Enfant de Libreville au Gabon, Victoria Rousselot ou plus simplement Vicky R a vu récemment sa vie s’accélérer par la musique faisant d’elle, un des visages féminins incontournables du rap français. Avec la sortie de SYSTM, Vicky R souhaite faire sublimer sa passion avant le rouage de l’industrie en y mettant son cœur et s’accordant le temps qu’il faut pour produire ce qu’elle aime.
Revenons un peu en arrière, tu as eu beaucoup d’influences musicales, pourquoi t’être orientée vers le rap au final ?
Parmi mes influences, j’avais énormément de variété gabonaise, de rap français et de rap américain. Chez moi on écoutait beaucoup de styles de musique différents et j’en ai découvert d’autres via mes frères, mes sœurs et mes cousins. Quand j’ai commencé la musique, j’ai toujours été attiré par l’exercice du rap car j’en écoutais beaucoup. J’ai d’abord commencé avec un style afro, puis quand j’ai eu besoin de me renouveler, je suis allé chercher d’autres sonorités. Justement, je suis contente des retours de mon projet SYSTM, car beaucoup d’entre eux parlent de mes choix artistiques, mes choix de prods et de mon évolution. Je trouve ça important de laisser les artistes évoluer et proposer de nouvelles sonorités.
Est-ce que tu avais un ou une artiste qui t’a influencé plus jeune ?
Je me rappelle que j’écoutais 50cent, Missy Elliott, Eazy E, Timbaland.. Mais en rap français, j’écoutais beaucoup Booba. Ouest Side a été un album important pour moi : c’est ma rencontre avec Booba et le rap français. Au Gabon, on écoutait du rap français car c’est un pays francophone. Je me rappelle quand mon frère était rentré à la maison avec Ouest Side, on l’a écouté tout l’été. C’est un de mes albums préférés. Si je devais en citer un deuxième, ça serait Lunatic. Il est souvent oublié par rapport à d’autres albums, alors qu’il y a des pépites dedans et des évolutions musicales importantes. En vrai, ce sont des références qui datent mais c’est ce qu’écoutaient mes grands frères et mes grandes sœurs.
Faisons un petit bon dans le temps, pour parler du morceau AHOO en compagnie de Chilla, Le Juiice, Davinhor et Bianca Costa, quel bilan tu fais de ce morceau qui a rencontré un beau succès ?
À titre personnel, je suis très contente de ce morceau notamment car il a réveillé des discussions sur la place des rappeuses dans le rap français et a mis un coup de pied dans la fourmilière (rires). Ça aurait pu avoir encore plus de résonance, mais ça a quand même permis de faire un peu bouger les choses. De notre côté on a toutes bénéficié de la lumière de ce morceau. Le temps définira si c’est un « classique » mais en tout cas, c’est un morceau important dans l’histoire des femmes dans le rap français. J’espère qu’il a donné et donnera envie à certaines de se lancer.
À quel point tu as senti un changement dans ta carrière avec le morceau ?
2021 c’était une grosse année pour moi et AHOO arrive dans un timing parfait pour moi. Il sort après RHC qui est venu confirmer que j’étais bien une future rappeuse à suivre. AHOO est venu assoir tout ça, d’autant plus que dedans je fais un couplet très rappé qui a été très loué par le public. Derrière j’enchaîne avec ma tournée, je fais Hip-Hop Symphonique, un événement que je rêvais de faire, tout s’est tellement bien goupillé. Avec du recul, AHOO m’a permis de vivre certains de mes objectifs personnels assez rapidement.
Tu parles justement du projet RHC, on retrouve dessus un morceau qui ressort plus que les autres, c’est celui avec A2h, comment la connexion s’est faite ?
On commençait à parler de moi et lui a très vite validé ce que je faisais en partageant ma musique. On se parlait et je lui ai proposé de venir sur l’extension de mon projet. On nous dit souvent que les rappeuses restent qu’entre elles et ne s’ouvrent pas aux feats, mais c’est ce qu’on attend des rappeurs plus en place. Quand tu contactes des rappeurs et qui ne répondent pas ou font semblant de ne pas avoir vu, tu fais avec ce que tu as. A2h, je suis tellement heureuse de ce featuring, c’est vraiment un morceau que j’adore. On a pu le faire en live à sa Cigale. C’est un honneur de fou et un morceau hyper important pour moi. A2h, c’est quelqu’un d’important pour moi, il est comme un grand frère. Quand je bossais sur SYSTM et que je le terminais au Pays-Bas, je l’appelais alors qu’il était au Canada, pour lui faire écouter et qu’il me donne ses retours.
Ton nouveau projet SYSTM a été plus ou moins annoncé en surprise, est-ce que c’était une volonté de ta part cette démarche ?
