Difficile depuis quelques années de parler de la musique sans évoquer le rap francophone et sa grande vague artistique qui provient de Belgique. En effet, le rap belge s’est clairement installé sur le paysage français, des artistes comme Damso, Hamza, Caballero & JeanJass ou encore Roméo Elvis, sont aujourd’hui des figures marquantes de la scène musicale francophone. Grâce aux succès de certains artistes belges, d’autres artistes font parler leurs talents et c’est le cas de Senamo.
Connaitre Senamo
Même si son nom ne vous dit rien, ses musiques, elles, peut-être vous parleront plus. En effet l’auteur des titres Dans le sofa ou Etats d’âme est sur la scène musicale depuis maintenant quelques années. Sous le pseudonyme de Senamo, le rappeur originaire de Bruxelles fait partie du groupe La Smala. Le groupe sillonne chaque été les festivals pour défendre ses projets : Un Murmure dans le vent, en 2014 et Un cri dans le silence, en 2015. Ce groupe fait lui-même partie d’un collectif : A Notre Tour, composé de Caballero, JeanJass, Isha ou encore Lomepal.
Au-delà de ses projets collectifs, Senamo a quant à lui deux projets solo à son actif. Tout d’abord, il sort son premier projet solo en 2013 qui s’intitule Des Lendemains sans nuages et enfin il dévoile le mois dernier son nouvel EP Poison Bleu. En plus de ces projets, il a par ailleurs sorti deux projets communs : Sennes en compagnie de Neshga en 2016, et Trois fois rien avec Seyté et Mani Deïz la même année.
Analyse de Poison Bleu
Poison Bleu n’a pas forcément été le projet en tête de gondole lors de sa sortie, pourtant il en vaut clairement le détour. Senamo a été très actif lors des derniers mois, on a pu notamment le retrouver dans l’épisode de Rentre dans le Cercle spécial Belgique en compagnie de Fianso, Caballero & JeanJass, Roméo Elvis ou encore Isha, et on a pu le retrouvé sur YouTube avec certains titres comme Rose & Bleu, Parti de Rien avec Caballero ou encore Pile ou Face qui est extrait de l’album B.O du film belge Tueurs.
Avant même de commencer à écouter cet EP, nous nous sommes penchés sur la signification du titre. Poison Bleupeut renvoyer à trois significations. La première est clairement une référence à l’autre nom qu’on donne à la purple drink, une boisson composée de codéine, de prométhazine et de soda. Ensuite, « Poison Bleu » renvoie aussi au roman du même titre de Gardner R. Dozois et George Alec Effinger, et enfin le poison bleu peut aussi être une référence aux comportements de l’homme, bleu étant la couleur associée à l’homme et le poison représentant les mauvais actes qu’ils réalisent. Les titres qui composent ce projet sont majoritairement en rapport avec le titre et la boisson et ses effets secondaires : Poison Bleu, Violence et Volupté, Maladie Macabre, Dans le vide et Antidote.
Senamo nous offre différents mood comme si chacun de ses morceaux étaient une différente réaction au breuvage du poison bleu. En effet, le premier morceau qui est aussi le titre du projet : Senamo, dans un mood assez planant, nous délivre des constats de sa vie, et à certains moments on pourrait se demander s’il ne s’adresse pas au poison bleu directement. Il fait par ailleurs un référence à son morceau Rose & Bleu où il avait dit : « Tant pis, je bois le poison bleu et j’fume les fleurs du mal » où il refait une référence à l’œuvre de Baudelaire.
Ensuite, le titre Violence et Volupté est un coup de cœur, il est construit de manière particulière, il y a un effet de cercle sans fin entre 4 débuts de phrases dites dans un ordre précis : d’abord dans la première partie du morceau : « j’ai passé / j’suis cassé / j’ai parlé / j’suis blazé », puis le refrain vient séparer l’autre partie qui, elle, est constituée de la même manière mais avec « En deux s’condes / Suffit d’une fois / La vie est dure / Tu peux rien faire ». Senamo exprime à travers différents flows la continuité de la monotonie de la vie. Ce thème encore plus amplifié dans le morceau Maladie Macabre, Senamo va kicker plus fort et accentuer la noirceur de la vie, toujours comme s’il était sous poison bleu « j’ai pas le moral, ce soir, j’ai plus les pieds sur Terre. ».
Cette énergie et cette agressivité s’intensifie encore plus dans l’avant dernier titre Le village des damnés, où Senamo va réaliser une démonstration de kickage colérique et agressif, un des effets secondaires du poison bleu lorsque le manque se fait ressentir. Pour finir, le projet s’achève sur le titre Antidote, qui vient faire opposition au premier morceau Poison Bleu, un morceau beaucoup plus calme, Senamo semble soit être guérit de ce poison bleu soit il a repris une dose pour calmer son manque.
En guest sur cet EP, nous avons tout d’abord Roméo Elvis sur le titre C’est mon boulot, où les deux rappeurs belges vont nous faire bouger la tête. Une tête qui n’en finit de bouger sur le deuxième titre avec un invité : Youv Dee sur Toujours la même. Youv Dee, membre de l’ordre du Périph, ce morceau est un coup de cœur pour sa simplicité. Et enfin, l’ultime invité est Rob-D, membre du crew La Race Canine. Il est présent sur le morceau Dans le vide, un morceau qui est beaucoup plus planant et différent des autres tracks du projet.
Pour conclure, bien que ce projet semble être au premier abord, un projet pessimiste, il s’agit en l’occurrence d’un EP tout à fait agréable, vivant et varié. Senamo démontre qu’il sait faire des morceaux aux sonorités différentes, mais aussi il y a une véritable volonté de prouver qu’il peut y arriver aussi seul. Nous rappelons par ailleurs que la prise de drogue est dangereuse pour la santé mais que l’écoute de Poison Bleu peut s’effectuer sans modération.