Être différent : s’il s’agit pour certains d’un objectif, pour Cinco, c’est naturel. En grandissant dans le quartier Jacques Cartier à Choisy-le-Roi, berceau de certains membres de la Mafia K’1 Fry, le futur jeune artiste d’origine congolaise va cultiver sa différence en s’inspirant de l’ovni américain Lil Wayne. Après plusieurs sorties musicales et des périodes d’absences dues aux épreuves de la vie, Cinco dévoile son premier album : Sacrifices.
Sacrifices, c’est le nom de ton premier album, est-ce que pour toi c’est un cap de franchit ?
Pour moi c’est comme sauter dans le grand bain quand tu ne sais pas nager (rires). Même si je l’ai travaillé de la même manière que mes autres projets, c’est vrai que j’ai eu plus de mal à l’écrire. Quand on parle d’album, cela fait peur un peu, alors je me suis bien plus impliqué qu’avant. Avant je n’allais pas forcément au mix de mes morceaux, là j’étais présent de A à Z, de l’écriture à la construction du projet afin de lui donner une couleur. C’était difficile, il y a eu un tas de sacrifices et pour sortir ce projet, je me suis moi-même sacrifié. Au départ, je ne me suis pas dit que c’était le moment de faire un album, on me l’a fait comprendre (rires). Il y a des morceaux qui datent et d’autres qui ont été réalisés, comme celui avec Josman, dès qu’on a su que c’était pour l’album.
On sent que tu travailles beaucoup plus sur ton image, quelle était la volonté derrière cette cover réalisée avec Koria ?
Je voulais qu’il y ait du rouge, c’est une référence aux Bloods et à Lil Wayne. À la base de la cover, je voulais être en blanc avec ma fille et être entouré de mes gars en noir, finalement ça ne s’est pas fait, mais je voulais que l’image soit forte et qu’elle tape.
Comment vois-tu l’évolution artistique du rap français par rapport aux américains ? Est-ce qu’ils ont toujours autant d’avance selon toi ?
Les américains sont plus forts que nous au niveau de leurs réalisations de clips et de ce que génèrent leurs musiques car leur pays est aussi beaucoup plus grand que le nôtre. Mais musicalement, en étant le plus honnête possible, nous ne sommes plus très loin.
Tu as été influencé par la rap américain et notamment Lil Wayne, comment cette musique a fini par arriver à toi ?
Je découvre le rap américain avec les chaînes comme MTV car il y avait beaucoup de clips qui passaient, des artistes à l’ancienne, du 50cent, du Rick Ross et bien entendu du Lil Wayne. Il y avait aussi les morceaux dans les films que je voyais, j’allais chercher qui les faisait et après je les écoutais. C’est de cette façon que je me suis pris le rap américain. Après pour Lil Wayne, je me rappelle surtout d’un morceau qui était Lollipop avec Static. C’était un gros morceau et énorme single. J’ai adoré, alors après j’ai tout rattrapé ce qu’il avait fait depuis le début.
Qu’est ce qui te plaît et qu’est ce qui t’influence le plus chez Lil Wayne ?
Lil Wayne c’est un fou, libre et talentueux, c’est comme ça que je le décrirai. À l’époque, un rappeur tatoué au visage ça n’existait pas trop, c’était un des premiers. Il est arrivé avec une folie mais aussi avec l’autotune. Dans le rap français, mise à part Booba qui avait fait un projet avec, il n’y avait pas d’autotune au moment où je découvre Lil Wayne. Je kiffais tellement le personnage, locksé, tatoué, fou, c’était un artiste. Il a influencé le game, il y a eu pleins de petits Lil Wayne ensuite. Il m’a influencé aussi, mes premiers morceaux c’était sur ses instrus.
Quel est le moment de sa carrière que tu préfères ?
Personnellement c’est de Tha Carter II jusqu’à I’m not a humain being, j’étais vraiment à fond. Après j’ai un peu décroché, mais cela reste toujours Lil Wayne. À tout moment, je peux me faire surprendre par un projet. Après, à un moment, il a un peu pété les plombs quand il a voulu devenir rockeur (Rebirth, ndlr). Je n’ai pas accroché mais je respecte le choix, c’est Lil Wayne. C’est à cause de lui que je fais du rap aujourd’hui.
Selon toi, quel est le meilleur projet de Lil Wayne ?
Tha Carter II. Il y a trop de sons de dingue dedans et c’est avec cet album que je le découvre vraiment. Dedans il y avait : Money on my mind, Huslter Musik ou encore Mo Fire aussi où on dirait qu’il fait du reggae bizarre (rires).
Ton top 3 subjectif de ses morceaux ?
Je dirai en premier Money on my Mind, ça c’est sûr et certain. J’adore l’ambiance et ce qu’il veut dire c’est hyper intéressant et ça me parle. À chaque fois que je suis fâché je l’écoute. En deuxième, je dirai Best Rapper Alive, elle est hardcore (rires). Il est fou de dire qu’il est le meilleur rappeur en vie, c’est hyper égotrip. En meilleur rappeur, il y a Tupac et Biggie qui sont décédés mais lui, il dit qu’il est le meilleur rappeur en vie ! Et la dernière, pour le fun je dirai A Milli, mais c’est vraiment pour le fun car c’est faux (rires).
