Atlas, « le porteur » en grec. Ce Titan de la mythologie a été condamné par Zeus, vainqueur dans la guerre les opposant. Pour l’éternité il portera la sphère céleste, autrement dit le ciel, le monde. Twinsmatic est un porteur lui aussi. Sa charge est lourde et minutieuse, il doit créer et porter la musique. Le producteur choisit et dirige les artistes. Il réfléchit et confectionne les titres de la première note aux derniers arrangements. Enfin, Twinsmatic à la tâche de donner une harmonie globale à toute ses réalisations pour en obtenir qu’une : ATLAS, son premier album.
Connaître Twinsmatic
Twinsmatic est dans l’ombre, derrière les artistes sous les projecteurs. Ils ont commencé à deux, Julian et Nadeem. Ils se sont fait un nom grâce à des remix de titres à l’origine de Drake, Beyonce, Nekfeu ou encore Booba. La lumière se rapproche des Twins mais eux préfèrent se concentrer sur leurs propres productions. Ils infiltrent le rap français et font profiter S.Pri Noir, Dosseh et Take a Mic entre autres.
Autotune, merveille de Damso, a été produit par ces enfants du XXe arrondissement parisien. Mais le plus proche collaborateur du duo reste Booba. Leur première confection est A.T.R. en 2015. Booba enregistre un 16 de haut vol et se retrouve à coté de Christine and the Queens dans leur second projet, Nowhere. Après Talion et Gotham, ils participent à la production du Trône de B2o sur quatre titres : 113, Ridin’, Drapeau noir et Terrain.
Twinsmatic n’est plus qu’un à la confection du premier véritable album studio. Julian se transforme en Titan, et porte à lui seule sa direction. Avec ATLAS, la production et le rap français en lui-même change de dimension, et emmène avec lui celui qui l’écoute. Que le voyage commence.
Un parcours musical des plus travaillés
IBTU, pour “I Belong To U (you)” (« Je t’appartiens », ndlr) est une très belle mise en bouche. L’occasion de découvrir la douce voix de Marj qui chante en anglais, par-dessus celle de Twins. Dès le premier titre, l’importance de la prod est notable. Twinsmatic nous fait directement entrer dans son univers. On retrouvera Marj quelques titres plus tard. Avec Raison, la première signature du label TSC nous dévoile ses qualités de rappeuse en plus du chant, dans un morceau minutieusement travaillé.
Retour au début du projet, Ash Kidd vient après IBTU. Ames sensibles prenez vos précautions, ICE bouleverse vos émotions. Ash Kidd, Claude Bourgeois de son vrai nom, est un rappeur et producteur strasbourgeois. Comme Marj et pour notre plus grand bonheur, Ash est présent sur deux titres. ZOMBIES est quant à lui différent, un tempo accéléré et un kick plus puissant. Deux titres qui s’équilibrent parfaitement, sans faire naître l’idée d’une quelconque répétition.
Les notes défilent et les titres se suivent. Twinsmatic assure cette continuité dans les différentes compositions qui hypnotisent. Sur le titre ICE, Ash Kidd laisse place au musicien Waxx pour élever encore plus le morceau avec un solo de guitare électrique. Une minute de rock plus tard, la prod originelle reprend le dessus et nous transporte crescendo vers une autre ambiance, une autre journée. Il est SEVENOCLOCK, Dinos apparait. L’ambiance est électrique, le vocoder est poussé, le lyriciste sort sa plume. Loin du ridicule de « Don Quichotte », Dinos est brutal comme « Don Pablo ». La multitude de flows qu’il apporte respecte la complexité de la prod. Une nouvelle boucle de note conclue ce titre, et ouvre la voie au prochain, X2. Au tour de SCH de s’attaquer à une prod déjantée. Pas d’exercice de style, mais un exercice en apparence très facile pour le rappeur marseillais. SCH ne fait qu’un avec l’instrumental pour avoir la force d’Hellboy.
Après la mélodie, RAISON s’emballe et prend véritablement une allure techno. Les quatre fantastiques du 13 Block accompagnés de Koba prennent le relais. Après les avoir remerciés pour les travaux ils veulent le Gros Lot tandis que Koba ne fait plus la queue chez Louis Vuitton. Le rêve semble être atteint. Les adlibs sevranaises résonnent et donnent une profondeur au morceau.
« J’m’endors à l’heure où les oiseaux chantent, j’me réveille à l’heure où le soleil s’couche ».
ENCAISSER, BOX
Sans répit, le projet s’assombrit encore plus avec l’arrivée du rappeur originaire du 77, Box, sur ENCAISSER. Il a commencé à rapper dans la MJC de son quartier, sans avoir l’ambition de devenir le meilleur rappeur. Même si très doué, il est « seulement de passage », Box veut prendre sa part de l’industrie et sans aller après avoir brasser. Le message est clair et très bien transmis. La réussite de cet album s’explique notamment par la capacité de Twinsmatic à tirer le meilleur de chacun des artistes. Tous posent aisément sur les prods, et cela se valide encore sur les derniers titres de l’album.
Alors que NIGHTERLUDE aère l’ensemble du projet, le morceau replonge l’auditeur dans l’univers, un interlude en jonction avec le titre du suisse Slimka qui suit : YUNO pour “You know”. Avec un refrain très chantant et des couplets plus découpés. Après une escale à Genève, Twins repasse la frontière avec le grenoblois d’origine, Mister V. Avec le flow qui lui est propre, le V cherche des réponses à ses questions, le POURQUOI du comment. Avec transition mais peu de répit, Dosseh prend le contrôle d’une prod toujours aussi hypnotique. Le ton monte crescendo et nous entraine avec lui. Le Lo$$a en chef est navré, il est « bon qu’à faire d’la TRAP ». Cette ambiance club ramène un peu de légèreté à cette fin d’album. ATLAS se conclue avec MYSTRO, une outro composée d’instrumentales qui mettent fin au voyage, les bruits de natures nous reconnectent à la terre et les accords de piano nous ramènent à la raison.
Le voyage n’est en réalité pas totalement terminé. Deux semaines après la sortie de son album, Twinsmatic fait durer le plaisir avec ATLAS DELUXE. Sont présentes sur la réédition les versions instrumentales de chacun des titres. Un moyen pour Twins de présenter ces compositions vierges de toute voix, et un moyen pour l’auditeur d’apprécier et de reconnaitre le travail brut du producteur. L’allégorie d’Atlas est nettement plus compréhensible.