Entre ce projet et le précédent, j’ai signé dans un nouveau label. Ça faisait un moment que j’étais prête et je ne voulais pas finir l’année sans rien avoir sorti. Je voulais amorcer la prochaine étape. On l’a sorti comme ça. Je suis consciente de mes forces et de mes faiblesses, les gens autour de moi croyaient autant au projet que moi, alors on l’a sorti, sans pensé à une stratégie particulière derrière, c’était plus une envie collective.
Sur ce projet, on retrouve Chilla. Connaissant vos univers, vous auriez pu partir dans une toute autre direction artistique pour le morceau Yeah, pourquoi avoir choisi celle-ci ?
Quand on écoute le projet, qu’on voit Chilla et Le Juiice en invité, tu t’imagines l’inverse de ce que tu entends au final. Dans le sens où, le morceau avec Chilla, on s’attendrait plus à voir Le Juiice dessus, et inversement. Avec Chilla, on aurait pu tout faire mais le jour où on a décidé de faire un morceau au studio, on était très énergiques alors les morceaux plus calmes nous ont pas parlé particulièrement (rires). Le morceau on a l’a fait une heure. Avec Chilla, il y a une vraie alchimie dans la vie de tous les jours qui fait que ça se ressent dans notre musique.
En fait, depuis le morceau AHOO, on est resté vachement proche les unes des autres. Il s’est passé quelque chose de très personnel et très humain autour de ce morceau pour nous cinq. Ça faisait sens de les avoir toutes les deux sur le projet, comme j’aurai pu avoir Bianca ou Davinhor. Ces morceaux permettent aussi de refermer le chapitre AHOO en faisant d’autres morceaux ensemble.
On a parlé de plusieurs moments importants de ta carrière, mais tous ont eu lieu dans un laps de temps assez court, et dans SYSTM, tu évoques justement cet effet de rouage de travail, est-ce que tu arrives encore à te détacher de ce rouage qui t’impose un travail de plus en plus conséquent ?
J’essaye. Ce n’est pas facile tous les jours, mais j’essaye. Je pense être en train de trouver l’équilibre et j’essaye d’apprendre à m’écouter. Dans le sens où si je n’ai pas envie, je ne vais pas le faire. Si je sens que la pression et ses délais me positionnent dans une situation inconfortable, je ne vais pas le faire. Ce côté usine du métier, je ne l’aime pas, surtout que ça peut ouvrir la porte à n’importe quoi. Pour moi, il faut prendre le temps de bien réfléchir sa musique même si ça rend le chemin plus long, au moins il te paraît plus qualitatif. Je suis capable de faire un projet en une semaine, mais quel est l’intérêt ? Je vais peut-être gagner du temps, mais si ça se trouve ça sera nul, si ça se trouve je vais me répéter, si ça se trouve je vais le regretter la semaine qui suit. Il faut prendre le temps pour bien faire les choses et en être fier. La musique se consomme tellement vite aujourd’hui, alors que tu la fasses en une semaine ou en plus de temps, le projet sera consommé de la même manière à sa sortie donc autant prendre son temps.
Tu parles de la notion de temps, tu en parles également dans le projet, le temps semble être à la fois un allié mais aussi ton ennemi dans certains cas..
Le temps c’est quelque chose qui me stresse. Tu en as besoin pour ton art et pour le perfectionner mais en contrepartie, ce temps, tu ne l’as pas pour tes proches. Le temps passe à une vitesse et je vois que les gens prennent de l’âge et que mes neveux grandissent très vite. J’évite de trop angoisser vis à vis de ça, mais cette relation au temps qui passe et consume je l’ai depuis que j’ai perdu ma maman. Un événement comme ça te fait prendre conscience de beaucoup de choses et impacte ta vision de la vie et du temps.
Dans le projet tu parles qu’au Gabon on veut te voir feat avec certains artistes, mais est-ce qu’il y’a un artiste en particulier avec qui tu aimerais collaborer ?
Je rêverai de collaborer avec Hamza. Il est extrêmement fort. Sa musique me parle énormément. Il est hyper polyvalent, on pourrait faire n’importe quel style de morceau. Son dernier album était excellent mais mon préféré reste Paradise. Il avait mis toutes ses facettes dedans. Autant 1994 c’est son classique, mais Paradise, c’est son meilleur album. Les featurings, les transitions, les prods, tout était fou dans cet album. C’est un album très inspirant que je connais par cœur (rires).
« Toujours plus de tout » mais quels sont les objectifs que tu te fixes véritablement ?
J’aimerais que ma musique atteigne et touche les bonnes personnes. Et je vais parler pour l’ensemble des rappeuses, j’aimerais que ces personnes encore sceptiques aillent écouter ce qu’on fait. En 2023, tu ne peux plus dire que les meufs sont nulles, ça signifie juste que tu ne t’y intéresses pas et que tu n’as pas écouté.