Lomepal a été véritablement la révélation de la scène musicale française de 2017. Avec son album Flip, qu’il a prolongé avec une version Deluxe, il a vendu près de 200 000 albums lui offrant ainsi un double platine. Un an après cette réédition, le rappeur parisien dévoile son deuxième album intitulé Jeannine en référence à sa grand-mère.
Connaître Lomepal
Antoine Valentinelli, surnommé « Lomepal » pour « L’Homme pâle » en raison de son teint pâle presque malade et de sa maigre corpulence. Le futur grand artiste grandit dans le 13ème. Pendant une enfance compliquée et une adolescence difficile émotionnellement, Lomepal prend goût pour le skate qui deviendra une réelle passion, mais aussi pour le rap, un autre amour qu’il partagera avec les membres de l’Entourage qu’il côtoie. Par ailleurs, c’est avec Nekfeu qu’il réalisera son premier morceau intitulé A la Trappe.
Malgré une réception mitigée de ce premier titre, il ne s’avouera pas vaincu ou refroidit à l’idée de faire de la musique. En effet, en 2011 il dévoile un EP intitulée 20 Mesures et deux ans plus tard Le Singe fume sa cigarette en collaboration avec Caballero et Hologram Lo’. Cette même année, il dévoile un EP solo intitulé Cette foutue perle dans lequel on retrouve Les battements. 2014 et 2015 seront les années respectives pour Seigneur et Majesté, des EP qui contiennent les morceaux Chute Libre, Toi et moi, Majesté ou encore Avion Malaisien.
Enfin en 2016, Lomepal en collaboration avec S-Two dévoile un ultime EP avant l’album, intitulé ODSL pour « Oh Dieu soit loué » dans lequel on peut écouter Achille, Oyasumi et l’excellent R2-D2. Le premier album Flip qui sera certifié double disque de platine et qui connaîtra une réédition avec des versions acoustiques, sera un véritable tremplin pour le rappeur qui s’ajoutera aussi l’étiquette de « chanteur » à travers certains titres. Porté par le succès de Yeux Disent, 70, Palpal, Lucy ou encore Bécane, il deviendra l’artiste reconnu qu’il a toujours rêvé devenir.
Analyse de Jeannine
Déjà dans son premier album Flip, au-delà de parler d’amour et de sa passion pour le skate, comme l’a très bien expliqué le Règlement, Lomepal a développé chez lui une certaine folie, une folie qu’il explique dans son deuxième album Jeannine et directement dans le titre Dans le Livret qui est un magnifique instrumental dont les paroles se trouvent dans le livret du disque.
En effet, si l’on établissait un échiquier du rap jeu, sans aucune hésitation Lomepal serait l’un des fous du plateau. Une folie qui fut transmise par sa grand-mère Jeannine et qui aux yeux de l’artiste est un don reçu d’elle, ce que l’on ressent dans le morceau Beau la folie. Une folie qu’il a fini par accepter car elle lui permet de ne plus avoir peur de s’ennuyer. Mais cette dernière divise son esprit en deux « Pal », d’un côté un « Pal » complètement instable et vivant comme un enfant et de l’autre un « Pal » plus mélancolique et renfermé sur lui-même comme sur le titre Le lendemain de l’orage.
Le premier « Pal » est instable, vivant et énergique comme peuvent l’être les Mômes. Dans ce morceau Lomepal nous fait part de sa folie à considérer la vie comme un jeu et de son innocence d’enfant face aux dangers qu’il peut provoquer, une forme pour lui de liberté. Une liberté qu’on ressent aussi dans le génial morceau Cinq doigts avec Philippe Katerine, un autre artiste qualifiable de « fou ». Cette liberté qui émane de ces morceaux est celle de rester un enfant comme dans le dessin animé Peter Pan et atteindre le Neverland : le Pays Imaginaire. Un pays où l’on ne grandit pas et où l’angoisse qu’il éprouve d’avoir 27 ans n’existe pas.