Aujourd’hui, est-ce que tu écoutes plus de rap américain ou de rap français, et qui tu écoutes ?
Je n’écoute quasiment plus que du rap français, car aujourd’hui le rap américain ça ne me parle plus trop. En France, j’aime bien 1plike140, Ninho, Leto, Tiakola, Franglish et Tayc aussi car je n’écoute pas que du rap et pas que des hommes. Aux States, j’écoute Kaash Page et j’ai bien aimé le premier album de Summer Walker.
Il y en a un aussi que j’aime beaucoup c’est Justin Timberlake. C’est un artiste de fou qui m’a beaucoup aidé. Il a des mélodies qui sont trop fortes et elles sont très inspirantes surtout quand je mets du temps à en trouver une qui correspond au morceau que je suis en train de faire. S’il y a un artiste avec qui j’aimerai être au studio tout de suite, si c’est pas Lil Wayne, c’est Justin Timberlake.
En parlant de collaboration, sur ton projet il y en a plusieurs, Tiakola, Bné, Tsew the Kid, Franglish et Josman, on sent que tu as voulu les mettre à l’aise en allant dans leurs univers, pourquoi les avoir choisi ?
Les artistes que j’ai invité sur mon projet, c’est des gars que j’écoute et j’aime leurs musiques. Chacune des collaborations était différente de l’autre. Le morceau avec Tiakola et Bné, j’avais déjà posé le refrain et je les voyais dessus alors je leur ai proposé et ça leur a plu. Sinon on aurait fait un tout autre son où je me serai reposé en laissant Tiakola faire le refrain (rires). Avec Josman, on était ensemble au studio et au départ je voulais l’amener vers un morceau plus mélodieux. Seulement il avait envie de cracher du feu car il venait de sortir son EP HHHH qui était très loveur. Alors on est parti sur G13, en mode passe-passe.
Dans ton album, tu nous montres une large palette artistique, entre bangers et morceaux plus mélodieux, dans quel style tu préfères t’exercer ?
Je préfère faire des sons mélodieux car les bangers c’est facile. Si l’instru est bien alors ça vient tout seul. Alors que les morceaux plus mélodieux, c’est toi, ta voix et tes influences. Dans mon pays, ils sont très forts dans les mélodies notamment dans la rumba congolaise, j’en écoute beaucoup pour m’inspirer. Si ça ne tenait qu’à moi, je ne ferai que des morceaux mélodieux, les bangers c’est surtout pour mes gars, rappeler que je reste un bête de kickeur (rires).
On te reconnaît notamment par ta voix atypique, c’était volontaire ?
Avant j’avais une voix grave, puis ça s’est fait naturellement. J’ai mué dans l’autre sens (rires). C’est important de se démarquer aussi par la voix. J’ai travaillé dessus quand j’ai vu que ma voix changeait, maintenant on me reconnaît direct car j’ai une identité vocale.
Cette voix fait aussi que tu as développé ton propre univers, est-ce l’explosion d’artistes comme Laylow, plus underground et fidèle à leur univers, ont aidé des artistes comme toi à attirer un nouveau public ?
C’est vrai que ça nous a aidé vraiment, mais après je suis partisan aussi de sortir de son univers sans pour autant faire que du mainstream, afin de ne pas rester bloqué dans ce que tu sais faire. Lil Wayne a tenté son délire rock, ça ne m’a pas spécialement parlé, mais c’est bien et ce n’est pas grave. C’est bien de tenter des choses, car tu te prouves à toi-même que t’es capable d’aller encore plus loin et tu prouves aux gens aussi que tu peux faire d’autres choses. Après je trouve que les gens qui mettent des artistes dans des cases ne sont pas assez curieux. Dans mes premières mixtapes j’étais déjà très varié. J’ai toujours voulu tenter des choses et montrer que ma musicalité était variée. Les morceaux qui ont bien marché sont surtout des bangers sauf que je ne suis pas un rappeur qui ne fait que cela.
Sacrifices parle aussi de sujets plus introspectifs, dans le morceau Maybe tu parles du moment où tu es devenu papa, est-ce que le fait d’être père ça t’a changé dans ta vie quotidienne et dans ta musique ?
Un peu mais pas dans ma musique. Ma musique et ma vie, c’est deux choses différentes. Je n’ai pas changé ma manière d’écrire et mon egotrip, je suis toujours le même. Après dans ma vie, il y a des trucs que je faisais et que je ne fais plus et il y’a des trucs que je veux faire mais je réfléchis maintenant avant de le faire. C’est sur ça que j’ai changé, sinon je suis toujours le même.
Il y a un thème qui revient dans l’album à de multiples reprises, c’est le sexe opposé, à quel point les femmes peuvent t’inspirer dans ta musique ?
Les femmes sont des inspirations pour les hommes, on a tous besoin d’une petite femme à côté de soi, c’est comme des muses, elles sont inspirantes. Toutes les femmes qui m’entourent sont importantes dans ma vie, sans elles, je ne serai pas qui je suis.