Charlie Chaplin disait : « Ce n’est pas la réalité qui compte dans un film, mais ce que l’imagination peut en faire ». La citation peut avoir plusieurs interprétations, parmi elles, celle de l’inspiration et le développement de la créativité. Comment une œuvre d’art peut-elle aller au-delà de sa simple exposition ? Comment une musique peut-elle transporter une personne ou lui rappeler des souvenirs ? Comment un film peut-il devenir inspirant et motivant ? L’important c’est d’aller aux bouts de ses idées, et c’est ce que Laylow fait. Balancé entre créativité artistique et folie, parfois la ligne est très fine, le rappeur toulousain emporte son public dans une étrange histoire.
Après le coup de poker de Trinity, Laylow dévoile L’Étrange Histoire de Mr Anderson. Dans le même ADN de création, l’album comporte 20 titres dont 7 interludes. L’artiste qui était déjà allé au bout du processus dans son premier album, réitère le schéma avec un second album concept. Cette fois-ci, nous nous retrouvons chronologiquement avant sa relation cybernétique avec le développement psychologique du personnage de Mr. Anderson.
COMPRENDRE MR. ANDERSON
Si avec le court-métrage, on pouvait s’attendre à ce que ce Mr.Anderson ne soit nul autre que la partie sombre de Jey (Laylow, ndlr), finalement nous sommes loin du compte. Le mystère autour du personnage de Mr. Anderson s’estompe au fil des minutes pour se présenter comme la partie confiante, créative et courageuse de Laylow.
Si un tel personnage peut paraître déroutant au départ, son côté mystérieux devient au fil du temps très intéressant. Cette impression de schizophrénie est un choix particulier porté par l’artiste toulousain à la fois pour cultiver l’intérêt jusqu’à la fin de l’album mais aussi à dévoiler un schéma psychologique en 4 étapes. La première étape, celle du mystère : « qui est-ce donc ? ». La seconde : l’interrogation « que veut-il ? que peut-il faire ? ». La troisième est la compréhension : « que cherche-t-il à nous apprendre ? ». Pour arriver à la morale : « au fond, il faut s’écouter, aller au bout de nos idées et y croire car personne d’autres le fera à notre place ».
Pendant des années, Laylow a travaillé et perfectionné son art. Bien qu’il ait construit une fanbase solide, il était loin d’imaginer qu’il connaîtrait un tel succès lors de son premier album. Là où les chiffres sont intéressants, c’est dans l’évolution : plus de 10 000 ventes en première semaine pour Trinity contre moins de 700 pour son précédent projet : Raw-Z. À force de persévérer en étant convaincu qu’il fallait y croire, d’encaisser les échecs et y trouver des améliorations, de continuer à faire la musique qu’il voulait sans entrer dans des cases, Laylow représente au mieux l’expression : « le travail finit par payer » (on notera 35 000 ventes en première semaine, ndlr).
Après Gainsbourg et Gainsbarre, Renaud et Mister Renard, on retrouve Laylow et Mr.Anderson. Si l’artiste signait déjà ses productions visuelles par son alter égo, ici, il vient l’identifier comme son double : celui qui croit, celui qui a confiance, celui qui va au bout de ses concepts, celui qui pousse l’autre à aller de l’avant. Ce côté schizophrène dans la musique vient souvent représenter le meilleur et le plus machiavélique côté des artistes.
ENTRE LE RÊVE ET LA RÉALITÉ
L’histoire de cet album vient établir un mix entre les rêves de Laylow et la réalité de Jey. Un rêve vient présenter une forme d’introduction musicale d’un jeune homme rêveur mais dont la porte de la créativité finit dans l’outro par s’ouvrir pour laisser se libérer Mr. Anderson. Par la suite, on a le contraste entre le froid d’Iverson où l’artiste semble marcher dans les rues de sa ville, et la chaleur estivale de Window Shopper part.1 où il est au volant de sa voiture pour se diriger vers la soirée en compagnie d’Hamza. À cette soirée, il y rencontre Mr. Anderson dans les toilettes qui vient faire comme un électrochoc interne jusqu’à le faire exclure de la boîte.
Retour dans la voiture en compagnie d’Hamza, c’est le côté cascadeur qui prend la relève dans Stuntmen avec l’idée de vivre à feu et à sang sans se soucier du lendemain. Seulement, ce style de fast-life va venir le ronger par l’oppression de Mr. Anderson. Ce dernier va lui faire comprendre que le sexe, la drogue, l’alcool et le vagabondage ne vont pas le mener aux bouts de ses rêves. C’est à cette phase qu’on entre dans le rêve, la tourmente psychologique faite par Anderson sur Jey, la volonté de lui faire comprendre qu’il est quelqu’un de Spécial et que s’il continue, il n’accomplira pas son destin. Un destin qu’il croit vivre aux côtés des siens, seulement ces derniers n’en n’ont que faire.
Le réveil va survenir après le storytelling visant à la fois à dénoncer les violences policières mais également à démontrer que derrière chaque personne se cache une vraie personnalité et que face au destin et à la mort, la part la plus sombre apparaît. Ce storytelling cruel se voulait comme un basculement de Jey vers Laylow. À son réveil, cette amitié et ce manque de considération de ses amis va se révéler par une embrouille. Jey qui veut changer leurs vies misérables et celle de la voisine qui subit des violences conjugales, se retrouve face à deux amis dont l’intérêt seul est de jouer à fifa. Suite à cette embrouille, il se rend compte qu’il est seul dans sa quête artistique. Fallen Angels et Une histoire étrange viennent clôturer l’album avec la diversité musicale de Laylow, une prise de conscience de ce dernier et un message d’espoir de Mr. Anderson au public.
L’INFLUENCE DE MR. ANDERSON
Comme expliqué plus tôt dans cet article, l’aspect burtonesque du court métrage nous éloigne de la réelle nature de Mr. Anderson. Cette créativité et cette imagination incarnées par Mr. Anderson, qu’on a étant enfant, peuvent se retrouver enfermées. Mais chez Jey que permet-il ? Dans un premier temps, il assume sa noirceur par ses influences visuelles, cette ambiance qui oppresse mais également par les thèmes abordés : la solitude, la violence, la dépression, la haine, etc. Dans un second temps, il permet à Laylow de se dépasser et d’étendre sa liberté artistique : les changements de styles musicaux, l’identité visuelle, la volonté de faire des albums concepts, le côté digital, etc. Enfin, Mr. Anderson permet surtout à Laylow de croire en lui et en ses rêves pour que ces derniers se transforment en objectifs.
Bien que l’histoire se veut concentrer sur l’artiste Laylow, il vient en réalité être un message pour les auditeurs : croyez en vous, fixez-vous des objectifs même s’ils sont trop grands et donnez-vous les moyens de les atteindre, car si vous ne le faites pas, personne ne le fera pour vous.