Mais, dans ce dessin animé, la troupe des enfants du Pays Imaginaire s’appellent les « Enfants Perdus » et « Pal » fait partie de ces enfants perdus. En effet, malgré son innocence enfantine qui fait qu’il écrit un titre comme Dave Grohl en référence à l’album Nevermind (Cela ne fait rien, ndlr) de ce dernier. L’artiste rappeur-chanteur souffre néanmoins de cette folie qu’il l’évade parfois de lui-même. Bien qu’il ne soit pas un X-Men, un très bon morceau en compagnie de Jean Jass, il a néanmoins une faiblesse : le sexe-opposé. La quête d’attention des femmes qu’on avait pu avoir dans Flip est aussi présente dans ce second album. D’ailleurs le chef d’œuvre de cet album est le fruit d’une tristesse avec la gente féminine : Trop beau. Mais ce malheur qu’il ressent vient entrer complètement en contradiction avec lui-même car déjà dans le morceau Plus de larmes il montrait qu’il s’était détruit au cours de sa vie à travers sa folie et qu’il était proche des démons, mais dans le titre Le vrai moi, il explique à travers un autre personnage qu’il aimerait mourir dans les bras d’une femme qu’il aime et qui à travers elle se rend compte de qui il est réellement. Cette quête du bonheur chez la femme est en réalité une quête d’un antidouleur pour sa folie, un antidouleur qu’il croyait avoir trouvé dans Trop beau.
Alors que le morceau avec Jean Jass montrait qu’on ne pouvait pas forcément tout bien encaisser que cela soit aussi bien le malheur et la tristesse que l’on pouvait ressentir, il montrait que le succès qu’il convoitait pouvait être aussi compliqué à encaisser tout seul. Même si il est « faible comme l’homme », il est assez fou pour avoir réussi à obtenir le succès qu’il souhaitait et veut même avoir encore plus dans Ne me ramène pas : « devenir le fils de pute le plus riche de la machine ». Une richesse qu’il souhaitait déjà dans 70 avec « des millions j’en veux 70 », mais une richesse aussi intérieure donné par le succès, la scène et le public qui lui permettrait de « briller comme l’or » dans l’excellent Evidemment, ce qui permettrait de nourrir ses deux démons « Pal » et « Pal ».
Entre une insouciance et une tristesse profonde, Antoine Valentinelli réussi à vivre avec ses démons « Pal » et « Pal », comme il l’exprime dans les morceaux Ne me ramène pas et 1000° : « Un pied dans les flammes, un autre dans la glace, j’ai trouvé ma place ». Cette séduction de ses deux personnalités très extrêmes, montre encore plus cette folie chez l’artiste et son goût pour la folie de manière générale. D’ailleurs dans certains morceaux comme Skit Mamaz ou encore en outro de Plus de larmes, on a des vocaux de sa mère qui s’exprime sur la folie : « quelqu’un qui accepte la folie de l’autre est nécessairement fou ». La présence de sa mère montre d’autant plus l’aspect très personnel de l’album. Ce dernier est vraiment marqué par les démons « Pal » et « Pal », le second à l’aspect très sombre et mélancolique est présent sur Le lendemain de l’orage, et le premier à l’aspect insouciant et bon vivant fait mention de ce dernier dans Ma cousin, un morceau entrainant pour ceux qui ne supporte pas cette folie chez lui.
Enfin, après des collaborations avec Roméo Elvis sur 1000°, Jean Jass sur X-Men et Philippe Katerine sur Cinq Doigts, on n’aura pas de collaboration avec Caballero comme on avait pu avoir sur le puissant Ça compte pas, mais une collaboration avec Orelsan sur La vérité. Amené par Skit Roman, un monologue de l’humoriste Roman Frayssinet, La vérité est un morceau qui dénonce le manque de courage des personnes à dire à d’autres qu’ils sont mauvais mais aussi qui dénonce les mensonges émis dans les morceaux de certains artistes. Lomepal et Orelsan ne visent aucunes personnes en particulier mais savent qu’il n’y a que la vérité qui blessera ceux qui se sentent visés par le morceau.
Pour conclure, ce deuxième album de Lomepal est encore plus personnel que le précédent, et est aux yeux de 16 Mesures l’un des meilleurs albums de cette année 2018. Avec des morceaux divers et une confirmation de son statut de rappeur-chanteur, Lomepal risque fortement de réaliser le même score que son album précédent étant donné que Jeannine s’est déjà écoulé à 50000 exemplaires (disque d’or, ndlr) en dix jours. En attendant d’écouter un futur album de l’artiste ou une version Deluxe de celui-ci, laissez-vous bercer par ce chef d’œuvre qu’est Jeannine.