Avant d’être un album de Josman, Split, est un film dont le personnage principal, sublimement incarné par James McAvoy, souffre d’un trouble dissociatif de l’identité. Cette maladie mentale est diagnostiquée quand minimum deux identité alternantes – ou personnalités – prennent systématiquement contrôle du comportement de l’individu avec une perte de mémoire dépassant l’oubli habituel. Dans le film, Kevin Wendell Crumb est habité par vingt-trois personnalités différentes. Inspiré par le septième art, J.O.S démontre, lui, ses vingt-trois facettes à travers vingt-trois titres, tous uniques et fidèles au rappeur.
CONNAÎTRE JOSMAN
De parents congolais et angolais, José Nzengo est né en 1992, et à grandit à Vierzon dans le Cher. C’est grâce à sa grande sœur qu’il entend du rap pour la première fois. Inspiré, il s’essaie au beatmaking, et à l’écriture en parallèle. Après le baccalauréat, Josman rejoint la capitale et s’installe à Aubervilliers. Il enchaine les petites scènes et les open mic, freestyle partout où il passe et fait connaissance avec les studios d’enregistrement. Il y enregistre sa première mixtape Echecs positifs.
Une rencontre a été plus qu’importante, celle avec le beatmaker et producteur Eazy Dew. Ensemble ils travaillent sur Fly Pack (2015), un EP de trois titres. La machine est véritablement lancée. Sa deuxième mixtape, Matrix, lui permet de franchir des caps, de notoriété et artistique. Il enchaine avec 000$ en 2017 puis J.O.$. l’année suivante. C’est avec cet album qu’il s’inscrit véritablement dans ce rap jeu, et fait connaitre son univers à un nombre considérable d’auditeurs.
La matrice de Josman est complexe, la décrire n’est pas simple. Avec SPLIT, il nous offre un projet introspectif pour cerner le(s) personnage(s).
DIVISÉ COMME DANS SPLIT
Pour un bon nombre de fans, la première écoute n’a forcément été la bonne. L’enchaînement des vingt-trois titres a pu être lourd, l’impression d’un album « à rallonge » a pu se faire ressentir. Sur les réseaux sociaux, Josman a répondu. Selon lui, Split n’est pas une histoire et ne s’écoute pas forcément « d’un coup ni dans l’ordre », il y a « un son par mood ». Prendre son temps, partir, revenir, voilà la notice pour le consommer. Quand on lui demande alors « pourquoi le présenter comme un album ? », Josman répond : « On s’en fout 2020 c’est streamingland ». Il n’y a plus de règle, « peu importe le nom que tu lui donnes ça reste une poignée de son […] te prends pas la tête c’est que de la musique poto ». Le message est reçu. Présenté ainsi, le 16 ne peut qu’être conquis par le cassage de codes et le côté rebelle de SPLIT.
« Faut que je graille, faut que je croque sans que je craque / Nan j’peux pas me braque, j’té-con mes briques, j’fais pas de break / Hier j’étais broke donc paie ta race, paie, avec moi pas de troc / Fuck, envoie le fric sinon je frappe » : Josman frappe d’entrée en introduction avec Larmes de sel. Alors que les âmes se perdent et que les désastres s’enchainent dans le monde extérieur, Josman se montre très revanchard et travaille dur pour obtenir la reconnaissance qu’il mérite. Comme il dit, « le soleil brille plus fort après la grême donc jamais de grève ». Il continuera à gratter, toujours au Bon.Char, jusqu’à ce que la mort l’en empêche. « L’oiseau fait son nid, l’oiseau fait son nom », pas vrai Chily (Dégaine) ?
« Je n’suis qu’un vagabond qui traîne, cauchemars et quelques migraines. J’ai semé l’temps, j’en ai pris graines, je ne suis pas de ceux qui freinent »
j’allume
Josman est un être à part, constamment dans sa Petite Bulle. En fumant sa weed, il s’échappe et ne calcule plus rien. « Cette putain d’vie » qu’il accuse à travers ses sons est le responsable de cette débauche. Les autres disent qu’il est paranoïaque, lui répond : « j’tomberai pas dans la ruse ». L’Illégale lui permet aussi de se calmer et d’apaiser la douleur létale. J’allume va au-delà. Josman se montre ici imperfectible, conscient de ses défauts et lacunes et condamné à rester comme tel. « Paro dépressif » ou justement réaliste, il ne sait même pas ce qui le retient quand il voit le monde et ce qu’il devient. Coup de projecteur sur le mini film qui accompagne ce titre.
Josman en a bavé, Si tu savais… toutes les épreuves auxquelles il a dû faire face, « tout ce qu’il a fait dans cette putain d’life ». Mais Josman grandit perpétuellement, il apprend sur le tas et survit comme Bambi. Proche de la trentaine, il reste un apprenti qui ne cesse d’écouter les leçons de la vie et d’apprendre de ses erreurs.
« Le ciel est apocalyptique, j’oublie pas qu’Dieu est grand et que vu d’en haut, la race humaine est si p’tite »
bambi
Josman est un romantique aux paroles douces et sexy, Fleur d’amour en témoigne. BabyGirl traite d’un J.O.S attaché, même amoureux. Mais la vérité est qu’il n’a pas le temps pour construire une relation durable, son Lifestyle ne lui permet pas. Son caractère romantique laisse ainsi place à un Josman plus inaccessible et dur. Ce dernier ressort sur B!tch¸ aux côtés du Sauce God Hamza.
Argent, Drogue & Sexe sont chacun des vices si exagérés, Josman adore ça malgré tout et devient un véritable loubard avec Seth Gueko en featuring. Cette collaboration est aussi inattendue que réussie. Sa Mauvaise Humeur ressort sur le titre en featuring Leto, jusqu’à devenir « All black comme Bruce Wayne » avec Zed, membre du 13 Block. Les deux kicks à merveille et fusionnent avec la prod d’Eazy Dew, titre parfait pour se balader dans Gotham City. Mais Josman reste Seul. Ni le Feu.Bi, ni l’amour, ni les featurings ne le sortent de sa solitude. Son seul remède reste le stick.
Dans le film, Kevin cache en réalité une vingt-quatrième personnalité, considérée comme l’étape ultime de l’évolution psychologique du personnage : La Bête. Cette identité est construite et aboutie au contacte des autres. Maintenant que Josman a donné vie à Split et à ses vingt-trois caractères, on peut imaginer qu’il en sortira artistiquement évolué. Le prochain projet serait l’aboutissement d’un long processus de synthèse. Comme La Bête qui est dotée de pouvoirs surhumains, Josman pourrait être doté d’une technique toujours plus maitrisée et d’une plume encore plus sophistiquée qu’elle ne l’est aujourd’hui.