Si l’on vous dit Casseurs Flowters, Comment c’est loin ou encore Bloqués vous penserez forcément aux deux compères Orelsan et Gringe qui ont fait les bonheurs musicaux et les rires d’un grand nombre d’auditeurs et de téléspectateurs. Alors qu’Orel semblait être le plus médiatique des deux, Gringe, après de nombreuses années d’attente dévoile enfin son premier album solo qui s’intitule Enfant-lune.
Connaître Gringe
Guillaume Tranchant ou Gringe est un rappeur et acteur originaire de Cergy-Pontoise (95). Pendant son enfance, il connait un grand nombre de déménagements qui l’ont amené à Caen où il fait la rencontre avec Orelsan dans un magasin de skate. Ils formeront le duo mythique Casseurs Flowters en référence aux deux cambrioleurs Casseurs Flotters du film Maman j’ai raté l’avion. Il faut savoir que ce n’était pas le premier nom du groupe, ils se sont aussi appelés « Orel et Gringo » puis « Le Scrabble » comme nous le révèle l’interview Moonwalk.
D’un point de vue carrière personnelle, son nom d’artiste est né d’un surnom donné par ses potes « Gringo » qui était aussi son premier nom de rappeur qui s’est dérivé finalement en « Gringe ». Au-delà des projets Casseurs Flowters et des morceaux tels qu’Inachevé, Si facile, A l’heure où je me couche, Les putes et moi ou encore la série Bloqués ; et bien après les polémiques sur le morceau Saint-Valentin, Gringe a su aussi se révéler au cinéma avec notamment le film d’Olivier Marchal : Carbone.
Analyse Enfant-Lune
Cette année 16 Mesures a écouté beaucoup d’albums mais rares sont ceux comme Gringe qui nous ont surpris. On ne savait pas à quoi s’attendre avec ce premier album, et à notre première écoute très sceptiques. Tout d’abord car Gringe nous a littéralement transporté dans son univers et nous nous n’attendions pas à ce que ce premier album soit si personnel. Mais ce dernier a su chavirer nos cœurs au fur et à mesures des écoutes…
L’album s’ouvre sur le titre Mémo qu’il avait dévoilé avant la sortie de l’album. Il s’agit d’une intro, où Gringe présente son album et se présente en remettant pour back certains extraits des classiques des Casseurs Flowters. Un vrai plaisir auditif de réentendre ce qui nous a bercé ces dernières années, et qui sert à notre avis de transition entre la première partie de sa carrière et celle qui débutera avec cet album.
Le morceau qui s’ensuit est Paradis Noir en collaboration avec DJ Pone, et il nous donne le véritable ton de cet album et nous transporte dans cet univers noir. Il nous démontre sa maîtrise lyricale et sa manière de kicker qu’on connaissait. Il est clair alors pour nous, que tout cet album est construit autour de la noirceur et des malheurs de Gringe. Une facette qu’on ne connaissait pas de ce dernier. Notamment par le titre de ce projet : « Enfant-lune » qui est une référence à la maladie où les personnes ne peuvent pas s’exposer au soleil, on imagine très bien que c’est une image pour décrire son isolement psychologique.
Un album sans featuring est assez rare. Dans ce projet on a été servi, en plus de la présence de DJ Pone sur Paradis Noir, Nemir sur Jusqu’où elle m’aime, Lea Castel sur Scanner, Diamond Deuklo sur Karma et Orelsan sur Déchiré. Gringe s’entoure encore une fois d’Orel mais aussi de l’autre duo décalé du rap : Suikon Blaz AD et VALD sur Qui dit mieux ; pour former les 4 Fantastiques ou les Tortues Ninja. Chacun des rappeurs va poser un couplet très chaud sur une prod incroyable de Skread pour former un morceau monstrueux.
Ensuite que serait un membre des Casseurs Flowters sans un peu de présence féminine ? Le premier morceau qui en parle est Je la laisse faire, où Gringe nous parle de son impuissance face à une femme qu’il aime. Enfin c’est ce qu’on peut se dire aux écoutes mais réécoutez le morceau en vous disant que ce « Elle » correspond à « la flemme » ? Vous y trouverez un autre sens au morceau, même si cela reste une hypothèse de notre part et qu’il pourrait tout à fait s’agir d’une femme.
Par contre, le sexe opposé est bel et bien présente dans cet album. Entre un Gringe qui teste ses limites en compagnie de Nemir dans Jusqu’où elle m’aime, un morceau qui nous a vraiment plu, où le rappeur perpignanais, qui avait l’habitude de faire les refrains, ici ne pose que pour un couplet.
Mais on a aussi ce thème dans trois autres morceaux : dans Déchiré avec Orelsan où les deux rappeurs racontent des sentiments de douleurs et des erreurs dans l’amour ; dans Retourne d’où tu viens où Gringe conte une femme qui l’a aimé et qui l’a brisé, qui revient comme une fleur proposer son amour, ce morceau très personnel est un de nos coups de cœur ; et enfin dans Pour la nuit où dans un morceau plus doux, Gringe parle de la trahison amoureuse et des relations sexuelles qui restent des moments éphémères.
Par ailleurs, le morceau On danse pas vient entrer en contradiction au mood de l’album, sur une instru très entraînante et un refrain répétitif, il vient faire écho musicalement au morceau Christophe d’Orelsan et Maître Gims. En différence avec ce morceau, c’est l’album entier qui est musicalement différent, par exemple on a le très bon Konnichiwa où le rappeur démontre ces talents de kickeur.
Mais ce qui marque dans cet album c’est l’aspect très personnel qu’on retrouve très fortement dans Pièces détachées et Scanner. Dans Pièces détachées, Gringe raconte l’absence de son père pendant son enfance et des répercussions que cela pourrait avoir si il venait à être père à son tour et dans Scanner, en compagnie de Léa Castel, il évoque ses ressentis face à la schizophrénie de son frère. Par les sujets qu’ils évoquent et par la manière dont Gringe les a formatés en musique, ces deux morceaux nous ont véritablement touchés.
Pour finir, les trois derniers morceaux concluent parfaitement l’album, d’abord LMP qui signifie « Laisse-moi planer » dans lequel on retrouve de manière détournée le fameux « J’ai tellement traîné dans les rues d’Caen / Avec une bouteille où tout l’monde a bu dedans / Entre deux mondes en suspens / Criminelle, la façon dont j’tuais l’temps » des morceaux Zone et Dans ma ville on traîne présents sur le dernier album d’Orelsan, en : « Entre deux mondes en suspens / Tout va trop vite et j’suis toujours plus lent / Plus rien n’m’émerveille plus rien m’surprend / Tous mes rêves de gosses ont foutu l’camp ». Le morceau Karma est le plus obscur des trois derniers morceaux, consacrés aux actes et aux relations. La présence du bouddhiste Diamond Deuklo amplifie ce morceau très spirituel. Enfin, l’ultime morceau est le morceau éponyme à l’album, Enfant lune, sonne comme une fin des combats, comme si l’Enfant lune pouvait enfin se promener à la lumière du soleil sans avoir de répercussions.
Pour conclure, ce premier opus de Gringe a été vraiment très concluant. Au fur et à mesure des écoutes nous avons été séduits par l’univers diversifié et très personnel qu’il nous a proposé. Bien entendu nous attendons un éventuel deuxième opus de ce dernier dans les années à venir ou bien un retour des Casseurs…