des mauvais choix, et grâce à ces mauvais choix, on va travailler encore et encore sur nous-mêmes et arriver avec une meilleure version. Tous mes projets ont des noms particuliers mais ils sont toujours en fonction de mon état d’esprit du moment. Aujourd’hui c’est Mindset parce que malgré toutes les épreuves, il faut en avoir un pour continuer. Je suis à la recherche de la meilleure version de moi-même.

Dans le projet, on se retrouve avec le contraste de ta détermination à aller plus haut et plus loin dans ton art et ta déception que tu peux ressentir parfois, est-ce que tu as pu ressentir des sentiments d’injustice vis à vis de ton travail/de ton parcours ?

Tu as totalement capté le message, mais s’il y a bien quelque chose qui m’a affecté, c’est de ne pas être compris par les gens avec qui je travaille plus que par le public. S’il y a des gens qui n’aiment pas ma musique, je peux le comprendre parce que c’est de l’art et même moi, il y a des choses que j’ai pu sortir et dont je ne suis pas pleinement satisfait. Chacun ses goûts donc je ne peux pas en vouloir à quelqu’un qui n’aime pas ce que je propose. Seulement ne pas être compris par les gens avec qui j’ai travaillé, c’était compliqué. Quand tu vois les choses différemment, que tu ne t’impliques pas de la même manière, ça ne fait pas de bons mélanges et moi ça m’a touché.  Quand je termine un morceau, je le réécoute en tant qu’auditeur, je ne me réécoute pas en tant que Take a Mic, je m’oublie. Pareil quand je reçois un clip, je me mets à la place du spectateur.

Take a Mic – Drive

Musicalement sur le projet, on ressent aussi que tu t’es amusé, qu’est ce qui a changé dans ton processus de travail ?

J’étais plus libre car je suis en indépendance totale et plus sous contrat. Aujourd’hui, c’est moi qui décide de A à Z ce que je fais. Je suis avec mes gars, on fait du son, et personne ne nous dicte quoi faire. Je fais les choses comme elles viennent et comme je l’entends.

Dans Cinématique tu dis « J’ai jamais voulu être célèbre dans le fond, mais je suis pris dans le rouage, le but c’est d’être blindé mais de rester simple comme les gars de l’Entourage », tu trouves qu’ils ont fait les meilleurs choix de carrière suite à leur succès ?

J’ai énormément de respect pour L’Entourage. La première raison, c’est que ce sont des passionnés. La seconde, c’est qu’ils ont été très malins. Avant de se lancer dans tout ça, ils ont appris le business dans le sens où aujourd’hui, il n’y a pas un seul membre de L’Entourage que tu peux douiller sur un contrat. Il n’y a rien qui ne savent pas et c’est très important. Jusqu’aujourd’hui, même s’ils n’ont pas tous eu le même succès en solo, ils arrivent tous à vivre de leur musique, peu importe leurs streams. Ils arrivent à vivre de leur musique parce qu’ils ont appris leur métier : de rapper à négocier un contrat ou chercher des subventions. Ce sont des gens extrêmement humbles. Quand je fais le projet Évolution, j’enregistre la majorité du projet dans le studio de l’Entourage. Au moment où je pose certains titres, dans la pièce, il y a Alpha Wann, Sneazzy et Nekfeu. Ils me donnaient des conseils notamment sur mon manque de souffle, sur certaines techniques… Ils ont un vrai sens du conseil et surtout ils restent toujours autant passionnés. Ce sont des piliers du rap français qui gardent la tête sur leurs épaules.

Take a Mic par ©Ojoz

Comment vis-tu ce vice d’avoir un métier qui nécessite de la visibilité alors que tu préférais sûrement être discret de ce qu’on en comprend ?

Comme j’ai grandi dans cette ambiance très hip-hop avec mon père qui était barber. Il était l’un des premiers de Paris à coiffer des stars. Moi j’avais 4 ans, à l’époque de Mon papa à moi est un gangster de Stomy Bugsy, il m’avait ramené son CD dédicacé. Toutes les semaines, il coiffait une célébrité. J’ai banalisé la notion de célébrité, quand je suis en face de quelqu’un de connu, ça ne m’impressionne pas. La notoriété que j’ai à mon niveau est agréable. J’essaye cependant de rester simple, je ne me prends pas pour quelqu’un. Pourtant, je ne suis pas forcément à l’aise dans certaines situations et je préfère même rester dans mon coin. Par exemple, la Fashion Week, j’adore la mode et j’aimerais collaborer avec des marques, pourtant je ne suis pas spécialement à l’aise, car il y a trop de monde et je préférais rentrer chez moi. Je reste réservé malgré un métier qui m’expose. Il y a des moments où il ne faut pas hésiter à se montrer, mais je ne pense pas que je supporterai, toute ma vie, que tous les jours soient comme ça. Je ne suis pas là pour ça. Je suis plus dans un délire artistique qui encourage les gens à repousser leurs limites qu’une quête de stratification. Je ne jouerai jamais la star, je suis 100% naturel même si je peux avoir de belles tenues qui font parler comme aux Flammes. Ces tenues-là je peux les porter tous les jours alors que je n’ai rien de prévu. C’est loin d’être un style que je veux me donner publiquement, c’est moi. Si demain je veux m’habiller au max, je vais m’habiller au max.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ? Des concerts ? Une marque ?

Tout ça (rires). J’aimerais tourner avec les projets qu’on sort car j’adore la scène. J’étais parti en tournée avec Deen Burbigo, c’est un exercice que j’aime pratiquer. Et oui sinon du merch et plus de projets, et qu’ils soient de plus en plus aboutis. C’est ça qu’on espère pour la suite.